
Notre road trip en Louisiane, 3 jours dans les Plantations
Joyau du sud-est des États-Unis, la Louisiane, qui fut tour à tour française, espagnole et à nouveau française, avant de devenir américaine en 1803, a été façonnée par la colonisation, l’agriculture et l’esclavage. Implantées sur des parcelles de terres fertiles contigües au fleuve (ce qui facilitait le trafic commercial), les Plantations se sont développées aux XVIIIeet XIXe siècles. Les somptueuses demeures des riches propriétaires terriens paradaient devant les champs de coton, de canne à sucre et d’indigo qui s’étiraient sur des milliers d’hectares.
Créées par des Créoles, descendants de colons, les exploitations agricoles prospéraient grâce au travail acharné d’esclaves africains. Les destructions, pillages et incendies perpétrés par les soldats de l’Union, la déclaration d’émancipation d’Abraham Lincoln mettant fin à l’esclavagisme et l’arrivée de nouvelles cultures ont mis un terme à cet âge d’or. Sur les 350 maisons antebellum (d’avant la guerre de Sécession), il n’en subsiste aujourd’hui qu’une poignée. A la fois grandioses et nostalgiques, elles sont les derniers témoins d’une manière de vivre qui a contribué à forger la légende du Sud. Découverte des cinq plus significatives le long d’un road trip en Louisiane de 3 jours.
Jour 1 du road trip en Louisiane
Arrivée - Poser ses valises à Ormond Manor
A 15 mn de route de l’aéroport de la Nouvelle-Orléans, Ormond Manor, demeure historique construite en 1790 dans un style colonial, est l’étape du premier soir de notre road trip en Louisiane. La bâtisse doit son nom à Richard Butler, colonel irlandais tombé amoureux du sud de l’État. Il l’achète en 1805 et la baptise Ormond, en souvenir de son château d'Ormonde situé dans la Verte Erin. Depuis 2023, elle abrite 5 confortables chambres au mobilier rétro, ainsi qu’un restaurant considéré comme la meilleure table créole des environs.
Ormond Manor
13786 River Road, Destrehan LA 70047
Après-midi - Whitney Plantation
A l’origine, elle s’appelait Haydel Plantation, du nom son premier propriétaire, Amboise Heidel, immigré allemand recruté en 1721 par la Compagnie des Indes pour peupler la Louisiane. Il modifia l’orthographe de son patronyme, après s’être enrichi avec la culture de l’indigo, convertie en canne à sucre par son fils à la fin du XVIIIe. En 1860, au décès du dernier Haydel, le domaine était l’un des fleurons de l’économie sucrière du sud, avec une production de 181 tonnes de sucre par an, orchestrée par une centaine d’esclaves (ouvriers agricoles, charretiers, laboureurs, forgerons, tonneliers, distillateurs).
En 1867, le nouveau propriétaire, l’homme d’affaires new-yorkais Bradish Johnson, la renomma Whitney Plantation pour honorer son petit-fils Harry Whitney, écrivain et explorateur de l’Arctique. En ruine, elle est entrée en 1990 dans l’escarcelle de la Formosa Chemical Corporation, qui voulait construire sur le domaine la plus grande usine de rayonne au monde (une fibre textile artificielle à base de cellulose). Mais face au tollé général, elle a finalement été acquise par John Cummings, riche avocat blanc de la Nouvelle-Orléans. Sa rencontre avec l’historien sénégalais Ibrahima Seck a concrétisé son projet d’en faire un musée consacré à la vie des esclaves.
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Whitney Plantation - Les bouilloires destinées au jus de canne © Mireille Gignoux
Honorer la mémoire de ceux qui y ont vécu
Outre l’exposition historique dans le bâtiment d’accueil et la grande maison assez dépouillée, la visite se concentre à l’extérieur. Un mémorial affiche 216 plaques de granit sur lesquelles sont gravés les prénoms de 107 000 esclaves, qui ont vécu en Louisiane avant 1820. A côté, s’égrènent diverses structures reconstruites selon leur conception initiale : baraquements d’esclaves, ponctués ici et là de statues d’enfants, atelier du forgeron (où a été tournée une scène du film Django Unchained de Quentin Tarantino), cage-prison, bouilloires en fer utilisées pour le jus de canne. Un autre mémorial émouvant évoque la révolte du 8 janvier 1811, qui s’est achevée par la décapitation de nombreux esclaves, dont les têtes furent plantées sur des piques devant les habitations de leurs maîtres.
