En toute intimité avec les icebergs : l'Hotel Icefiord à Ilulissat
HÔTEL ET RESTAURANT TESTÉS ET APPROUVÉS PAR LA RÉDACTION’
Le pitch | Un emplacement privilégié et un restaurant gastronomique de premier plan
L’hôtel doit son nom au célèbre fjord glacé qui en fait la renommée : c’est de l’extraordinaire glacier de Jakobshavn - l’ancien nom danois de la ville - situé à plus de 50 kilomètres au fond du fjord, que proviennent les fameux icebergs qui passent devant les chambres.
Et on l’aura deviné, un des atouts majeurs de l’hôtel est incontestablement la vue imprenable qu’il offre sur la baie d’ilulissat. Il est peut être utile de préciser qu’il est situé dans la ville, directement au bord de l’eau, mais pas au bord de l’Icefiord ! Tout simplement car il n’y a pas de constructions en bordure du fjord, dont le classement à l’Unesco empêche heureusement de telles initiatives ! Orienté vers le (nord-)nord-ouest, si la visibilité est bonne, on distingue parfaitement l’île de Disko, distante de plus de 50 kilomètres, et la péninsule de Nuuussuaq.
Mais lorsque les icebergs sont de la partie, ils lui volent la vedette. Leur concentration et répartition dépendent des caprices des vents et des courants marins, qui sont autant de facteurs impossibles à prévoir. C’est donc une vue en perpétuel changement qu’offre l’hôtel Icefjord.
Hotel Icefiord| Comment est l’hôtel ?
Situé dans une zone essentiellement résidentielle, le bâtiment de bois bleu clair ne se distingue des maisons traditionnelles à l’entour que par sa taille et sa forme en V. Les chambres se répartissent sur deux étages tandis que le restaurant occupe la position centrale, entre les deux ailes. Il ne faut pas s’attendre à de larges parties communes dans cette adresse de format boutique : la réception est située immédiatement dans l’entrée et se prolonge en un cosy coin-salon, où il fera bon s’attarder en prenant un café. Depuis la grande terrasse qui donne directement sur la mer, il est facile d’oublier la ville qui s’étend toujours davantage. On n’aperçoit que les maisons qui, comme l’hôtel, font face à la baie, ainsi que les landmarks de la côte : l’imposant bâtiment rouge de l’hôpital et, plus loin, celui de l’Hôtel Arctic.
En matière de décoration, l’hôtel a mis l’accent sur l’histoire et la culture groenlandaise. Plutôt que d’anonymes photos d’icebergs, on trouve dans les couloirs des reproductions d’œuvres du peintre danois Aage Gitz-Johannsen, qui lui valurent une telle renommée au Groenland qu’on le surnomma Qalipaarsuaq, "le grand peintre". Mais aussi de nombreuses photos montrant certaines des figures les plus importantes de l’exploration polaire dano-groenlandaise. A commencer bien sûr par le légendaire Knud Rasmussen, explorateur et ethnologue, natif d’Ilulissat et véritable héros national.
En savoir plus : Aage Gitz-Johansen, dit Qalipaasorsuaq
Cet intéressant artiste, relativement méconnu en dehors du Groenland et du Danemark, mérite certainement que l’on en dise quelques mots en passant. Introduit à la peinture de Paul Gauguin, il s’était rendu sur les traces de ce dernier en Polynésie quand, la même année 1933, une rencontre avec Knud Rasmussen allait le décider à voguer vers le Groenland. Il allait y retourner pendant 15 ans, s’attachant à peindre ses habitants et à saisir l’esprit de leur culture, prenant ainsi le contre-pied des Gronlandsmaler qui depuis le XIXe siècle s’étaient surtout intéressés aux paysages. Comment ne pas reconnaître dans ses habitantes de Thulé des cousines boréales des Tahitiennes de Gauguin ? Ailleurs, ses personnages aux silhouettes fluides et hautement stylisées ne sont pas sans rappeler un Henri Matisse. Gitz, comme il signait souvent ses tableaux, allait pourtant s’éloigner définitivement du Groenland en 1948, déçu de voir le pays engagé dans une politique de modernisation qui allait peu à peu effacer le mode de vie traditionnel. Que dirait-il donc s’il revenait dans le Groenland d’aujourd’hui ?
Le site consacré à son oeuvre : gitz-johansen.dk
Hotel Icefiord| Comment sont les chambres ?
Le design des chambres est sobre, dans la plus pure tradition scandinave, ce qui ne surprendra probablement pas ! Les tons gris et noir dominent, avec des lampes aux abat-jours en métal noirs. Le bois du mobilier donne juste assez de chaleur pour que l’ensemble forme un cocon douillet, où l’on sera heureux de rentrer s’abriter par gros temps, ou simplement pour récupérer d’une longue randonnée. Aucun élément ne vient troubler la sérénité qui se dégage de la chambre. Et si le temps est beau, quoi de plus naturel que de profiter du balcon ? Par températures clémentes, on pourra y prendre café ou thé. A ce sujet, privilégiant toujours la simplicité et la qualité, on trouve un excellent thé Rooibos en vrac et un infuseur plutôt qu’une trop habituelle sélection de thés en sachets.
