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Antoine LorgnierAntoine Lorgnier, Le lundi 06 mai 2024
Notre avis

Notre avis sur la croisière en Antarctique à bord de l’Exploris One

Créée en 2021, la compagnie de croisière française Exploris vient de terminer sa toute première saison en Antarctique. Récit de la dernière croisière vers le continent blanc où manchots, icebergs et baleines ont livré un spectacle de toute beauté après un voyage de plus 72 heures. L’Antarctique, la dernière terre sauvage, se mérite.
  • Croisière Antarctique - la baie d'Andvord © Antoine Lorgnier
    Croisière Antarctique - la baie d'Andvord © Antoine Lorgnier
  • Croisière Antarctique à bord de l’Exploris One © Antoine Lorgnier
    Croisière Antarctique à bord de l’Exploris One © Antoine Lorgnier
  • Croisière Antarctique - la baie d'Andvord © Antoine Lorgnier
    Croisière Antarctique - la baie d'Andvord © Antoine Lorgnier
  • Croisière Antarctique - Neko Harbour © Antoine Lorgnier
    Croisière Antarctique - Neko Harbour © Antoine Lorgnier

Jours 1 & 2 : Paris - Buenos Aires


Toute croisière en Antarctique commence par un long périple qui débute à l’aéroport Roissy-Charles de Gaulle. Destination Buenos Aires, la capitale argentine. 24 heures d’escale somme toute bienvenue, avec une visite du quartier de la Bocca et de la Plaza de Mayo en prime, même si l’impatience d’être déjà sur le bateau en croisière se fait sentir. 
 

Jour 3 : Buenos Aires - Ushuaïa
 

Ushuaïa, porte d'une croisière en Antarctique ! Même si ville la plus australe du monde a finalement été détrônée par celle chilienne de Puerto William, cette dernière a su garder son petit parfum de bout du monde. Après un déjeuner à l’hôtel Arakur, réputé pour sa vue sur la ville, et une balade en forêt, voici enfin le port et l’Exploris One. Nous avons à peine le temps de prendre possession de notre cabine que la radio de bord annonce un exercice d’évacuation. Tout se passe dans la bonne humeur et, accompagné des dernières lueurs du jour, le navire s’engage dans le canal Beagle.

  • Croisière Antarctique à bord de l’Exploris One © DR
    Croisière en Antarctique à bord de l’Exploris One © Antoine Lorgnier


Au dîner, la conversation s’engage sur le redouté passage de Drake - au choix « lake » (lac) ou « shake » (mixeur). Aux soixantièmes rugissants, les vagues flirtent avec les huit mètres de haut… Ce n’est pas sans une certaine appréhension qu’on se lance dans la traversée des 809 km qui séparent le Cap Horn de l'île Livingstone, première terre antarctique. Découvert en 1525 par le navigateur espagnol Francisco de Hoces, le passage a, par un tour de magie, été baptisé en l'honneur du britannique Francis Drake connu pour avoir effectué la deuxième circumnavigation de la Terre en 1580, après celle de Magellan, et participé à la défaite de l'Invincible Armada espagnole en 1588. Au cours de ces deux jours et demi de navigation, notre combat à nous sera de vaincre le mal de mer !

  • Croisière Antarctique à bord de l’Exploris One © DR
    Croisière en Antarctique à bord de l’Exploris One © Antoine Lorgnier

Jours 4 et 5 : Le passage du Drake


Au matin, une houle supportable permet d’aller prendre l’air sur le pont supérieur. Tout autour du bateau, ce ne sont que vagues moutonnantes sur lesquelles surfent pétrels et albatros… Ici, aucun relief pour ralentir le vent qui s’en donne à cœur joie. Après le déjeuner, l’équipe Expédition, menée par Florence Kuyper, nous invite au « bio Salon » pour procéder au nettoyage de nos affaires de marche (sac à dos, bonnets, gants, bâtons de marche). L’idée : ne rien importer qui puisse porter atteinte à la fragile biodiversité antarctique. D’ailleurs, ce sera le thème de la première conférence donnée à bord par Yvon le Mahot, directeur de recherche au CNRS, un des grands invités de la croisière avec Alexandre Taithe, chercheur à la Fondation pour la Recherche Stratégique qui, lui, parlera géopolitique et enjeux économiques.

