On a testé le jeûne thérapeutique à la Clinique Buchinger Wilhelmi
Un vrai défi
Au sud-ouest de l’Allemagne, dans la ville thermale d’Überlingen, la clinique Buchinger Wilhelmi est devenue au fil des décennies une référence en matière de jeûne thérapeutique. Chaque année, 7000 clients de toutes nationalités et de tous âges (dont des sportifs de haut niveau, des grands patrons, des people) se pressent dans cet établissement dominant les rives du lac de Constance. Les motivations sont diverses : perdre du poids, soigner inflammations, hypertension, maladie du foie et autres maux qui gâchent le quotidien… ou tout simplement optimiser son capital santé.
Une rencontre avec la réalisatrice Coline Serreau, fervente adepte du lieu, m’avait donné envie de tenter l’expérience. Mais je l’avoue, mon âme d’épicurienne était un peu perplexe. Je craignais d’avoir faim, de m’ennuyer, de craquer en ville pour une tablette de chocolat. Un vrai défi m’attendait.
Une saga de jeûneurs
Outre le jeûne intermittent actuellement à la mode, les vertus préventives et curatives du jeûne thérapeutique sont très contestées par le corps médical français alors qu’en Allemagne, certains hôpitaux disposent de services dédiés. A la tête du département de recherche de la clinique Buchinger, le Dr Françoise Wilhelmi de Toledo collecte depuis 40 ans les données de jeûneurs afin de démontrer les interactions entre les mécanismes d’autoguérison du corps et de l’esprit. Ses études scientifiques confortent l’approche holistique initiée par le médecin allemand Otto Buchinger (1878–1966).
Atteint d’une polyarthrite rhumatoïde invalidante, contraint de quitter son poste d’officier de marine, il se lance en 1919 dans un jeûne de 19 jours pour tenter de soulager ses intolérables souffrances. Une fois guéri, il consacre sa nouvelle vie à développer une méthode centrée sur le jeûne et fonde en 1953, avec sa fille Maria et son gendre Helmut Wilhelmi, ce cocon au bord du lac. Aujourd’hui la quatrième génération est aux commandes : Léonard Wilhelmi à Uberlingen et son frère Victor à la clinique espagnole de Marbella créée en 1973.
Avant le départ
En sept décennies, le concept a séduit plus de 250 000 jeûneurs. L’éventail des cures est large : dix jours, deux, trois ou quatre semaines selon les pathologies. Mais quelle que soit la durée, un tel séjour ne s’improvise pas. Outre les 10 pages de questionnaire à remplir lors de l’inscription, il est recommandé, une semaine avant l’arrivée, de supprimer viande et alcool et de réduire la consommation de café pour ne pas brusquer son organisme.
Jour 1. L’arrivée
Une limousine m’attend à la sortie de l’aéroport de Zurich. L’accès aérien est plus simple que le rail (près de 7 h de voyage en train, avec trois correspondances, au départ de Paris). Une heure de route plus tard, je découvre ce temple de la détox, tapi dans un parc arboré et fleuri. Éparpillées dans six maisons construites au fil des ans, les 150 chambres et suites, à l’aménagement très fonctionnel, offrent toutes une vue panoramique sur le lac. Un décor apaisant qui invite immédiatement à la déconnexion.
En fin d’après-midi, les nouveaux arrivants se retrouvent pour le cocktail de bienvenue. Du champagne ? Même pas en rêve. On trinque avec un mélange d’eau, de tisane et de jus de fruits. Léonard Wilhelmi rappelle le concept aux néophytes. Mais la plupart des participants sont des habitués qui reviennent régulièrement « remettre les pendules à l’heure ».
En cuisine, les chefs travaillent les produits locaux bios pour offrir une restauration certifiée Demeter (ce qui correspond à l'agriculture biodynamique). Le premier dîner légumes/quinoa (goûteux bien qu’il ne comporte ni matières grasses, ni sel) et salade de fruits amorce la réduction du bol alimentaire.
