On a testé la croisière à la voile en Italie sur le Star Flyer

Embarquement - Port de Civitavecchia

1991, le Star Flyer sort des chantiers de Gand en Belgique. Ses 4 mats et 16 voiles flottent au-dessus de ses 4 ponts. Acajou, chromes, frises de cordes et hublots ornent sa coque blanche. « Derrière chaque bateau Star Clippers, il y a une inspiration historique, déclare son capitaine actuel Dominique Rollin. Pour le Star Flyer, il s’agit du Mercator, un navire scientifique qui a fait une célèbre expédition en 1934, ramenant à son bord deux statues de l’île de Pâques données par le gouvernement chilien. Il a ensuite servi de dépôt pour les sous-marins de la Royal Navy lors de la Seconde Guerre mondiale puis de navire école à la marine belge ». 

Un destin qui a inspiré Mikael Kraft, avocat d’affaire suédois, fondateur de la compagnie de croisière Star Clippers et amoureux de la voile et des clippers, ces navires de transport à la coque effilée qui traversaient les océans à la fin du XIX^e siècle. Après avoir sillonné la Baltique dans sa prime jeunesse, participé aux Voiles de Saint-Tropez avec ses vieux gréements Gloria et Doriana et donné le virus de la voile à ses enfants, à ses côtés dans l’entreprise familiale de 3 navires à voile, Mikael Kraft accueille ses hôtes sur le Star Flyer. Aujourd'hui, dans le port de Civitavecchia, le bateau attend ses 160 passagers, briqué par 74 membres d’équipage. Son apparence ancienne – 3 365 m² de voiles qui claquent, les bouts tendus, les portes battantes, le beau sol en teck qui peut être glissant – cache un navire tout ce qu’il y a de plus moderne, avec système anti-rouli, GPS, écho sondeur, réception Navtex et gyroscope. 

Premier jour en mer

La veille au soir, les amarres sont larguées à 22 h et le quatre-mâts quitte lentement le port pour cette croisière en Italie d'une semaine. Les passagers sont sur le pont et assistent, émus, au départ. Peu de vent ce soir, mais une partie des voiles sont tout de même hissées pour diminuer la consommation de carburant. Le Star Flyer a bien été conçu comme un voilier avant d’être transformé en bateau de croisière, et pas l’inverse. Le capitaine Dominique Rolin, Belge travaillant depuis 25 ans pour la compagnie, nous avoue même le lendemain matin, en prenant un café sur le pont, qu’il s’ennuie un peu quand le vent n’est pas au rendez-vous. Son premier conseil : « sortez tôt de votre lit, amenez du thé à l’officier de quart, et regardez le lever de soleil. » En effet, le soleil rougeoie sur l’eau et annonce au loin l’archipel des îles Pontines et les sommets de Ponza qui se découpent entre les cordages et les poulies qui cliquètent. 

Le pont est tranquille, le second du capitaine qui assure le quart de 4 h à 8 h surveille l’horizon. Seul le cours de yoga de 7h30 anime l’arrière du navire. La professeur, Inge, réveille une partie des passagers avec douceur. La position de l’arbre n’est pas évidente à maintenir avec le léger roulis. 

La langueur s’installe à bord pour cette journée complète en mer, qui nous portera le lendemain matin jusqu’aux îles éoliennes et Lipari. La Méditerranée défile à la vitesse de 9 à 11 nœuds (18 à 22 nœuds pour les navires à moteur). Nous prenons nos marques sur le pont supérieur avec ses deux piscines, au pont principal et son Tropical Bar, et dans la salle où se déroule les repas. Une tortue passe tout contre la coque, deux membres d’équipage réparent une voile sur le pont tandis qu’un autre découpe des planches. Les croisiéristes bronzent, lisent, essaient les chemises à la boutique pour la soirée en blanc. À 15 h premier temps fort de la journée avec l’escalade du mat de misaine. On montera jusqu’à 20 mètres de hauteur, le temps d’admirer depuis la hune les voiles gonflées par le vent, le vertige nous prend. 

Comme à la grande époque des clippers, un membre de l’équipage sonne la cloche pour annoncer l’heure des repas. Au dîner, on se rencontre sur les grandes tables. Certains passagers voyagent seuls mais trouvent toujours avec qui s’asseoir, d’autres groupes d’amis se retrouvent pour une nouvelle croisière. Tout le monde est rassemblé par l’amour de la voile, de la lenteur, par la convivialité et la solidarité entre voileux, comme dans les ports où l’on se salue entre voisins d'emplacement. L’équipage participe également aux animations : atelier de nœuds marins, kayak, paddle, musique, le tout dans un esprit bon enfant. 