Le soir, on pourra aussi y observer le coucher du soleil.... sauf évidemment pendant la nuit polaire ! Mais dans ce cas, peut-être les aurores boréales seront-elles au rendez-vous. Or, dans les chambres qui occupent le 2ème étage, un Velux situé juste au-dessus du lit permet d’apercevoir le ciel à tout moment. Qu’on se rassure toutefois, une commande électrique permet d’abaisser un rideau quand on veut faire l’obscurité à l’époque du soleil de minuit.
Ce qui fait la différence ? Un restaurant gastronomique réputé
C’est sans conteste un des points forts de l’hôtel et sa réputation attire les locaux et autres touristes, bien au-delà des hôtes. Aux cuisines, la jeune cheffe danoise Sandra Damgren Madsen déploie un talent impressionnant : mue par le désir de connaître d’autres cultures culinaires, elle n’est pas arrivée au Groenland pour y importer la cuisine du continent mais pour y découvrir de nouveaux ingrédients, qu’elle n’hésite pas à se procurer elle-même. Ainsi se réjouit-elle de pouvoir aller pêcher ses propres poissons ou cueillir des herbes en été. Un creuset d’influences nordiques et groenlandaises.
Pour commencer, un mocktail, très rafraîchissant mélange d’eau pétillante et de thé du Labrador, une infusion de plantes... qu’il y a une certaine ironie à nommer ainsi au Groenland. Car le nom latin de l’arbrisseau, rhododendron groenlandicum, rappelle qu’il est bien présent sur l’île, et pas seulement au Canada ou au Nord des États-Unis où on en fumait les feuilles dans le calumet de la paix ! Le dîner s’ouvre par une entrée superlative : un ceviche de cabillaud à la fraîcheur exceptionnelle, simple et subtil, avec ses chips aux salsifis et la rencontre inattendue d’une sauce au soja et d’une sauce au cerfeuil d’un vert lumineux. Une réussite totale et peut-être, même si c’est très subjectif, notre plat préféré. Pour l’accompagner, un vin blanc danois, le 56° North. Le solaris, cépage répandu en Europe du Nord, est connu pour ses notes fruitées qui sont ici bien identifiables et s’harmonisent parfaitement avec cette entrée.
Le plat suivant ravira les amateurs de gibier avec son excellent filet de renne, chassé dans les environs de Kangerlussuaq ou de Sisimiut. Outre des croquettes de renne on trouve dans l’assiette brocolis et betterave, en versions fermentée et marinée. Mais aussi de plus caloriques pommes de terre fumées - le restaurant a son propre fumoir - et un glaçage à base d’oignons, pistaches et noisettes, qui dominent l’accompagnement. Ce plat est coordonné avec un Brunello de Montalcino. Classique et efficace.
Le dessert se compose d’une tuile servie avec une compote de pommes, des pommes fermentées, de la glace à la vanille et au nougat. La sauce aux pommes au vert flashy inclut de l’huile d’angélique, une plante qu’on trouve au Groenland et dans de nombreux pays d’Europe du Nord, et à laquelle on attribue depuis des siècles des vertus médicinales. Le vin qui l’accompagne est un surprenant vin de dessert danois dont on nous explique qu’il provient de la région de Randers, ville du Jutland. Un des convives - danois évidemment - fait remarquer amusé que Randers est plus connue pour abriter une réplique de Graceland, la maison d’Elvis, que pour ses vignobles. Et pour cause, il s’agit d’un producteur particulièrement atypique, spécialisé dans la cryoconcentration de fruits : pommes, poires, cerises ou baies, tout sauf des raisins donc, pour en faire différents types de vins et spiritueux.
Le magnifique "vin de pomme" (Aeblevin en danois) qui nous est servi répond au nom cryptique de Malus X - Feminam. Qu’on ne s’y trompe pas, il ne s’agit pas d’une variation de notre cidre, encore moins de l’Apfelwein allemand. S’il faut lui trouver des parentés, ce serait un hybride du cidre de glace canadien et du pommeau normand. Comme pour le premier, le moût obtenu par pressage des pommes est cryo-concentré, quoiqu’il soit congelé plutôt que soumis au gel naturel. Le principe employé est toutefois similaire : la gravité permet de séparer l’eau gelée, qui reste en surface, du sirop très concentré qui s’écoule. Ce dernier est alors mélangé à une eau-de-vie faite maison qui en arrête la fermentation, suivant le procédé de production des vins de liqueur, à l’instar du pommeau dont le moût est, faut-il le rappeler - muté au calvados.
Il aurait été plus raisonnable de s’en tenir là mais, lors d’une dernière soirée au Groenland, comment résister à l’attrait d’un café groenlandais ? Cette création relativement récente s’est popularisée ces deux dernières décennies. Parente arctique de l’Irish Coffee, elle ne contient pas seulement du whisky mais aussi du Kahlúa, et est flambée au Grand Marnier. On dit que la flamme rappelle les aurores boréales. Quand, pour accompagner une dernière infusion, on nous sert une ultime douceur, une Flødebol, littéralement boule de crème, à base de massepain, on sent que l’on est sur voie royale vers le hygge. Quoi de plus hyggelig en effet que d’observer le tapis de glace flottant sur la mer, rendu toujours plus indistinct par la nuit et par la neige, depuis la salle douillette d’un restaurant que quittent les derniers convives, une tasse de tisane éclairée par la flamme vacillante des bougies ?
Hotel Icefiord
À partir de 270 € la nuit
J. Sverdrupip Aqq. 10, Ilulissat 3952, Groenland