72 heures à Leipzig, les bonnes adresses d'une ville méconnue
Le New York Times la qualifia en 2020 de « Cool-Kid-Town », la ville des gens cools. À moins de 200 km de Berlin, dans le land de Saxe, Leipzig (près de 600.000 habitants) étonne. Wagner y est né et J.-S. Bach y composa ses cantates. Goethe y étudia le droit et Angela Merkel la physique. C'est ici que commença en 1989 le soulèvement qui mènera à la chute du mur (de Berlin). Des façades baroques et des immeubles staliniens, des canaux et des parcs, des jardins improvisés et des usines devenues territoires d’art et de culture, des bars et des clubs là où on ne les attend pas, racontent son histoire. Un peu rétro et doucement underground, Hypezig, comme on l’appelle, cultive le goût de l’entre-deux.
Jour 1
9h30 – Poser ses valises au Steigenberger GrandHotel Handelshof
L'emplacement ne peut être plus central, à côté du marché Naschmarkt et de la vieille ville. Son imposante façade (celle d’une halle commerciale du début du siècle dernier) et son service de voiturier annoncent la couleur : nous sommes dans un 5 étoiles, un vrai ! Les chambres sont généreuses, décorées avec goût et élégance, mais dans la tradition. Salle de bain moderne, en marbre, et ici et là des citations de Goethe. Au petit déjeuner, œufs à la carte... Un spa propose un espace de remise en forme.
Steigenberger GrandHotel Handelshof
163 chambres et 14 suites, environ 250 € la nuit
Steigenberger GrandHotel Handelshof, Salzgäßchen 6
Mais aussi
L’Hôtel Townhouse, une adresse de charme en plein centre dans une zone piétonne, face à l’église Saint-Thomas et à quelques mètres de la statue de Bach. Nous sommes quasiment là où il a vécu ! Chambres spacieuses et lumineuses, sobrement décorées (design moderne) et forcément des références musicales un peu partout. Un conseil : on choisit une des chambres Kantate donnant sur un jardin ; ou celle au dernier étage avec vue sur l'église.
Townhouse Leipzig a Vagabond Club
52 clés, à partir de 107 € la nuit
Thomaskirchhof 13/14
10h30 – Faire le tour de la vieille ville
L’épicentre de Leipzig est la MarktPlatz. C'est ici que les foires commerciales de cette cité industrielle se tenaient au Moyen Âge. L'Altes Rathaus, l'ancien hôtel de ville, est un chef-d'œuvre d’architecture Renaissance. À la différence de beaucoup de villes allemandes, Leipzig a été « relativement » épargnée par la guerre. Immeubles baroques et de style Gründerzeit (les années fondatrices de l'Empire allemand en 1871) aux façades néo-gothique, cohabitent avec des bâtiments romantiques, Art Nouveau, modernistes et quelques vestiges de l'époque communiste. Le Neues Rathaus (le nouvel hôtel de ville inauguré en 1905) évoque un château de légende ; les halls et les voutes du passage Mädler hébergent des brasseries et des boutiques chics. Des têtes d’éléphant encadrent la porte du café Riquet et des musiciens de rue mettent Jean-Sébastien Bach à toutes les sauces. Sur les trottoirs, les Stolpersteine, pavés métalliques à l’initiative de l’artiste Gunter Demnig, commémorent les victimes du nazisme.
13h30 – On s’attable au Weinstock
Cossu, traditionnel et sur la place du Marché, la carte du Weinstock propose ce qui se fait de plus « allemand », dans un style bistrot rétro : miroirs et boiseries, faïence au sol et plafond en voûtes, nappes blanches, verres à pied, serveurs en chemises et cravates ; et même un menu en français ! On a choisi un Leipziger allerlei, des écrevisses servies avec des légumes vapeur ; et un filet de queue de bœuf… Carte des vins à la hauteur (l'une des meilleurs de la ville) et bon choix de bières.
Restaurant Weinstock
Markt 7, 04109 Leipzig
Site Web
Mais aussi ? Le café Kandler, à deux pas de l'église Saint-Thomas. Il est réputé pour son alouette de Leipzig (Leipziger Lerche) : une pâte brisée fraîchement sortie du four enveloppant de la pâte d’amande et de la confiture.
