Mathieu BelayMathieu Belay, Le dimanche 18 septembre 2016
Restaurants

Les 50 meilleurs restaurants de Paris #16 : Le Clarence (Chef Christophe Pelé)

Inauguré à l’automne dernier en lisière du Triangle d’Or, Le Clarence réunit le meilleur de tous les mondes : le faste d’un hôtel particulier du XIXème, l’élégance du service des plus grandes maisons, une cave époustouflante et une cuisine d’auteur inspirée. Découverte.
  • Le Clarence est installé dans un superbe hôtel particulier du XIXème siècle, à deux pas du Triangle d'Or parisien © Le Clarence
    Le Clarence est installé dans un superbe hôtel particulier du XIXème siècle, à deux pas du Triangle d'Or parisien © Le Clarence
  • Rouget, aubergines caramélisées, poutargue © Yonder.fr
    Rouget, aubergines caramélisées, poutargue © Yonder.fr
  • Déclinaison de douceurs pour terminer le déjeuner sur une note sucrée © Yonder.fr
    Déclinaison de douceurs pour terminer le déjeuner sur une note sucrée © Yonder.fr
  • Le chef Christophe Pelé en cuisine © Le Clarence
    Le chef Christophe Pelé en cuisine © Le Clarence
  • À l'intérieur du Salon Antonin Carême © Le Clarence
    À l'intérieur du Salon Antonin Carême © Le Clarence
Au diable la modernité, le décor sera somptueux, symbolique d’une grandeur bourgeoise que l’on pensait disparue. 

À quelques centaines de mètres seulement du Pavillon Ledoyen où officie désormais Yannick Alléno, Le Clarence, inauguré fin 2015 sous l’égide du Prince Robert de Luxembourg avec deux pointures du milieu de la gastronomie, Christophe Pelé et Antoine Pétrus, est notre prochaine destination dans notre périple des 50 meilleures tables parisiennes.

Le pitch : Le Clarence, nouvelle grande maison parisienne

Quand le Prince Robert de Luxembourg, président du Domaine Clarence Dillon et par conséquent du légendaire Château Haut-Brion dans le bordelais, il ne fait pas les choses à moitié. Prenant possession d’un hôtel particulier de la fin du XIXème siècle en lisière du Triangle d’Or – le Théâtre du Rond Point est littéralement de l’autre côté de la rue, le Grand Palais à un jet de pierre – qu’il restaure à grand frais grâce au travail d'orfèvre des meilleurs artisans d’art, il entreprend de redonner aux lieux leur lustre d’antan. 

Le chef Christophe Pelé entouré du Prince Robert de Luxembourg (à droite) et d’Antoine Pétrus © Le Clarence

 

Au diable la modernité, le décor sera somptueux, symbolique d’une grandeur bourgeoise que l’on pensait disparue. Son Altesse Royale aurait pu jouer la carte du classicisme jusqu’au bout. Il n'y aurait rien eu d'étonnant à ce qu'il confie les rênes des cuisines de son nouveau vaisseau amiral à un cuisinier bien sous tous rapports, rompu à l’exercice de la cuisine bourgeoise dans son expression la plus noble. Pourquoi pas un Meilleur Ouvrier de France pour s’assurer que les assiettes soient pleinement en phase avec le cadre cossu ? Mais non. En faisant confiance à un duo de chocs – Christophe Pelé et Antoine Pétrus - que tout semble opposer au premier abord, il choisit les chemins de traverse pour mieux imposer sa vision audacieuse. Le premier a certes bourlingué dans les grandes maisons du 8ème (Ledoyen, Lasserre, Bristol, Royal Monceau) mais c'est à La Bigarrade, feu son fief des Batignolles, qu’il se fera véritablement un nom. À travers un format intimiste et un menu unique imposé, il réussira l’exploit de s’attirer simultanément les louanges du Michelin (son restaurant se hissera parmi les rares deux-étoiles de la capitale), et du Fooding qui le consacrera de son Trophée du Meilleur Chef en 2008.

Quant à son binôme, Antoine Pétrus, on ne le présente plus. Le parcours éclair de ce sommelier au nom prédestiné impressionne. Meilleur jeune sommelier de France à 23 ans, passage auprès de Ferran Adrià époque el Bulli ou encore chez Bocuse, Ducasse ou Lameloise avant d’être récompensé d’un titre de MOF en Sommellerie, à 27 ans seulement. Il prend ensuite la tête de la salle de Lasserre et de sa cave aux 50 000 bouteilles. Un CV en or massif, une connaissance encyclopédique des vins et un sens de l’accueil hors du commun, pas de doutes, il a le profil idéal pour partager l’affiche avec Christophe Pelé. C’est donc à cet attelage de choc, aussi inattendu que complémentaire, qu’a été confiée la lourde tâche de faire du Clarence la vitrine parisienne du savoir-faire du Domaine Clarence Dillon.

