Il était une fois… Le Tramway du Mont-Blanc de Saint-Gervais
Il y a du conte de fée dans l’histoire du Tramway du Mont-Blanc, un train plus que centenaire, comme un rêve devenu réalité. Un projet d’abord farfelu et pourtant désormais, le plus haut train à crémaillère de France. Une voie qui s’étire sur 12,4 km pour 1h15 de trajet qui déploie une myriade de paysages entre la gare du Fayet campée à 782 mètres d’altitude, et le Nid d’Aigle, son terminus à 2372 mètres. Un terminus ? Pas tout à fait, car il se fait aussi point de départ pour des balades faciles en famille, des excursions pour randonneurs aguerris, comme pour cette ascension, Royale forcément d’alpinistes chevronnés venus conquérir le Mont-Blanc. Retour sur l'histoire de ce morceau de patrimoine sur rail, que le département de Haute-Savoie, son propriétaire, ne cesse d'entretenir et de réinventer.
Une folle idée à l’origine du projet du TMB
Aujourd’hui, le trajet commence donc à la charmante gare du Fayet. Mais le voyage initiatique débute en 1835, avec une première étude avortée : il s’agissait de creuser sous le glacier de Taconnaz aux Houches pour toucher du doigt, en funiculaire, rien de moins que le sommet du Mont Blanc ! Issartier, Fabre, Souleyre : soixante ans et quelques inspirations plus tard, une poignée d’ingénieurs ont traversé les mémoires. Les plans s’échafaudent, les ébauches s’affinent et le début du XXe siècle retient enfin un projet et il sera saint-gervolain ! En juillet 1904, le département de Haute-Savoie valide solennellement le programme Duportal. C’est ainsi qu’est fondée la Compagnie du tramway du Mont-Blanc. Et c’est ainsi que naquit le chemin de fer, à l’époque, le plus haut d’Europe. Mais il faut savoir être patient et ce n’est que 5 ans plus tard qu’une première section accueille les voyageurs. 1909 : gare du Fayet, attention au départ ! En route pour le Col de Voza à 1653m d’altitude.
Allez, quatre ans encore et la voie est ouverte jusqu’au célèbre Nid d’Aigle. La plate-forme est provisoire, et la buvette à peine construite quand, ce 1er août 1913, des chanceux triés sur le volet, parviennent au terminus. La première Guerre mondiale passe par là et avec elle, se consume le fantasme d’atteindre le toit de l’Europe : techniquement trop difficile et surtout trop coûteux. Mais qu’importe, les sports d’hiver se développent, les camps d’été amènent leur flot de gamins en vacances, et celui qu’on appelle affectueusement le TMB poursuit, bon an mal an, son train-train.
Marie, Jeanne et Anne, les trois fées électricité !
Les années 50, déjà. Pierre Nourry, un industriel lillois rachète l’hôtel du Col de Voza puis les actions du TMB. Car, c’est sûr, ce magnifique tramway, il faut le moderniser. Grâce à lui, la fée électricité dope le tramway. Reléguées aux garages les locomotives à vapeur, voici venu le temps de trois automotrices flanquées de leurs remorques. Pour les honorer, elles sont même baptisées : Marie, Jeanne et Anne, du nom des filles de Pierre Nourry. Chacune avec sa propre livrée. De blanc et de rouge, Marie porte haut les couleurs de Savoie, laissant à ses sœurs, le bleu et le jaune, ou le jaune et le bleu. Jusqu’en 1999, où chacune s’habillera d’une couleur unie : Marie en bleu profond, Jeanne en rouge bordeaux et Anne en vert sapin. À leur bord 200 passagers mais 120 places assises seulement. Premier arrivé, premier installé !
En voiture s’il vous plait : 1h15 de panoramas à flanc de montagne
Et plus de cent ans plus tard, toujours ce même engouement, toujours ce même émerveillement. Et nul besoin d’être un enfant pour apprécier le voyage. Un joli matin d’été. L’activité bourdonne autour du guichet de la gare du Fayet. Mieux vaut avoir réservé ! Deux voitures par rame, mais une livrée d’une même couleur. Et sans même se donner le mot, les touristes grimpent dans la première, les alpinistes à l’arrière. Des bancs en bois, comme un retour vers le passé, des racks pour les sacs à dos, les bâtons de randonnées et les piolets en été. Vite, il faut s’asseoir de préférence près des baies vitrées. 1h15 de promenade et 12,4 km d’excursion pour ceux qui veulent aller jusqu’au bout du trajet. Une allure d’escargot ? Mais c’est justement le temps qu’il faut pour se repaître à loisirs de tous les paysages qui vont défiler. 1h15 de plaisir que viennent ponctuer 5 arrêts.