15h – Good Bye, Lenin !
Jusqu’à la réunification, Leipzig était en RDA, Deutsche Demokratische Republik. Il suffit de pousser la porte du Musée de l’Histoire contemporaine pour s’immerger dans un autre monde, celui de l’Est. Un passé récent dont le fantôme hante encore les rues. Rien ne manque : ni la déco de l’époque, ni les meubles et les ustensiles que l’on trouvait à la vitrine des magasins d’état, ni la mode « cousue main », ni les statues et les portraits des dirigeants de l'époque. Pas même la mythique Trabant, l’auto rêvée pour emmener la famille à la plage, sur la Baltique. Si vous en vouliez une neuve, il pouvait y avoir jusque 15 ans de délai… Un condensé de la vie quotidienne des Ossis avant l'arrivée des voitures occidentales et des publicités sur les murs. On est souvent loin des couleurs ternes dépeintes par la presse occidentale de l’époque !
Forum of Contemporary History Leipzig
Grimmaische Str. 6
Site Web
17 h – Goûter à l'Ostalgie !
La vitalité actuelle de Leipzig n'empêche pas une certaine « Ostalgie », cette nostalgie qu’ont les Allemands de l'Est (Osten en allemand) pour un passé pourtant difficile. Dans un décor des années 1950, on s’offre au Gaststaette Kollektiv une solyanka (soupe russe), un Warmes Eckchen, rôti posé sur du pain noir et arrosé de sauce, ou encore un Eierschecke, sorte de mille-feuille crémeux. Un pur bonheur ! L'ancienne conserverie VEB Feinkost abrite un magasin de mobilier vintage et une friperie. On se précipite chez Eisdiele Pfeifer, glacier totalement ostalgique et institution à Leipzig.
19h – Passer une soirée à l’opéra
À l’affiche ce soir, Der fliegende Holländer de Richard Wagner. En français Le Vaisseau fantôme. Leipzig est une terre d'élection de la musique classique. On apprend à l’aimer dès le berceau. Bach, Wagner, Mendelssohn, Schumann y ont vécu. Une première salle de concert, le Gewandhaus, a été construite il y a plus de deux siècles. Sur l'Augustusplatz, l’opéra a 325 ans d'histoire. Détruit pendant la guerre et reconstruit en 1981 dans un pur style Bauhaus, c’est une merveille de confort et d'acoustique. La réputation de la ville n’est plus à faire. On en profite : du 20 juin au 14 juillet, les 13 opéras de Wagner sont à l’affiche.
Oper Leipzig
Augustusplatz, 12
Site Web
22h00 – Suivre un souper
Au cœur du passage Mädler, l’Auerbachs Keller est peut-être le plus célèbre restaurant de toute l'Allemagne. Son histoire remonte au XVe siècle, mais c’est Goethe qui l’immortalisa 4 siècles plus tard, l’utilisant comme décor pour une scène de son fameux Faust. Traditionnellement vôtre, et un gâteau Méphisto en dessert…
Auerbachs Keller
Mädler-Passage, Grimmaische Str. 2-4
Site Web
Mais aussi ? Dans le sous-sol de la nouvelle mairie, là où jadis s’élevait le Pleissenburg, le Ratskeller est aussi un restaurant très traditionnel. Décor d'antan et bons plats saxons. La Gose, brassée à Leipzig, coule à flot.
JOUR 2
9 h – Saluer Johann Sebastian Bach...
On continue jusqu'à Thomaskirche, l’Église Saint-Thomas. Johann Sebastian Bach y fut Cantor (Maître de chapelle) de 1723 à 1750. Sa tombe est devant l’autel. C’est à Leipzig que la star de la ville a composé une grande part de son œuvre, plus de 200 cantates et sa « Passion selon Saint Jean ». Celui que Frédéric le Grand surnommait « le Cantor de Leipzig » a son musée, juste en face, dans un vieil hôtel particulier. Il faut monter dans les étages pour découvrir un espace sonore et une collection d’instruments de musique, de partitions originales et de manuscrits rares. Des expositions interactives nous en apprennent plus sur sa vie et ses œuvres.