  • Amuse-bouches (Maquereau, chou-fleur, cœur de thon rouge ; Ventrèche de thon, bœuf, foie gras, jus à l’encre de seiche, basilic, tamarin) © Yonder.fr
  • Homard, ris de veau, beurre d'amande, caviar Kristal © Yonder.fr

 

D’un restaurant de poche des Batignolles au faste d’un hôtel particulier du Triangle d’Or, tout aurait pu changer. Ce n'est pas le cas.

 

Dans l’assiette

Quand on demande à Christophe Pelé de définir sa cuisine au Clarence, il marque un moment de pause, hésite longuement avant d’avancer timidement quelques adjectifs. « Sincère, honnête, actuelle » lance-t-il, s'excusant presque de ne pas trouver les mots justes. Puis il finit par lâcher l’essentiel. « Je suis libre de faire ce que je veux ». La liberté. Voilà le le fil conducteur de la carrière de l’ancien chef-propriétaire de la Bigarrade où, simplement secondé de Giuliano Sperandio (qui l’a d'ailleurs suivi dans l’aventure du Clarence), il régalait ses clients d’une créativité sans cesse renouvelée.

D’un restaurant de poche des Batignolles au faste d’un hôtel particulier du Triangle d’Or, tout aurait pu changer. Ce n'est pas le cas. Certes, le standing du lieu impose de travailler dans un registre plus noble que lorsqu’il agissait à son propre compte. On ne s’étonnera pas de retrouver au menu la ribambelle de produits de luxe (caviar, homard…) qui sont l’apanage des plus grandes maisons. Sans que cela ne vienne jamais entraver l’inventivité du chef, toujours prompt à proposer des associations de saveurs aussi harmonieuses qu’irrésistibles. Passée la belle surprise d’amuse-bouches à l’identité très tranchée (ventrèche de thon, bœuf, foie gras, jus à l’encre de seiche, basilic et tamari), Christophe Pelé frappe fort d’entrée de jeu avec une entrée (homard, ris de veau, caviar) parfaitement balancée et exploitant au mieux l’équilibre terre-mer,allant chercher le meilleur de chacun des ingrédients pour un résultat époustouflant. Les plats s’enchaînent et avec eux des accords mets-vin d’une précision diabolique autour des meilleurs crus de la maison (La Clarté du Haut-Brion 2012, inoubliable, parmi les beaux flacons débouchés).

  • Grouse d"Écosse, lard de Colonnata, casseron, pommes soufflées © Yonder.fr
  • Bar de ligne, épinards, tourteau, maïs, beurre blanc © Yonder.fr

 

On imagine qu’en insufflant autant d’audace dans un lieu à l’opulence toute traditionnelle, Christophe Pelé doit bien s’amuser.

 

La cohérence entre l’esthétique des assiettes et ce qu’elles révèlent à la dégustation est saisissante. Derrière des dressages minutieux, le plus souvent compacts et ramassés, se cachent des créations percutantes, vives, inattendues. Là où la haute gastronomie peut se révéler parfois un peu brin ennuyeuse, Christophe Pelé met les formes - les pommes soufflées, absolument parfaites, sont un marqueur du très haut niveau de technicité en cuisine - comme pour mieux délivrer une cuisine d’auteur remarquée et remarquable.

Pas de demi-mesure pour l’ancien disciple de Bruno Cirino qui épate avec des assiettes au caractère bien trempé comme en attestent ses cuissons, toujours superbes et particulièrement efficaces sur les viandes, et ses assaisonnements acérés. De la grouse d’Écosse, le temps forts de ce déjeuner et une preuve de plus de la capacité du chef à sortir des sentiers battus, au rouget en passant par le bar de ligne, ça dépote à tous les étages. Il n’y aura guère que la sélection de fromages affinés par Maître Bernard Antony – superbe, au demeurant - pour nous offrir un moment de répit au beau milieu de ce tourbillon gustatif. Christophe Pelé affirme ne pas vouloir s’ennuyer en cuisine. On imagine qu’en insufflant autant d’audace dans un lieu à l’opulence toute traditionnelle, il doit bien s’amuser. De notre côté, on ne peut que ressortir de table admiratifs, le corps et l'esprit rassasiés.

 

  • Le chariot de fromages affinés par Maître Antony © Yonder.fr
  • Déclinaison de douceurs : Fraises des bois, laitue celtuce, orange, gavotte © Yonder.fr

 

Réserver au Clarence, c’est s’offrir un voyage dans le temps à peu de frais.

