Aux confins de l'Arctique, les paysages exceptionnels du Spitzberg
Au Spitzberg, Longyearbyen, la ville la plus septentrionale du monde
Longyearbyen ou “la ville de Longyear” est la principale ville du Svalbard, cet archipel d’îles au nord de la Norvège qui sont parmi les terres les plus septentrionales. Le Spitzberg, dont le nom est probablement plus connu du grand public, désigne aujourd'hui l’île principale, sur laquelle est située Longyearbyen.
A 78 degrés 13 minutes de latitude, c’est la ville la plus au nord du monde mais son peuplement n’est pas autochtone. Contrairement à celui du village inuit de Siorapaluk, situé à 77 degrés de latitude au Nord-Ouest du Groenland qui revendique ainsi le statut de village indigène le plus au nord. En effet Longyearbyen est à l’origine une cité minière. Jusqu’en 1926 elle était connue comme Longyear City, du nom de l’industriel américain John Munro Longyear qui y ouvrit une mine de charbon en 1913. Avant cela, le Svalbard a été fréquenté pendant plusieurs siècles par les baleiniers. Les restes de leurs présences sont aujourd'hui classées monuments historiques comme d'ailleurs toute trace d'occupation humaine antérieure à 1945.
Si la Norvège a la souveraineté du Svalbard, le traité du Svalbard signé en 1920 autorise les ressortissants de n’importe lequel des pays signataires à y mener une activité commerciale. C’est la raison pour laquelle les Russes sont également présents sur l’île, à Barentsburg, 38km à l’ouest de Longyearbyen où ils continuent à ce jour d’extraire du charbon, exporté essentiellement en Europe. Une autre ville Russe abandonnée depuis 1998, Pyramiden, se trouve 50 km au nord de Longyearbyen. Il est possible de se rendre dans cette ville fantôme en motoneige.
Quant à la société norvégienne Store Norske, elle extrait encore du charbon près de Longyearbyen, à Grube 7, et surtout sur le site de Svea situé environ 30km plus au sud. Mais l'industrie minière n'emploie aujourd'hui que 10% environ des habitants et Longyearbyen se tourne maintenant vers la recherche scientifique et le tourisme.
En hiver, la plupart des excursions ont lieu en traîneau et surtout en motoneige. Il y a d’ailleurs plus de motoneiges que d’habitants à Longyearbyen ! Mais il est possible également de faire de la randonnée en raquettes ou d'aller visiter une grotte glaciaire à bord d'un étrange véhicule à chenilles. Point capital, la présence d’ours polaires sur l’île rend le port d’une arme (utilisable uniquement en légitime défense, la chasse est strictement interdite) indispensable dès qu’on quitte la ville. En pratique cela signifie qu'à moins d’être aguerri au maniement des armes et de disposer d’un permis, vous devrez donc toujours être accompagné(e) par un guide qui se chargera de la protection contre les ours.
Jour 1 : randonnée en raquettes à Sarkofagen
On pourra commencer par faire un peu de repérage et se balader dans les rues de Longyearbyen en visitant les quelques boutiques, qui, surprise, vendent surtout des vêtements d'hiver. L'occasion d'acheter ce que vous avez éventuellement oublié, gants ou cagoule, ou sous-vêtements chauds supplémentaires.
On ne peut que recommander également de passer à l'office de tourisme. Les employés sont très professionnels et pourront vous conseiller sur les excursions disponibles. Si celles-ci sont toutes répertoriées et réservables sur le site internet svalbard.net, il est souvent utile d'avoir l'avis d'un tiers qui pourra vous renseigner sur les conditions plus concrètes d'une excursion, particulièrement si la météo est mitigée.
A mon arrivée la veille le temps était à la neige et au vent. Lors de cette première journée sur place le ciel reste couvert mais le vent est tombé. La météo prévoit une amélioration à partir du lendemain et je préfère donc attendre pour tester motoneige ou traîneau. Décider de son activité en fonction de la météo est en principe idéal mais pas toujours possible. Selon la période, il peut être nécessaire de réserver une excursion bien à l’avance pour s’assurer une place. Cependant, autour du week end de Pâques, c’est la période creuse. On m’explique que les Norvégiens passent Pâques en famille et s’ils partent quelque part, c’est plutôt dans les montagnes norvégiennes.
Pourquoi ne pas commencer par une randonnée en raquettes dans les montagnes qui se trouvent à l'extrémité de la Longyeardalen, ou vallée de Longyear? Poli Arctici offre une telle excursion. Je leur passe un coup de fil. Je suis apparemment le seul client mais ils s’en contenteront, une guide viendra me chercher en fin de matinée.
Ma guide passe me prendre en voiture. C'est une jeune étudiante, mi-allemande mi-norvégienne qui ne travaille au Spitzberg que pour quelques semaines. Mais elle a, comme tous les guides, suivi plus tôt la formation d’un an à l’université du Spitzberg. Finalement trois autres touristes se joindront à nous, des françaises qui résident dans l’une des guest houses de Longyearbyen. L'une d'elle est venue car son fils est lui aussi en train de faire la formation pour devenir guide !