  • Croisière Antarctique à bord de l’Exploris One © DR
    Croisière Antarctique à bord de l’Exploris One © Antoine Lorgnier


En fin de journée, la radio de nouveau s’anime : « Chers passagers. Ici votre commandant. Je vous signale un iceberg sur bâbord. Ne le ratez pas ! ». Le gros glaçon  galvanise les foules. Presque tout le monde se presse pour admirer cet iceberg tabulaire, que le commandant estime haut de quarante mètres. Avec deux fois plus de glace sous la surface, cela fait un beau bébé de 150 m qui flotte tranquillement sur les mers. Cela veut aussi dire que la terre est proche et, en effet, apparaissent à l’horizon les montagnes de l’île Livingstone. 
 

Jour 5 : Antarctique
 

La péninsule Antarctique est une infime portion du continent blanc (14 millions de km², deux fois plus en hiver avec la banquise). Sous la glace se cachent des montagnes qui frôlent les 5 000 m d’altitude. Par endroit la calotte glaciaire est épaisse de plus d’un kilomètre et son climat s’apparente à celui d’un désert. Grâce à la signature du traité sur l’Antarctique en 1959, ce grand vide est une terre dédiée à la paix et à la science qui n’appartient à personne. Seules les bases scientifiques y sont autorisées. Et les croisières en Antarctique ! L’Exploris One a jeté l’ancre dans la nuit et mon premier réflexe au réveil est de monter sur le pont. Le jour se lève à peine. Le ciel se pare de violet, de bleu, de jaune. Tout autour du bateau, de petits icebergs appelés growlers se balancent sur une mer d’une incroyable transparence.

  • Croisière Antarctique à bord de l’Exploris One © Antoine Lorgnier
  • Croisière Antarctique à bord de l’Exploris One - Baie Andvord © Antoine Lorgnier

 

De hautes montagnes enneigées enserrent la baie d’Andvord. La sortie du jour consiste à visiter Neko Harbour et rencontrer nos premiers manchots. Deux options : marche à pied ou kayak. C’est là un des atouts de cette croisière expédition : permettre de vivre des moments uniques grâce à des activités originales. Faire du kayak au milieu des glaces et à proximité des manchots, des phoques et même parfois des baleines est un vrai plus. L’après-midi se passera en zodiac dans la baie Flandres. Un immense glacier y vêle des icebergs de toute taille que prise une multitude de phoques (crabier, de Weddel, léopard...) qui viennent s’y prélasser sous un soleil quasi estival. 

  • Croisière Antarctique à bord de l’Exploris One - phoque crabie © DR
    Croisière en Antarctique à bord de l’Exploris One - phoque crabier © Antoine Lorgnier

Jour 6 : Antarctique


L’Exploris One quitte le détroit de Gerlache pour se faufiler dans le canal Lemaire et atteindre Port Charcot, petite baie de l’île Booth. L‘explorateur français Jean-Baptiste Charcot s’y installa en 1904 pour y mener diverses expériences. Comme l’hiver fut long, ses hommes dressèrent un énorme cairn au sommet de l’île, toujours en place, et qui est le but de notre promenade. Ici, les manchots papous règnent. Il n’est pas rare qu’ils partagent un bout de manchotière avec leurs cousins, manchots à jugulaire ou manchots Adélie.

  • Croisière Antarctique à bord de l’Exploris One - Lockroy © Antoine Lorgnier
  • Croisière Antarctique à bord de l’Exploris One © Antoine Lorgnier

 

Quant aux manchots empereurs ou royaux, ils ne viennent en Antarctique qu’au plus fort de l’hiver austral. Quelques icebergs plus loin, l’île Wiencke est comme sertie entre glaciers et montagnes. Sur ce bout de cailloux, les Anglais établirent une base militaire en 1944. Port Lockroy est aujourd’hui un site historique (n°61) protégé par le traité de l’Antarctique. C’est aussi la poste la plus australe du monde et chaque bateau y fait escale afin que leurs passagers puissent écrire quelques cartes postales et les faire tamponner du désormais célèbre manchot encreur. Depuis 1996, cinq volontaires assurent le service postal. 90 000 cartes en quatre mois. De quoi faire pâlir d’envie bien des bureaux de postes hexagonaux !

