Vous êtes ici

Carole Lars-Huyvenaar, Le mercredi 05 mars 2025
Restaurants

On a déjeuné chez Julien Allano dans le Luberon, chez JU - Maison de cuisine

Julien Allano est heureux et cela se voit. Depuis le printemps dernier, le chef a ouvert son propre restaurant à Bonnieux, petit village de charme du Luberon. Une table à la fois authentique, généreuse, gourmande et raffinée qui mérite le détour.
  • La Maison de cuisine — Ju © Florian Domergue
    La Maison de cuisine — Ju © Florian Domergue

On l’avait rencontré au Clair de Plume lors d'un itinéraire dans la Drôme, jolie maison de Grignan où il officiait depuis 2013, à laquelle son talent et sa personnalité avaient offert une étoile au guide Michelin. En 2020, son engagement croissant pour une gastronomie durable, couplé à un travail minutieux avec les producteurs de la région lui ont valu une autre distinction, cette fameuse étoile verte qui auréole désormais les tables les plus éco-responsables. Si pour certains l’étoile rouge vaut toujours mieux que la verte, Julien Allano fait la démonstration que l’on peut offrir une table toujours plus magistrale en poussant toujours plus loin son engagement local. 

  • La Maison de cuisine — Ju © Florian Domergue
    La Maison de cuisine — Ju © Florian Domergue


Du mobilier à l’assiette, tout est de la région ou presque. Et n’allez pas demander un Coca-Cola: « acheter du Coca, intellectuellement parlant, ça ne rentre pas dans mes cases » dit le chef en riant. Alors pour consoler sa clientèle anglo-saxonne, il a imaginé une recette de « Coca-ramel », à base de café, de caramel et d’épices. Un régal, tout comme son sirop de pêches de vignes macérées ou de citron infusé à cru, utilisé par ailleurs pour l’un de ses plats. On ne gâche rien. « Valoriser ce qu’à la nature stimule la créativité » rappelle le chef.

Julien Allano a conçu sa table comme un voyage gastronomique en Luberon et magnifie les beaux produits de cette région de Cocagne, où tout pousse ou presque — même les grenades et le gingembre. « Cela fait des années que j’ai pris conscience de la nécessité de changer les choses. Ici, je veux aller plus loin et être le plus éco-responsable possible » résume-t-il.

  • La Maison de cuisine — Ju © Florian Domergue
  • La Maison de cuisine — Ju © Florian Domergue

 

Une adresse authentique

Ouverte sur une petite rue pavée du village perché de Bonnieux, la salle lumineuse est une première surprise en soi. Fondé à l’époque gallo-romaine, le village recèle des trésors et la salle de Ju-Maison de Cuisine, en est un. Tout en pierres claires, le restaurant se compose de voûtes et d’une succession de petites salles qui sont autant d’alcôves autour de la cuisine ouverte. Au sol, de la pierre blanche, ancienne et patinée, contribue à créer une atmosphère douillette et épurée — soulignée par la décoration imaginée par le Studio Mo-Mo, qui a collaboré avec des artisans drômois pour réaliser sur-mesure les meubles, chaise et tables. La vaisselle, toujours sur-mesure, vient d’Alsace, nécessité fait loi. Pour l’anecdote, la sciure du bois des pour les meubles (du noyer français) est utilisée pour les fumaisons. Rien ne se perd disions-nous.

  • La Maison de cuisine — Ju © Florian Domergue
    La Maison de cuisine — Ju © Florian Domergue


La dernière des salles — qui abrite une table asymétrique pour six convives — donne accès à une superbe cave troglodyte très haute de plafond, où sont conservées les bouteilles sélectionnées chez les producteurs (locaux bien sûr) par le sommelier Mathis Foucart. On y trouve également les légumes ainsi que les fromages, que l’on pourra venir choisir soi-même à l’occasion d’un véritable cérémonial, baptisé par le chef « expérience fromagère ».
 