 

Dans la salle

Quand le grand chroniqueur gastronomique Nicolas de Rabaudy évoque  « un monde révolu que le prince de Luxembourg, aristocrate d’une vaste culture, a tenu à restituer dans le décor, l’ameublement et les trouvailles de cet hôtel particulier », il a tout dit. Réserver au Clarence, c’est s’offrir un voyage dans le temps à peu de frais. Bien plus qu’un restaurant traditionnel, pénétrer dans l’Hôtel Dillon permet une plongée dans un univers feutré fait de boiseries et de moulures, de parquets anciens et de bibliothèques.

L’hiver n’est pas encore là que l’on imagine déjà la cheminée crépiter. Dévoiler un tel lieu au milieu des années 2010 pourrait être anachronique. Mais le degré de raffinement et de sophistication avec lequel l’entreprise a été menée permet au Clarence de s’affranchir de toute considération critique. Dans cet hôtel particulier du 8ème arrondissement, cocon aussi cossu que cosy, le temps s’est arrêté. La vie normale a cessé son cours. Qui s’en plaindra ?

  • Intérieurs cossus dans les salons du restaurant © Le Clarence
  • Le Grand Salon du Clarence, au deuxième étage de l'hôtel particulier © Le Clarence

 

Indubitablement, le Clarence perpétue avec une rare élégance un art de vivre bien français, celui du repas gastronomique servi dans un grand restaurant.

 

Le service

Orchestré d’une main de maître par Antoine Pétrus, grand ordonnateur du bon déroulé du repas, de l’accueil dans le Grand Salon du 2ème étage (où il est de bon ton de débuter les hostilités par une coupe de champagne Jacques Selosse) jusqu’au choix des vins, le service est un modèle du genre. Le Directeur de la Restauration, pour qui « la table est l’un des derniers lieux civilisés dans le monde », assure à merveille son rôle de cérémonie tout en rondeur et en bienveillance. Indubitablement, le Clarence perpétue avec une rare élégance un art de vivre bien français, celui du repas gastronomique servi dans un grand restaurant. Et encore une fois, il est difficile de ne pas être impressionné.

L’addition

Comme on peut s’en douter, tout ce luxe et cette créativité se payent au prix fort. Menus en quatre, cinq et sept temps à respectivement 130€, 190€ et 320€ au dîner. Mais, bonne nouvelle, tant la carte que les menus déjeuner proposent de découvrir ce lieu somptueux qu’est le Clarence et sans se ruiner. Menu entrée, plat, dessert à 65€ à l’heure du déjeuner tandis qu’avec des entrées dès 30€ et des plats dès 55€, la carte offre des opportunités abordables de s’initier à la très belle cuisine de Christophe Pelé. Même constat sur la carte des vins qui met à l’honneur quelques belles bouteilles à des tarifs tout à fait raisonnables.

Le mot de la fin

« Cultiver la tradition sans cesser d’innover », la philosophie du Domaine Clarence Dillon s’applique admirablement au restaurant maison. En trouvant un équilibre parfait entre classicisme et modernité, Christophe Pelé et Antoine Pétrus promettent au Clarence un avenir brillant. Ce n’est d'ailleurs pas un hasard si la critique a été dithyrambique dès les débuts du restaurant, en novembre 2015.

Pour François Simon, pas franchement connu pour sa mansuétude, « un grand est né » alors que l’indéboulonnable Gilles Pudlowski évoquait dès ses débuts « une grande maison en devenir ». Le Fooding, fidèle à son ancien chef fétiche, saluait quant à lui le retour du « roi Pelé » s’enthousiasmant  au sujet de « l’émotivité millimétrique » du chef. On s’associe avec gourmandise à ce concert d’éloges, persuadé que Le Clarence, grâce à son âme quintessentiellement française, a non seulement le potentiel pour s’imposer comme l’une des plus belles tables parisiennes mais aussi la capacité à devenir le porte-étendard d'une gastronomie française renouvelée.
 

À lire également, notre interview exclusive de Christophe Pelé


 

PRATIQUE

Le Clarence

31 avenue Franklin D. Roosevelt
75008 Paris - FRANCE

Au déjeuner, Menus à 65€, 90€ et 190€ par personne
Au dîner, Menus à 130€, 190€ et 320€ par personne

Ouvert du mardi au samedi pour les déjeuners de 12h30 à 14h ainsi que pour les dîners de 19h30 à 21h30.

Tél. : +33 1 82 82 10 10        
Informations et réservations sur le site Web du Clarence.