Jour 2. Repos digestif
Début de festivités à 7h30. Premier rendez-vous avec l’infirmière pour un contrôle de la tension et du poids. Un rituel quotidien durant tout le séjour. Au petit déjeuner, j’ai droit à une appétissante soupe de fruits avec morceaux alors que les jours suivants, je devrai me contenter d’une tisane en chambre, accompagnée d’une petite coupelle de miel. Paradoxalement, le sucre, à petite dose, favoriserait la combustion des graisses.
Puis la consultation avec le Dr Andrea Siegler (il y en aura trois en 10 jours) détermine le déroulement de ma cure. Mesure de mon tour de taille, évocation de ma vie personnelle et professionnelle, maladies : de quoi composer un emploi du temps personnalisé auquel seront intégrés des soins adaptés parmi les 250 disponibles. Le médecin me prescrit du magnésium pour éviter les crampes et des probiotiques pour réensemencer mon microbiote intestinal. Suit une analyse de sang très complète (faite au laboratoire interne) pour compléter son diagnostic.
Outre le déjeuner et le dîner (qui passent de 1000 à 600 kcal) avec tisane en guise de dessert, la journée est consacrée à la découverte des activités : piscine extérieure chauffée, cours d’aquagym, espace Kneipp aménagé en biotope, salle de fitness aux baies ouvertes sur le lac, séances coachées de méditation, yoga, pilates, stretching. Mon organisme encaisse la rupture avec mon trépidant rythme urbain. Envahie par une sorte de léthargie, j’alterne lecture et micro-sieste sur le transat de mon balcon.
Jour 3. Hygiène intestinale
Lors du check-up matinal, j’opte pour le sel de Glauber (sulfate de sodium) de préférence au lavement. Pas très glamour, mais il est impératif d’avoir les intestins vidés pour éviter d’être tenaillé par la faim. Après un bouillon de légumes en chambre pour le déjeuner, l’infirmière met en place un autre rituel quotidien, la compresse hépatique. Au lit, emmaillotée avec une bouillotte sur le foie (qui favorise sa détox), je sombre dans une douce torpeur. Une somnolence interrompue par un mal à la tête, l’inévitable acidose du 3ème jour. L’infirmière, qui intervient à la moindre sollicitation, m’explique que mon organisme, privé de glucose, puise dans les réserves lipidiques qui sont alors transformées dans le foie en corps cétoniques. D’où cette réaction qui sera rapidement gommée avec une supplémentation en sels minéraux. Elle en profite pour me rappeler qu’il est essentiel de boire au moins 2 litres par jour.
19h. Le grand salon de la maison principale est désormais le lieu de rendez-vous pour « déguster » le bol de bouillon du soir ou le jus de fruits du midi, soit 250 kcal par jour. Je suis surprise de ne pas ressentir la moindre fringale. L’autophagie (autoréparation) s’est enclenchée. Les cellules, en mode résistance, dégradent et recyclent les structures vieillies ou endommagées.
Ce soir, au lieu de tomber dans les bras de Morphée à 20 h, j’assiste à un concert de guitare au salon, tandis qu’en toile de fond un magnifique coucher de soleil embrase le lac. Deux autres concerts sont prévus durant mon séjour.
Jour 4. Les clés pour mieux se nourrir
Premier soin : un drainage lymphatique manuel qui contribue à régénérer, nettoyer et détoxiquer. Ce massage soulage également les jambes fatiguées. De quoi être en forme pour arpenter l’après-midi les rives du lac, qui baigne également l’Autriche, le Liechtenstein et la Suisse. Bordée de palmiers et de parterres fleuris, une promenade de 5 km court le long de cette rive nord allemande, dévoilant ici du land art, là de pittoresques maisons ou encore une jolie chapelle romane.
Soirée atelier de cuisine. Pas question d’éplucher des légumes ou de se mettre aux fourneaux. La démonstration du chef donne les clés pour changer ses habitudes alimentaires de retour à la maison. Au programme : salades et sauces originales. Étonnamment je n’ai pas la moindre envie de grappiller dans les assiettes. Autres thèmes à venir : les desserts, la cuisine healthy après la rupture du jeune, conférence sur l’équilibre acido-basique dans le corps.