Balade en Provence

Venant d’Avignon, Julien Allano est solidement ancré à son terroir, comme il est attaché à aux saveurs, aux odeurs et aux souvenirs d’Algérie, entretenus par sa mère et ses grands-parents pieds-noirs. Fidèle à la mémoire de son père, dont le portrait veille sur les fourneaux, il a très tôt choisi de consacrer sa vie à la cuisine. Ses menus sont des balades et celui que l’on découvre au fil du repas (les convives n’auront en main le menu qu’après le dessert) est une ode à l’automne, intitulée « balade entre vergers et forêts ». Tous les plats racontent une histoire, qu’il s’agisse d’un souvenir ou d’un voyage à travers les ingrédients du plat, comme au dessert, depuis la Drôme d’où viennent les noisettes aux Bouches-du-Rhône, en passant par le Vaucluse pour les poires.

  • La Maison de cuisine — Ju © Florian Domergue
  • La Maison de cuisine — Ju © Florian Domergue

 

Générosité et forte personnalité

La cuisine de Julien Allano est généreuse et l’homme a le sens de l’accueil. On attend le premier plat avec une focaccia maison savoureuse accompagnée d’une huile d’olive fruitée produite par un ami du chef lorsqu’arrive une première création qui donne le ton. Un petit-bol, surmonté d’une coupelle renversée, sur laquelle trône un petit nid de kadaïf poêlé garni d’un œuf de caille. Cette première gourmandise (inoubliable) trop vite avalée, on découvre une royale de cèpes dans la coupelle retournée comme un couvercle, au-dessus d’un velouté de champignon, qui tient du jus corsé que l’on déguste religieusement, les paumes enserrant le bol. Cette entrée en matière donne le ton de la cuisine de Julien Allano : haute en couleurs, forte en saveurs, c’est une cuisine d’émotions, de souvenirs et de partis-pris. « On a tout à Bonnieux » rappelle Julien, parlant des grenades qui agrémentent la salade de haricots verts d’octobre (issus des semis de juillet), assaisonnés d’un explosif cocktail d’ail et d’anchois.

  • La Maison de cuisine — Ju © Florian Domergue
    La Maison de cuisine — Ju © Florian Domergue


Gourmand, le beurre est baratté sur place tous les matins avec de l’épeautre torréfié (« à tartiner généreusement » conseille Julien), pendant que les délicieux pains dorent au four. Mention spéciale à la truite Ikéjimé, élevée à l’Isle-sur-Sorgue, travaillée de quatre façons. D’abord maturée au sel, elle est ensuite séchée 24h, fumée pendant 1h30 avant d’être passée à la flamme sur une face. Pour la note poétique, cette merveille de technique gourmande est servie sous de « petits cailloux de la Sorgue », faits de croûtons de pain coloré par du plancton. Pour les viandes, on préfère ici les bêtes que l’on peut valoriser dans leur intégralité, raison pour laquelle on trouvera sur la table de l’agneau, de la volaille ou du gibier à plume mais pas de bœuf. Julien Allano ne veut rien gâcher et n’hésite pas à partager ses recettes anti-gaspi, depuis ses fameux sirops de fruits au mille et une manières de valoriser les épluchures de légumes ou les écailles de poisson. Inspirant.

  • La Maison de cuisine — Ju © Florian Domergue
    La Maison de cuisine — Ju © Florian Domergue

Ce qu'il faut retenir

Après plusieurs années à la tête d’un restaurant étoilé dans la Drôme, Julien Allano vient d’ouvrir son propre restaurant. Avec JU - Maison de Cuisine, il pousse plus loin encore son engagement pour une gastronomie responsable, locale, audacieuse et éminemment personnelle. Une adresse rare et l'un des meilleurs restaurants du Luberon.

Les prix ?

  • Menu en 4 actes : 85 € 
  • Menu en 5 actes : 115 € 
  • Menu en 6 actes : 135 € 
  • Menu déjeuner : 48 € 

JU - Maison de Cuisine
2 Rue Lucien Blanc 84480 Bonnieux 
04 90 75 88 62
Ouvert du vendredi au mardi au déjeuner et dîner.
Fermeture le dimanche au dîner