  • Croisière Antarctique à bord de l’Exploris One © DR
    Croisière Antarctique à bord de l’Exploris One © Antoine Lorgnier


Jour 7 : Antarctique


Avant d’entamer leur saison en Antarctique, chaque croisiériste doit déposer à l’Association internationale des voyagistes antarctiques (IAATO) itinéraires et escales souhaités. La règle limite chaque escale à deux bateaux par jour. Or, comme les conditions de navigation peuvent changer à tout moment, il en va de même pour les itinéraires. Aujourd’hui, escale sur les îles Danco et Foyn. La première fut cartographiée par explorateur belge Adrien de Gerlache en 1897. Au large, des groupes de manchots vont et viennent en bondissant hors de l’eau à une vitesse hallucinante. C’est là gage de survie car ils sont la proie favorite des léopards des mers, pinnipèdes au sourire carnassier. Adrien de Gerlache, comme Jean-Baptiste Charcot et Dumont d’Urville font partie de ces nombreux explorateurs attirés par les pôles.

  • Croisière Antarctique à bord de l’Exploris One © DR
    Croisière Antarctique © Antoine Lorgnier


En Antarctique, l’histoire a retenu les noms de Scott et d’Amundsen qui, en 1911, se tirent la bourre pour atteindre le pôle sud. Scott y laissa sa peau. En 1914, Ernest Shackleton y perd son navire l’Endurance (retrouvée en 2022 par 3 000 m de fond) et devient célèbre pour avoir sauvé tout son équipage après une odyssée de 22 mois. L’île de Foyn a, quant à elle, été découverte par des baleiniers, autres grands explorateurs de l’Antarctique, attirés par la graisse des phoques, des otaries et des baleines. L’île fut donc baptisée en l’honneur du Norvégien Svend Foyn, père du canon-harpon qui fit basculer la chasse à la baleine dans l’ère industrielle. De 1 500 baleines capturées par an dans les années 1890, elles seront plus de 50 000 dans les années 1930 !

Jour 8 : Antarctique


Ce matin le temps est nuageux. Une pluie lourde et froide balaie le pont mais, malgré tout, nous sommes impatients d’embarquer sur les zodiacs car des baleines à bosse nagent en nombre autour de l’Exploris One. Depuis l’interdiction de la chasse, les effectifs remontent doucement et les baleines viennent ici se gaver de krills, minuscules créatures marines qui foisonnent dans les eaux froides de l’Antarctique. Une baleine engloutit chaque jour plus d’une tonne de krills. Le menu est moins varié qu’à bord du bateau mais il convient tout à fait au régime des cétacés qui font le plein de graisse avant d’effectuer leur longue migration vers les mers tropicales pour mettre bas et se reproduire.

  • Croisière Antarctique à bord de l’Exploris One © DR
    Croisière Antarctique © Antoine Lorgnier


Au loin, une baleine fait le show devant deux autres embarcations. Elle plonge plusieurs fois, fait admirer sa caudale ruisselante d’eau, remonte la gueule grande ouverte fanons devant. Quand nous arrivons enfin sur zone la baleine plonge et disparaît. Nous nous apprêtons à repartir quand soudain des bulles d’air éclatent à la surface et alertent le guide. Il a juste le temps de faire reculer le zodiac avant que la baleine resurgisse pour se taper une dernière bonne ventrée de krills. Dans sa bouche grande ouverte, l’Exploris One soudain apparaît. 
 

Jour 9 : Antarctique
 

Le vent a soufflé toute la nuit forçant le navire à se dérouter. Nous ne pourrons pas descendre à terre sur l’île de la Déception. Le commandant Christophe Colaris, vieux routier des mers polaires, et Florence Kuyper décident quand même d’y faire un tour car le lieu est unique. La passerelle est grande ouverte aux passagers, autre vrai plus de cette croisière, et nous sommes plusieurs à assister à la manœuvre. L’Exploris One s’engage entre deux hautes falaises appelées les Forges de Neptune. Le passage est étroit « et il y a un énorme rocher sous l’eau à tribord » ajoute distraitement le commandant. Surprise, le navire débouche à l’intérieur même de la caldeira du volcan qui forme l’île de la Déception. Sur la plage de sable noir, finissent de rouiller les vestiges d’une station baleinière.

  • Croisière Antarctique à bord de l’Exploris One © DR
    Croisière Antarctique © Antoine Lorgnier


L’endroit semblait idyllique pour ces chasseurs mais le volcan ne l’entendait pas ainsi. Après plusieurs éruptions, il a bien fallu déguerpir. L’île voisine de Livingstone nous réserve une belle promenade. A Hannah Point, la colonie de manchots à jugulaire offre un spectacle ouaté. C’est l’époque de la mue et le duvet blanc des oiseaux s’étale sur le sable noir d’origine volcanique. Plus loin, tout aussi étalés, sommeillent des éléphants de mer et des pétrels géant que rien ne semblent vouloir perturber. Il est vrai que les hommes ne sont ici que de passage. Même si le tourisme polaire est en pleine expansion, pour une fois, des règles de bonnes pratiques ont été édictées à temps pour anticiper toute perturbation massive et irréversible de ce fragile écosystème dont dépend la planète Terre.