Deuxième journée - Îles Éoliennes

Deuxième nuit en mer, le bruit de l’eau contre la coque nous berce dans notre cabine à l’avant du bateau. Un lit double, un petit bureau, une penderie et une table de nuit avec rangement bien pratique pour ne pas éparpiller ses affaires. Tous les meubles sont sur mesure et chaque cabine est différente, épousant la forme de la coque. Les cabines de catégorie 1 quant à elles donnent sur le pont extérieur, tandis que la Cabine de l’armateur à la poupe, tout en acajou, possède un bain à bulle face à la mer.

Le programme déposé chaque jour en cabine nous annonce la teneur de la journée. Après le petit-déjeuner, on débarque à Lipari, la plus grande des îles éoliennes, simple port de pêche où les grands navires de croisières ne peuvent débarquer. C’est la force de Star Clippers, proposer des escales uniques à l’écart des circuits grands publics, souvent inspirées des lieux ou mouillait Mikael Kraft, le fondateur de Star Clippers, lors de ses voyages. 

Plusieurs excursions sont proposées chaque jour. Aujourd’hui un tour panoramique de Lipari, ou en bateau autour de l’île voisine de Vulcano. Nous choisissons pourtant de débarquer par les chaloupes qui font l’aller-retour régulièrement au cours de la journée et d’explorer l’île par nos propres moyens. En scooter ou en taxi, les richesses de Lipari se livrent à nous sous le soleil de Sicile : paysages verdoyants qui plongent dans la mer, arbustes de câpres que l’on ramènera sous sel, néfliers, citronniers, et même des vignes de malvasia, un vin doux que l’on déguste avec de petits gâteaux. On ramènera en souvenir une obsidienne ou une pierre ponce, qui faisait la richesse de l’île avant la fermeture des carrières, avant d’embarquer, le soir venu, et de faire le tour de l’île de Stromboli. Après le dîner, face au volcan en activité, les gerbes de laves se reflètent dans l’eau.

3e jour - Messine et Taormina

Arrivée à Messine entre chien et loup, le port est rustre, la ville écrasée par deux navires de croisière immenses transportant plus de 4000 passagers, qui dépassent en taille les immeubles du front de mer. Le Star Flyer semble minuscule... Après un court arrêt dans la ville de naissance du peintre Antonino da Messina, un crochet rapide par la cathédrale et son horloge mécanique, on file vers Taormina visiter le théâtre antique et quelques lieux de tournage du Grand Bleu comme l’hôtel UNAHOTELS Capotaormina et sa plage au bout d’une grotte. Plutôt que de subir la foule dans la rue principale, on prend des chemins de traverse vers le belvédère de Castelmola et l’on profite d’un granita au café dans le cadre historique de l’Excelsior Palace Hotel, ouvert en 1904. S’il est difficile de pénétrer dans le Four Seasons San Domenico Palace sans une réservation au restaurant, depuis que la série The White Lotus y a été tournée, on peut toujours se consoler avec de bonnes pâtes aux sardines et au fenouil sauvage de La Trattoria da Ugo, ou piquer une tête sur la plage de l’Isola Bella.

De retour à bord, le capitaine nous fait visiter la timonerie. Malgré tous les appareils électroniques modernes présents, « le meilleur instrument, ce sont les yeux » selon lui. Surtout en Méditerranée, une mer fermée ou les perturbations extrêmes arrivent vites. Heureusement, le capitaine peut compter sur ses jumelles : « je les ai achetées quand j’étais encore apprenti officier et je n’ai jamais laissé personne les utiliser. Ça fait 36 ans que je les ai et j’aimerais bien faire toute ma carrière avec ». 

Le soir, un spectacle de son et lumières sur les voiles anime le pont, les passagers dansent, échangent et improvisent cette petite fête, lancée par le directeur de croisière Carlos.

4e jour – Côte amalfitaine

Sous un ciel azur, les passagers profitent d’un déjeuner en plein air sur le pont extérieur, savourant les spécialités méditerranéennes tout en admirant la côte amalfitaine qui se rapproche. Le vent frais de la mer Tyrrhénienne ajoute une touche vivifiante à ce moment de détente. Vers 15 h, le Star Flyer s’approche du port d’Amalfi. Malgré la houle qui rend l’accostage des chaloupes difficile, les passagers mettent pied à terre et se dirigent vers le village de Ravello, perché dans les collines au-dessus d’Amalfi.

La route qui serpente entre les terrasses de citronniers et de vignes nous mène au petit village plein de charme, où les nobles de la république maritime d'Amalfi (IX^e et XI^e siècle) établirent leurs palais historiques. La place principale de Ravello, charmante et animée, mène à la Villa Rufolo, aux jardins luxuriants et à la vue imprenable sur la mer. 