Whitney Plantation
5099 Louisiana HWY 18, Edgard, LA 70049
Jour 2 du road trip en Louisiane
Matin - Laura Plantation, l’authentique créole
Tout commence en 1804, lorsque le normand Guillaume Duparc, vétéran de la marine française ayant combattu dans la Guerre d'indépendance américaine, fait construire l’Habitation Duparc : une superstructure en bois de cyprès, posée sur des pilotis de briques (avant que le Mississippi ne soit dompté par une haute digue, ses crues noyaient les domaines). Peinte en jaune, vert, rouge et gris perle, la maison illustre le style créole très coloré, qui contraste avec la blancheur du goût anglais.
À la mort de Guillaume en 1808, sa veuve Nanette Prud'homme prend les rênes de la petite sucrerie et la fait prospérer pendant des décennies. Mais au lendemain de la guerre, mauvaises récoltes, déclin de l’industrie du sucre et divergences familiales s’accumulent. En 1891, après trois années aux commandes, l’arrière-petite-fille de Nanette, Laura, jeune héritière de 21 ans, jette l’éponge. Elle vend aux enchères sa Laura Plantation et s’installe à St-Louis-Missouri avec son mari Charles Gore, issu d’une riche famille américaine.
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Laura Plantation © Mireille Gignoux
Fierté et trahisons
En 1993, 30 ans après le décès de Laura, un éditeur découvre son manuscrit relatant ses mémoires, à travers les quatre générations qui ont vécu sur la Plantation. Un mélange de fierté et de trahisons, d’héroïsme et de petitesse, d’amour et d’avidité. Une façon aussi d’expliquer à ses enfants pourquoi elle a rejeté les lourdes traditions créoles. Dans la maison-musée, de nombreux tableaux font revivre les protagonistes de cette saga. Joseph Dunn, qui guide la visite en français lors de notre road trip en Louisiane, explique la complexité de la vie des esclaves, intrinsèquement liée à celle de leurs maîtres. Dans les cabanes du parc, il souligne la transition difficile après l’abolition. Les esclaves, devenus des employés, étaient payés en jetons utilisables exclusivement au magasin de la plantation.
Laura Plantation
2247 Highway18, Vacherie, LA 70090
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Laura Plantation © Mireille Gignoux
12h30 - S’installer à Oak Alley
La plus connue des plantations sur notre itinéraire en Louisiane possède un restaurant ouvert de 8h30 à 15h. La carte appétissante et inventive permet de se restaurer avant la visite de la propriété et d’y revenir le lendemain pour le petit déjeuner, si l’on pose ses valises dans l’un des 7 pimpants cottages en bois, disséminés dans le parc.
Oak Alley Plantation
3645 Highway18, Vacherie, LA 70090
14h30 - Oak Alley la plus instagrammée
Bâtie en 1839, dans le style américain du Greek Revival, par Jacques Telesphore Roman, frère du gouverneur de Louisiane André Roman, Oak Alley se dresse au bout d’une somptueuse nef végétale. Parée de colonnes doriques blanches, cette maison cossue doit sa notoriété à sa photogénique allée de 28 chênes verts tricentenaires de 50 m de haut. Différents propriétaires se succèdent jusqu’à son rachat en 1925 par Andrew Steward. La bâtisse, alors en piteux état, est restaurée par son épouse Joséphine, qui a grandi dans un ranch au Texas. Pour donner un nouveau départ à la Plantation, elle y élève du bétail. A son décès en 1972, la propriété est léguée à la Oak Alley Fondation et classée en 1998 National Historic Landmark.
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Oak Alley Plantation © Mireille Gignoux
L’ancêtre de la climatisation
Plus glamour que ses voisines, Oak Alley raconte les fastueuses années, où se côtoyaient des femmes corsetées dans leur robe à crinoline et des gentils hommes amateurs de poker et de bonne chère. Des guides en costumes d’époque commentent la visite de la demeure qui, contrairement aux idées reçues, n’a pas accueilli le tournage d’Autant en emporte le vent (le site de Twelve Oaks était situé en Géorgie). Mais elle a servi de décor à Entretien avec un vampire (avec Tom Cruise et Brad Pitt). Sur 1000 m2, les appartements dévoilent un style de vie opulent. Salons, salle à manger et chambres sont aménagés avec d’authentiques meubles d’époque. Placées exactement les unes en face des autres, les portes-fenêtres permettaient, une fois ouvertes, de canaliser l’air frais venu du fleuve, propulsé sous le tunnel végétal. Une sorte d’air conditionné façon XIXe.
Dans le parc, outre les jardins ornementaux et les six cabanes à thème sur la vie des esclaves, une ancienne grange, le sugarcane theater, illustre la culture et la transformation de la canne à sucre.