Le train démarre doucement, emprunte le pont du Bonnant, quitte la route nationale, salue le parc thermal. C’est ici qu’il enclenche la crémaillère. Saint-Gervais, deuxième arrêt et encore un flot de voyageurs empressés. La motrice longe les chalets, grince dans les virages, klaxonne dans le village avant de prendre sa vitesse de croisière : 22km/h sur le plat, mais 12,8 km/h en descente.
À 1377 mètres, le hameau de Motivon agrippé au massif du Prarion : à la station on croise Jeanne qui redescend ! Une débandade d’épicéas, quelques montées tranquilles un dernier raidillon, la zone des tufs, et ce replat, qui mène au col de Voza. Le tramway s’arrête abandonnant une flopée de visiteurs. On retient son souffle devant cette vue sur les aiguilles de Chamonix, la combe de Bionnassay, peut-être comme Abel Gance qui y tourna, on le sait peu, une partie de son film La Roue en 1923 !
À l’approche des sommets, Tête de Charme ou Col du Tricot
Ici se sont les vaches qui regardent les visiteurs passer, mâchouillant l’herbe de ces alpages aux verts insolents. Tête de Charme, une agréable randonnée de 2h30 pour bénéficier d’un superbe point de vue sur les Dômes de Miage et toujours le glacier. Avec un peu de chance, juste après la ferme de la Charme, apparaîtront quelques parapentistes prêts à décoller !
Pour les autres, le chemin continue. 7,8 km parcourus, vous croyiez avoir tout aperçu ? En contrebas, la vallée de Chamonix, blotti entre ombre et soleil. Et là, devant vous cette valse de sommets encore chapeautés de quelques neiges éternelles. Peu à peu les pâturages se raréfient, cédant la place à un univers minéral, magnifié par cette lumière. Une pente raide qui se frotte au précipice, quelques minutes de vertige, l’adrénaline est assurée ! Il faut dire que le dénivelé atteint 1792m sur l’ensemble du trajet. Arrêt Bellevue en vue, on le laissera aux marcheurs courageux qui veulent s’offrir le Col du Tricot ou le Tour du Val Montjoie. Le sentier en descente est aisé, mais le pont himalayen au-dessus du torrent de fonte peut intimider. Et puis, ensuite il faut bien remonter : 4 heures de randonnée, à bien anticiper !
Allez, les deux derniers petits kilomètres, totalement aériens, sur cette rampe des Rognes, un petit tunnel et le fameux Nid d’Aigle, terminus tant convoité. C’est un tout autre voyage qui peut alors commencer. Les alpinistes ont déjà en tête le début de leur trajet : en mire le refuge de Tête Rousse, pour aller titiller l’aiguille du Goûter. Les plus avertis s’offriront la voie Royale pour le Mont Blanc. Les familles ou les promeneurs débutants s’offrent le glacier de Bionnassay à moins d’1/2 heure. Et pour ceux qui aiment prendre leur temps, pourquoi ne pas redescendre, toujours à pied, jusqu’à la station Bellevue : 3 heures pour un déchaînement de beauté. Juste grand contemplateur ? Crêtes et glaciers, pics et séracs, il n’y a qu’un mot pour définir le panorama : spectaculaire !
Le conseil en plus ? Pourquoi ne pas prolonger la magie, à quelques centaines de mètre du terminus du TMB, dans le refuge éponyme. Pile en face de la Pointe Percée, dominée par les Aiguilles du Goûter, il est labellisé Refuges en famille et accueille les enfants dès l’âge de 2 ans. Un dîner gourmand, une nuit reposante et demain matin, peut-être un bouquetin pour saluer le petit déjeuner !
Plus d'informations sur le site du Tramway du Mont-Blanc et de
l'Office de Tourisme de Saint-Gervais Mont-Blanc.