… et Félix Mendelssohn
Bach avait un fan, Félix Mendelssohn. Directeur de l’Orchestre du Gewandhaus, il fut le premier à sortir Bach des églises. Au 12 de la Goldschmidtstrasse se trouve la maison où il passa les deux dernières années de sa vie. Aujourd’hui un musée (l’unique au monde) reconstitue la vie et l'œuvre du compositeur de La Marche nuptiale : salon de musique, bureau, piano sur lequel il travaillait, mobilier d'époque. Un « Effektorium » permet, grâce à des fonctionnalités numériques, de diriger soi-même un ensemble… virtuel.
Mendelssohn-Haus
Goldschmidtstraße 12
Site Web
11h – Entendre le bruit de l’eau qui coule
La température monte. Une promenade cool et rafraichissante est indiquée. Un court trajet en tram depuis le centre nous emmène, côté ouest, le long du canal Karl Heine. Celui-ci traverse le quartier de Plagwitz, serpentant le long d’anciens sites industriels reconvertis en lofts chics (on imagine des plafonds jusqu'à 6 m de haut !), et en restaurants au décor de brique et de métal. On peut le parcourir sur des chemins piétonniers, dans des canoés ou des gondoles à la vénitienne. Même à bord d’un ancien bateau-école des Pionniers, une organisation de jeunesse de l’ex-RDA. Des enfants s’amusent, des adultes rient aux éclats, des ragondins font la planche…
13 h – Déjeuner au restaurant Kaiserbad
Grandes tablées, canapés Chesterfield, de la brique, des murs carrelés, des papiers peints fleuris, une terrasse en surplomb du canal. Le restaurant Kaiserbad, intégré au complexe du Westwerk et décoré par des artistes, est entouré, on l’aura deviné, d’anciennes friches reconverties. Délicieux brunchs, mais également bagels et hamburgers.
15 h – Partir en virée arty dans d’anciennes usines
Autrefois marqué par l’industrie (les cicatrices se lisent sur les façades), Plagwitz est aujourd’hui un quartier branché, un terrain de jeu pour les amoureux de culture urbaine. Sur les murs d’anciennes manufactures d’armement, de machines agricoles ou de tôles ondulées, le street-art colore des murs noir charbonneux, des tags interpellent les passants, des galeries d’art et des espaces expérimentaux se la jouent « pop-up store », des œuvres insolites s’exposent dans des bars-clubs alternatifs. Le quartier rappelle le Berlin des années 90, où tout semblait possible, où les loyers étaient raisonnables. Des hipsters à la recherche d'un cadre de vie authentique circulent à vélo sur Karl-Heine Strasse, le moindre terrain vague est transformé en jardin collectif, l'ancienne centrale de chauffage du quartier est un centre d'art numérique.
18h – Sortir faire la fête
Dans le quartier de Plagwitz, la plupart des bars sont concentrés autour de Karl-Heine-Strasse. Et il y a le choix. Trois joyeux établissements nous ont été recommandés par des amis leipzigois.
- Au coin de la Merseburger Strasse, le Noch Besser Leben est un classique des soirées plagwitziennes. Qui plus est un pilier de la « Szene » locale. Plus qu’un simple pub, le « encore mieux vivre » est une maison de la culture alternative. Si la soirée s'allonge un peu trop, il fait pension.
- Le Bier Garten au pied du bâtiment de la Löffelfamilie (la famille cuillère) et sa célèbre enseigne au néon, en lieu et place de l’ancienne entreprise de conserves Feinkost. Tout autour, des commerces alternatifs, un cinéma/théâtre d’été, une friperie et un marché de street-food.
- Au rez-de-chaussée d’un lieu dédié au théâtre de marionnettes, le Froelich & Herrlich est un bar associatif au décor baroque. Des artistes plasticiens sont des invités permanents et des concerts y sont donnés régulièrement.
- Pour danser toute la nuit, voire plus, sur de la bonne électro bien sûr (Liepzig est la destination techno dont tout le monde parle en ce moment), le site internet Froh Froh donne chaque week-end ses recommandations de soirées, au Conne Island, à la Distillery ou encore à l’IFZ (Institut fuer Zukunft).
