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Florence Valencourt, Le vendredi 11 avril 2025
Restaurants

Notre avis sur Arborescence, l'art de la délicatesse

Avec Ginko et Rozò, Arborescence est la troisième d'un joli trio de tables qui font rayonner la métropole lilloise et donnent envie de mettre cap au Nord en ce printemps naissant. Cette semaine, c'est cette belle table de Croix, sans doute la plus poétique des trois, qu'on a envie de déflorer à vos côtés.
  • Arborescence Lille
    Arborescence Lille
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    Arborescence Lille

Pourquoi avoir choisi d'appeler leur restaurant Arborescence ? Félix Robert et sa femme Nidta répondent ainsi : « Arborescence est le cheminement de notre pensée. Elle s'envisage comme une promenade qui ne se terminerait jamais, avec mille ramifications possibles. Arborescence est un lieu libre dont l’histoire est pleine de racines. Une histoire qui ressemble à celle des plantes... complexe, voyageuse, créatrice. Arborescence est notre jardin mental, notre nature rêveuse ». D'emblée, on sait que la promenade en question sera à la fois cérébrale et sensible, pleine de sens, bucolique et peut-être parfois déroutante. C'est pour cela qu'en ce vendredi ensoleillé, on se laisse embarquer avec enthousiasme.

Arborescence Lille

 

 

Un château qui n'est pas de sable, pour deux doux rêveurs au goût sûr

Si l'on parle de château, c'est parce qu'Arborescence est réellement un ancien château textile, comme le Nord en comptait tant par le passé. En l'occurrence, un ancien bâtiment des 3 Suisses, d'abord réhabilité par la métropole, avant d'être repensé et sublimé par l'architecte François Muracciole, qui en a fait le théâtre d'une pièce culinaire sans cesse jouée et renouvelée. Une pièce en trois actes, ou un roman, c'est selon. Un jardin comme un incipit, le vestibule comme un préambule, avant de déboucher sur une salle lumineuse et d'entrer dans le vif du sujet.

Arborescence Lille

 

Ce goût de la mise en scène et la poésie qui se dégage des lieux, ne sont pas sans rappeler La Grenouillère, où Félix et Nidta ont tous les deux évolué pendant quelques années. Comme dans une épopée romantique, le garçon du Nord et la jeune fille originaire de Thaïlande se sont rencontrés - au lycée hôtelier du Touquet - et n'ont depuis cessé d'entrelacer leurs inspirations, leurs parcours (Troisgros, Tokyo, Suze-la-Rousse) et leurs identités, pour enfanter ce lieu à deux, en 2022. Comble de l'histoire, neuf mois plus tard, le restaurant de la métropole lilloise se voyait décerner sa première étoile Michelin. Un beau baptême.

  • Arborescence Lille
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Conte de printemps

Pour ce déjeuner printanier, on se laisse donc guider de bout en bout, émerveillés par les dessins inspirants de Nidta, le menu présenté sous forme de petits haïkus illustré par ses soins, la clarté des lieux ; sans oublier la quiétude qui se dégage de la cuisine ouverte, dans laquelle la brigade de Félix opère dans un silence rassérénant. Autant dire qu'on est dans les meilleures dispositions pour faire un Songe (le nom du menu).

Arborescence © Florence Valencourt

 

« Épanodiplose d'oseille » : voilà un intitulé qui cueille à froid, mais qui plonge tout de suite dans le bain, ou plutôt dans le bouillonnant cerveau du duo. Pour votre gouverne, l'épanadiplose est une figure de style consistant en la reprise, à la fin d'une proposition, du même mot que celui situé en début d'une proposition précédente. Comme une boucle. On retrouvera donc l'oseille à la fin du Songe... Pour signifier aux convives qu'il est temps de se réveiller et de reprendre la route ?

Arborescence © Florence Valencourt

 

Entre temps, une succession de plats délicats, oscillant entre iode et végétal, avec une belle fraîcheur pour fil conducteur. Parmi les plus saillants de ce déjeuner : ce « merveilleux marin » qui associe avec audace et grande maîtrise le chocolat, la mousse d'algue, l'huître et la salicorne. Une jolie claque. Idem pour la « marée montante » autour de la Saint-Jacques, à la fois percutante et subtile. Le Shiitaké inversé, au-delà de son côté graphique très abouti, joue astucieusement sur les textures et les températures. La « Carapace de homard » offre plusieurs niveaux de lecture – ou plutôt de dégustation – possibles, quand son diabolique petit satellite en chaud-froid ramène à la sensualité. Notre épiphanie : « souvenir d'un laab », autrement dit l'interprétation par Félix d'une salade thaï traditionnelle rustique (utilisant le plus souvent des abats de porc) en une version raffinée et gourmande avec des ris de veau, l'abat-roi. Splendide.

Arborescence © Florence Valencourt

 

Le rythme est plaisant, la promenade des plus agréables. Le service mené par Nidta est harmonieux, les vins qu'elle choisit sont à l'unisson. Les desserts finissent sur la même note : « Oryzae », « Mille et une feuilles », « Friandises vertueuses ». Et cette liqueur de verveine artisanale... Un autre poème.

C'est peu de dire qu'on part à regret de ce château dans lequel règne autant de talent.

Menus : Aube (Amuse-bouches, 2 entrées, 1 plat, 1 dessert et mignardises), 65€ le vendredi midi. Reflets (Amuse-bouches, 2 entrées, 2 plats, 2 desserts et mignardises) , 95€ midi et soir ; Songe (Amuse-bouches, 2 entrées, 2 intermèdes, 2 plats, 2 desserts et mignardises) , 120€ midi et soir.

  • Arborescence © Florence Valencourt
  • Arborescence © Florence Valencourt

 

Ce qu'il faut retenir ?

Arborescence nous fait vivre une expérience simple et complexe à la fois. Une table où l'on prend vraiment du plaisir, mais qui fait également réfléchir. Comme une pensée en arborescence, le cheminement et la créativité du couple semblent sans fin. Si on osait, on dirait qu'on n'a jamais eu autant de joie à emprunter le chemin de Croix ! Et que le Gault&Millau a eu raison de consacrer Félix Robert « Grand de demain ». On en reparlera, c'est certain.

ARBORESCENCE
76, rue de la Gare, 59170 Croix
Ouvert pour le dîner du mercredi au dimanche soir, déjeuner vendredi, samedi, dimanche.

r-arborescence.com

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