5e jour – Sorrente

Visiter Sorrente, Capri, Pompéi ou Herculanum, les excursions à la carte aujourd’hui sont bien alléchantes. Vous connaissez déjà tout ? C’est le moment de buller sur le pont, de profiter des activités nautiques (kayak, paddle, baignade…) et de s’inscrire pour un massage d’une heure. Marie Jeane, la thérapeute, nous propose un massage sportif, pour détendre les muscles grâce à des mouvements en profondeur. Détendu et huilé, nous descendons au Tropical Bar alors que les passagers embarquent à nouveau. Véritable cœur du navire, le bar en plein air, avec son épais comptoir en bois, est le point de rassemblement de tous avant et après le dîner, tandis que le musicien joue des airs pops et discos sur son piano électrique. 

Ce soir, un événement spécial attend les passagers du Star Flyer : le repas du capitaine et son délicieux homard. La soirée se poursuit avec le talent show de l’équipage : le chef qui prépare le petit-déjeuner chaque matin surprend tout le monde en chantant d’une voix mélodieuse, Ricky, le barman, entonne une reprise de "Take Me Home, Country Roads" tandis que l’un des mécaniciens du Honduras émerveille par une danse latine endiablée. La fête se prolonge et les passagers unissent leurs pas sur l’hymne et la danse du navire.

L’équipage du Star Flyer parvient tout au long de la croisière en Italie à créer une ambiance conviviale. Les passagers sont invités à participer aux manœuvres ou à monter les voiles, renforçant ce sentiment de camaraderie et de partage. De nombreux hôtes en sont à leur deuxième ou troisième croisière Star Clippers, revenant encore et encore pour revivre cette expérience humaine et maritime exceptionnelle.

6e jour – Notre coup de cœur, Ponza

C’est le coup de cœur de cette croisière en Italie, et une escale unique que nous propose Star Clippers, que bien peu de navires ont le privilège de découvrir. Un petit village qui n’accueille que les petits bateaux, et l’un des avantages du Star Flyer qui dépose ses passagers directement au cœur des villes et villages, évitant ainsi les tracas de l'organisation des excursions.

Le lever de soleil à 5h47 est un spectacle à couper le souffle. Alors que les premiers rayons traversent les nuages à l'horizon, ceux-ci finissent par se dissiper, offrant une scène époustouflante où les voiles du navire s'embrasent de lumière dorée. Le calme règne sur le pont, où seulement cinq ou six personnes profitent de ce moment magique, tandis qu'un membre d'équipage nettoie méticuleusement les surfaces en bois. Un autre hisse fièrement le drapeau italien aux côtés du drapeau de la compagnie, souligné par une brise matinale.

À l'approche de Ponza, les falaises blanches et jaunes se dessinent sous un ciel parfaitement dégagé. Le soleil brille fort, la mer est d’huile, promettant une journée idéale. Après un court trajet, les passagers débarquent dans le petit port multicolore, avec à gauche le cimetière marin et le phare offrant une vue pittoresque. Ponza charme instantanément avec sa tranquillité et son ambiance de village de pêcheurs. Les maisons, fraîchement repeintes, reflètent un soin particulier. En traversant à pied deux tunnels datant de l'époque romaine, on atteint le petit village de Santa Maria. L'île invite à la détente, à la baignade dans ses eaux cristallines… et à s’attabler à la terrasse d’un bon restaurant. Comme toutes les bonnes choses ont une fin, à 14h30, il est temps de remonter à bord et de mettre le cap sur Civitavecchia.

L'après-midi en mer est enrichie par un atelier de nœuds marins dirigé par un membre d'équipage, suivi d'une petite conférence du capitaine sur l'histoire des navires à voile et des clippers. Ceux qui ont choisi de faire la sieste à ce moment profitent du calme. Le dîner marque une fin en beauté avec un défilé de l'équipage – masseuse, équipes de ménage, cuisines, et sports – sous les applaudissements chaleureux des passagers, reconnaissants pour leur dévouement et leur travail acharné. On s’endort des images de voiles, de dauphins, de belles rencontres plein la tête, attendant avec impatience de larguer à nouveau les amarres. 

Bon à savoir : l’été, le Star Flyer croise en Méditerranée, et l’hiver dans les Caraïbes. Le bateau offre plusieurs croisières exceptionnelles : du canal de Panama et îles ABC (Aruba, Bonnaire, Curaçao), traversée de l’Atlantique, Cyclades…

Toutes les cabines ont leurs avantages et leurs inconvénients : celles qui bougent le moins sont au centre du navire. A l’avant se trouvent les plus éloignées du moteur s’il fonctionne, mais celles à l’avant et à l’arrière sont un poil plus étroites à cause de la forme de la coque.