Jour 3
9h – Prendre un petit-déj (presque) parfait
À l'origine, le Dankbar était une boucherie des années 1870. Tous les détails ont été préservés, carreaux sur le sol et les murs, anciens crochets à viande, banc en bois encastré dans le mur. Sauf que l’on y sert désormais des petits déjeuners, les plus courus de la ville. On a commandé des œufs pochés au fromage et à la crème de potiron sur un pain noir légèrement grillé. L’Allemagne, c’est l’autre pays du pain ! Quelques groseilles rouges pour une touche acidulée et un café macchiato…
- Dankbar Kaffee Leipzig
- Jahnallee 23
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10 h – La Spinnerei, symbole du renouveau
L’endroit est beau, tout en brique rouges, hérissé de hautes cheminées d'usine et brut de décoffrage. Nous sommes dans ce qui fut, il y a un siècle, la plus grande filature de coton d’Europe. Aujourd’hui, la Spinnerei est le temple de la création artistique à Leipzig, une immense toile d’araignée (Spinne signifie araignée en allemand) de 10 hectares. Quelque 120 artistes et designers en résidence ont leur atelier (pour quelques euros le mètre carré) et une douzaine de galeries ont pris leurs quartiers. Une imprimerie, un atelier de lithographie, un magasin de matériel d'art, un café et même un petit cinéma d'art et d'essai, le Luru-Kino, y sont abrités. Néo Rauch, artiste phare de la Nouvelle École de Leipzig, dont les toiles se vendent autour du million d’euros a fait ses débuts à la Spinnerei, au milieu des années 1990, et lui est resté fidèle.
Et si on y posait nos valises ?
On peut dormir à la Spinnerei, dans l’un des appartements de Meister Zimmer. Quatre lofts rénovés dont 2 avec cuisine. Idéal pour une pause créative… et chiper quelques idées de déco.
MASTER ROOM
De 75 à 110 € pour 2, sans petit-déjeuner
Meisterzimmer, Spinnereistraße 7
Site Web
12h – Choisir une table avec vue sur… Saint-Pétersbourg
La City Hochhaus, à côté de l’opéra, est le plus haut gratte-ciel (142 mètres) de Leipzig et la mascotte de la ville. Première étape, le 29ème étage et sa terrasse panoramique, le meilleur moyen de voir la ville d’en haut. Au 28ème, le restaurant l’Assiette d'Art nous attend. On choisit une table avec vue sur… Saint-Pétersbourg. Autrement dit sur la place du marché, la Nikolaikirche, plus loin le Red Bull Arena, le stade de foot. Le restaurant est divisé en 4 zones : Tokyo, Cape Town, New York et Saint-Pétersbourg. Ambiance cosy et élégante. Le chef décrit lui-même ses créations comme « jeunes et effrontées ».
Panorama Tower
Augustusplatz 9
Site Web
15h – On rend visite au colosse avant le départ
Il nous reste quelques heures avant de quitter Leipzig. Le temps de faire un tour au Völkerschlachtdenkmal, le Monument de la bataille des Nations : un monstre de 91 mètres de haut, 300,000 tonnes de granit et de béton, aux allures de temple maya. Il commémore la victoire de l’Autriche, la Prusse, la Russie et la Suède sur Napoléon en 1813. À ce jour le plus grand mémorial d'Europe, dans un style germanique qui bannit tout référence à l'architecture française et italienne. La construction a démarré en 1898, elle s'achèvera quinze ans plus tard. Le «Völki», surnommé aussi le vieux colosse, est aujourd’hui (en nombre de visiteurs) la première attraction de la ville.
Y ALLER
Le plus facile est l’avion. Une liaison directe depuis Paris est opérée par la compagnie low cost Vueling. Durée du vol : 1h15.
Sur place, la Leipzig Card (12,40 € pour un jour, 24,40 € pour trois jours) permet d’emprunter toutes les lignes de tram, bus et trains locaux.
Un conseil ? Louer un vélo, en accès libre notamment devant la gare. Les distances entre les différents quartiers peuvent être longues et les trams rares passée une certaine heure.