  • Croisière Antarctique à bord de l’Exploris One © Antoine Lorgnier
  • Croisière Antarctique à bord de l’Exploris One © Antoine Lorgnier

 

Jours 10 et 11  : Antarctique Cap-Horn


Voilà. Il nous faut rentrer. Au dîner, nous contemplons nos derniers icebergs par les fenêtres du restaurant. Le chef Julien Bernard nous a concocté une fois de plus un repas dont il a le secret, histoire de nous consoler. Le Drake nous attend mais il ne nous fait plus peur. D’ailleurs, il sera d’un calme presque absolu. « Je ne l’ai jamais vu comme ça de toute la saison », avoue le commandant Colaris qui nous fait la bonne surprise de se dérouter de quelques miles afin de saluer le cap Horn. S’enchaîneront ensuite le canal Beagle, Ushuaïa et Buenos Aires... le chemin du retour nous est connu.

  • Croisière Antarctique à bord de l’Exploris One © DR
    Croisière Antarctique à bord de l’Exploris One - Cap Horn © Antoine Lorgnier


Jours 12 et 13 : Ushuaïa - Buenos-Aires - Paris
 

Nous retrouvons Buenos Aires le temps d’une grosse demi-journée. Déjeuner carnivore dans le nouveau quartier de Puerto Madero où restaurants, bars et autres lieux branchés ont pris d’assaut les anciens entrepôts du port puis promenade dans le célèbre cimetière de Recoleta parsemé de mausolées aussi beaux que délabrés. Le vol pour Paris décolle dans quelques heures ; le temps de prendre une dernière bouffée de chaleur avant de retrouver la neige et la glace européenne mais sans les manchots ni les baleines !

  • Croisière Antarctique à bord de l’Exploris One - Argentine - Ushuaia © DR
     Argentine - Ushuaïa © Antoine Lorgnier


La Compagnie Exploris 

Exploris est une compagnie de croisières d’expédition 100% française et francophone fondée en 2021 par Philippe Videau, un ancien de la compagnie du Ponant. L’idée, redonner un sens au terme expédition en proposant des croisières plus proches de la nature avec des activités particulières (kayak, paddle...) qui permettent aux passagers de vivre des sensations inédites et de les transformer en véritables ambassadeurs de ces régions aussi spectaculaires que fragiles. A bord, des conférences données par l’équipe «expédition» et de grands invités alertent et informent sur le milieu antarctique, sa faune, sa flore et ses enjeux géostratégiques. Exploris est membre de l’IAATO, l’association internationale des voyagistes antarctiques qui impose de nombreuses exigences environnementales aux croisiéristes allant dans les régions polaires.

  • Croisière Antarctique à bord de l’Exploris One © DR
    Croisière Antarctique à bord de l’Exploris One © Antoine Lorgnier


Le bateau Exploris One

Acheté en 2021 à la compagnie américaine Siversea, le navire Silver Explorer est rebaptisé Exploris One en 2023. C’est le premier bateau de croisière enregistré au RIF (Registre International Français) de Nantes. Spécialement conçu pour naviguer dans les régions polaires grâce à sa coque renforcée et ses 102 membres d’équipage, il compte 60 cabines et 12 suites, un espace fitness, une salle de massage, un pont et un salon panoramiques, deux jacuzzis extérieurs et un vaste restaurant capable d’accueillir les 120 passagers autorisés par bateau dans les régions polaires. L’Exploris One embarque également dix-sept zodiacs pour assurer les visites à terre.

  • Croisière Antarctique à bord de l’Exploris One © Antoine Lorgnier
  • Croisière Antarctique à bord de l’Exploris One © Antoine Lorgnier

 

Pratique

Pour la prochaine saison australe, du 3 janvier au 3 mars 2025, Exploris propose six voyages de douze à dix­huit jours (dix à seize nuits à bord) en péninsule Antarctique et ses îles périphériques (Malouines, Géorgie du Sud, Shetlands du Sud). Prix : de 8 700 à 11 960 € par personne pour une cabine standard selon l’itinéraire choisi. Toutes les croisières partent d’Ushuaïa, après un transit par Buenos Aires. Attention, les vols internationaux Paris-Buenos Aires ne sont pas compris dans le prix.

Plus de détails sur exploris.co ou au 01 87 12 32 32. 

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