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Oak Alley Plantation © Mireille Gignoux
Itinéraire en Louisiane - Jour 3
Matin - Destrehan Plantation
Également assise sur des piliers en brique, coiffée d’un toit à double pente selon le style colonial de l’époque, cette demeure achevée en 1790 était le foyer de la famille Destrehan. Jean-Noël, le patriarche, a joué un rôle important dans l'histoire locale. Nommé par Thomas Jefferson au Conseil législatif territorial, il a contribué à l’intégration de la Louisiane dans les États-Unis après son achat en 1803. Il a également été juge lors des procès des meneurs de la grande rébellion de 1811 (déjà évoquée à Whitney Plantation). En effet, dopés par la réussite de l’insurrection noire en Haïti, qui s’est soldée par la liberté et l’autonomie en 1804, les esclaves louisianais se sont révoltés à leur tour quelques années plus tard. Un petit musée aménagé dans une cabane du parc abrite une exposition sur ce soulèvement. Après le décès de Jean-Noël en 1823, le domaine a connu plusieurs propriétaires avant d’être abandonné et vandalisé.
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Destrehan Plantation © Mireille Gignoux
Depuis 1971, la River Road Historical Society, une organisation locale, l’a complètement restaurée. Pour rendre la visite plus ludique, des ateliers sur les métiers traditionnels du XIXe y sont proposés : tissage, fabrication de cordes pour les tâches agricoles, teinture à l’indigo, création de bougies à la main, et cuisine traditionnelle sur feu ouvert.
Destrehan Plantation
13034 River Road, Destrehan, LA 70047
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Destrehan Plantation © Mireille Gignoux
12h30 - Déguster des produits de la mer
Dans un décor qui ne paie pas de mine, cette adresse, très prisée par les locaux, offre un large choix de crabes, crevettes, huîtres et autres fruits de mer d’une incroyable fraîcheur et à des prix très abordables. Qui a dit qu’un road trip en Louisiane ne pouvait être gourmand ?
The Seafood Pot
14386 River Road, New Sarpy, LA 70047
Après-midi - Houmas House Plantation
En 1774, deux colons français, Maurice Conway et Alexander Latil, construisent une première demeure sur le territoire d’une tribu amérindienne, dont elle a pris le nom. En 1829, le général Wade Hampton, grand propriétaire terrien, fait construire sur le même domaine une grande maison néoclassique à colonnade. Après sa mort, en 1858, ses enfants la vendent à John Burnside, planteur irlandais, qui l’agrandit considérablement : près de 5 000 ha et 550 esclaves. La colossale production qui en résulte lui vaut le surnom de "Sugar Palace" (le Palais du sucre). Mais au fil des décennies, guerre civile, fin de la main-d’œuvre gratuite et bouleversements économiques changent la donne. Passée entre les mains de plusieurs propriétaires, elle est acquise en 1940 par le Dr George B. Crozat, qui commence à lui redonner son apparat d’antan. A sa disparition, en 2003, Kevin Kelly, un homme d’affaires de la Nouvelle-Orléans, se porte acquéreur lors de la vente aux enchères. Il en fait sa résidence privée, mais l’ouvre au public comme une destination.
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Houmas House - Lady’s Parlor
Comprendre la vie le long du Mississippi
Inlassable collectionneur aux goûts éclectiques, Kevin conserve dans son manoir meubles précieux, lustres en cristal, figurines Houma, et même une statuette du président Lincoln en argent massif. Un intérieur somptueux, restauré dans le respect du style qui prévalait en 1829.
Sur les 38 ha du parc, entre chênes et jardins luxuriants, s’égrènent fontaines, jets d’eau ornées de nymphes, statues et sculptures contemporaines. Un peu à l’écart, Kevin a imaginé le Great River Road Museum. Inauguré en 2020, il raconte, à travers 14 thèmes, l’histoire du puissant Mississippi et la vie de ceux qui y vivaient. Une collection de pièces parfois rares, dont un immense drapeau de la Confédération.
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Houmas House © Mireille Gignoux
Soir - Dîner et dormir à Houmas House
L’étape la plus luxueuse. Spacieux et romantiques, les 21 cottages joliment aménagés, qui mixent pièces anciennes et contemporaines, offrent des prestations comparables à celles des grands hôtels. Les petits déjeuners buffet sont servis au Dixie Café.
Pour le dîner, deux options : Carriage House, un décor XIXe avec moulures, lustres et médaillons géants pour goûter des spécialités louisianaises mitonnées par Jeremy Langlois, ou les jeudis et samedis sur réservation un menu-dégustation au Latil’s Landing, le manoir d’origine à l’ambiance victorienne.
Houmas House Plantation
40136 Highway 942, Darrow, LA 70725