Jour 5. Randonnée très matinale
Quelle folie d’envisager une randonnée dès 6 h du matin, le ventre vide ! Je n’ai jamais programmé mon réveil pour y participer. Mais ce matin, en forme dès 5h40, bien chaussée, gourde remplie, je décide de me lancer. Après 10 mn de transfert en bus, trois groupes de niveaux différents (bâtons fournis) entament 2 h de balade. L’ambiance est bon enfant, les marcheurs conviviaux, l’accompagnateur raconte parfois une anecdote. Le soleil réchauffe peu à peu notre sentier entre vignes et vergers. Le temps s’écoule très vite. J’ai même oublié qu’aucun bol de céréales n’est prévu à l’arrivée. Je réitérerai les matins suivants : sentier de fleurs, boucle en forêt, itinéraire jusqu’à l’ancien monastère cistercien de Salem, ou circuit sur une rive sauvage du lac.
Au fil du jeûne, le besoin de sommeil a diminué. Le Dr Ziegler précise que le corps, en pilotage automatique, économise 30 % de l’énergie habituellement sollicitée pour la digestion. Il n’a plus besoin de produire de sucs digestifs ; il vit sur ses réserves prédigérées. Un sentiment de plénitude m’envahit.
Jour 6. Deuxième soin
Zappant les activités sportives, je pars à la découverte du marché d’Überlingen. Pas la moindre tentation devant les étals de fruits et légumes, qui rivalisent de couleurs et d’effluves. Alentour, les jolies maisons à colombages du centre médiéval et l’impressionnante collection de cactus dans la serre du jardin botanique ponctuent ma promenade.
Après la sieste, rendez-vous pour un Chi Nei Tsang (massage abdominal). Cette technique millénaire, issue de la tradition taoïste chinoise, libère les énergies négatives emprisonnées dans les organes internes et active le processus de détoxication. Manœuvres lentes et profondes sur différentes parties de l’abdomen, pétrissage des muscles abdominaux, mouvements de drainage et d'acupression. Certains points sont un peu douloureux. Mais 30 mn après la séance, je ressens un bien-être accru et mes fenêtres de somnolence ont complètement disparu.
Jour 7. Dernier jour de jeûne
En douceur, alternent rituels médicaux, activités variées, temps pour soi et moments partagés avec mes voisins de salon. Devant une tasse de verveine, chacun commente son expérience ou avoue ses faiblesses.
Jour 8. Rupture du jeûne
Dernier soin : un enveloppement aux fleurs de foin. Chauffés à la vapeur d’eau, les pochons floraux appliqués sur le dos et le ventre distillent une fragrance subtilement parfumée. Suit un massage du dos et des jambes, type deep tissue, qui accentue la détente et parfait l’effet drainage.
Pour réapprendre à mâcher de nouveau, la pause déjeuner se compose d’une compote de pommes, d’une amande et d’une noix de cajou. J’en aurai bien grignoté une poignée par gourmandise !
Retour dans la salle de restaurant pour le dîner. Impossible de finir mon assiette (épinards, potimarron, courgettes, pomme de terre, fleurs) dont la composition colorée donne pourtant l’eau à la bouche. Je suis « calée » par les quartiers de pomme croqués avec délectation au goûter.
Jours 9 et 10. Remontée alimentaire
Le müesli maison (fromage blanc, banane, avoine, pomme, oléagineux) accompagné de deux pruneaux compose les petits déjeuners. Les repas, à base de légumes, parsemés de boulghour ou en complément d’un soufflé au quinoa, permettent de passer progressivement de 800 à 1200 kcal. Des mets légers, dont la saveur est décuplée par mon palais qui semble remis à neuf.
Le dernier bilan médical indique une perte de poids d’environ 2kg (elle a fluctué au fil des matins selon la quantité d’eau absorbée au préalable).
De retour à la maison, j’ai poursuivi une lente reprise alimentaire, en évitant encore pendant une semaine les produits carnés, l’alcool et le café.
Médicalement très encadré, ce séjour a détoxifié mon organisme, a démultiplié mon énergie, m’a donné des clés pour manger mieux et m’a aidé à réguler mon sommeil. Trois mois après, malgré les sorties et les voyages, les bienfaits du jeûne perdurent.
Clinique Buchinger Wilhelmi
Wilhelm-Beck-Strassse 27, 88662 Überlingen, Allemagne
Forfait à partir de 3996 € les 10 nuitées