S'il est possible de faire le chemin à pied vers le point de départ - ce qu'on pourra faire à une autre occasion - en remontant la vallée en direction du "vieux Longyearbyen" où se trouve l'historique Spitsbergen Hotel, puis au-delà vers la Spitsbergen guest house et la guest house 102, qui offrent toutes les deux une alternative plus économique aux hôtels, il vaut mieux économiser ses forces pour la randonnée proprement dite ! L'objectif est d'atteindre Sarkofagen (500m), nommée ainsi par la compagnie minière en raison de sa forme qui rappelle vaguement un sarcophage.
Celle-ci n’est pas extrêmement difficile, j’ai pu la faire sans expérience préalable des raquettes, mais certains passages sont très pentus. Si vous avez des mini-crampons (comme par exemple les Katoola micro-spikes qui s’attachent à des bottes ou chaussures au moyen d’un élastique) il peut être intéressant de troquer momentanément les raquettes contre ceux-ci. Mon expérience est qu’ils ne sont pas seulement utiles sur la glace mais aussi sur la neige.
Si la température semble très douce dans la vallée (ca. -8°), il y a de plus en plus de vent à mesure que l’on monte de sorte que la température ressentie est bien moindre. Moralité : même pour une randonnée relativement courte comme celle-ci il est impératif de prévoir des couches de vêtements supplémentaires. Il vaut toujours mieux avoir un peu de poids inutile sur le dos que d’avoir froid.
En fait Sarkofagen sépare les deux glaciers de Longyearbreen et Larsbreen qui s’écoulent en direction de la vallée, et une grande partie de la montée se fait sur le glacier de Larsbreen. Mais celui-ci étant recouvert le neige, il est difficile d’en distinguer les contours. Même si l’on est toujours à proximité de la ville, on a déjà un aperçu de ce que sont les paysages du Svalbard, tels qu’on peut les découvrir plus amplement en traîneau ou motoneige. D’ailleurs les maisons situées dans la vallée disparaissent très vite derrière nous et bientôt tout n’est que neige immaculée. Jusqu’à ce qu’à ce que parvenus au sommet on retrouve une superbe vue panoramique sur Longyearbyen.
C'est le moment de faire une pause déjeuner, notre guide distribue des sachets-repas de nourriture lyophilisées dans lesquelles il suffit d'ajouter de l'eau chaude pour un plat tout prêt, après quelques minutes. Celui-ci est le bienvenu et permet de repartir dans l'autre sens avec une énergie renouvelée.
La descente est évidemment plus rapide et facile même s'il faut être prudent dans les sections les plus pentues. Le plus sûr est parfois de se laisser glisser sur les fesses à condition d’avoir un pantalon approprié ! Arrivés en bas, la guide dépose les autres participantes à leurs guest houses respectives mais me raccompagne au bureau - en réalité plutôt un entrepôt - de Poli Arctici pour que je puisse payer. C'est l'occasion d'échanger quelques mots avec une de ses collègues dont le pendentif en forme d'ours polaire ne manque pas d'attirer mon attention. Ne serait-elle pas allée au Groenland ? Eh bien si ! Elle s'est même rendue dans le village le plus au nord, Siorapaluk, mentionné plus haut (voir aussi notre récit [lien]). Le monde est décidément bien petit, tout au moins celui des passionné(e)s de l'arctique.
Il est encore tôt dans l'après-midi, mais soyons franc, je n'ai plus tellement d'énergie et retourne donc à l'hôtel. Les plus courageux pourront retourner à l'office de tourisme qui abrite aussi une exposition-musée (payante) avec des panneaux d'info sur le Svalbard. Selon la coutume locale, on troque ses chaussures ou bottes d'hiver à l'entrée contre des chaussons en feutre pour visiter en tout confort.
Où manger et boire à Longyearbyen ?
Passons en revue les principales possibilités pour manger ou prendre en verre. Si vous voulez déjeuner ou dîner vite et pas trop cher, la brasserie du Radisson Blu offre soupe, sandwiches et pizza le soir. Les convives pouvant être assez bruyants (c'est avant tout une brasserie), si vous souhaitez plus de calme vous pourrez demander à vous installer dans le coin salon du restaurant, de l'autre côté du hall, près de la cheminée. Et pour un repas plus gastronomique, vous pouvez bien sûr dîner au restaurant de l'hôtel. Service professionnel et sympathique.
Le Svalbar qui appartient au même groupe que le Svalbard Hotel et où les clients de l’hôtel y prennent également le petit-déjeuner offre snacks et plats simples à des tarifs modérés. Un peu plus cher, le restaurant du Basecamp Spitsbergen avec son atmosphère de lodge se trouve à deux pas.
Plus éloigné du "centre-ville" le restaurant du Spitsbergen Hotel propose lui aussi une cuisine gastronomique, dans l'ambiance traditionnel de cet hôtel historique. Là aussi on a apprécié le service.
Enfin Huset, que je n'ai malheureusement pas eu le temps de tester, passe pour L'adresse gourmet de la ville. Le restaurant offre un menu 5-plats à 750 couronnes (ca. 85€) mais si vous voulez manger plus simple et économique, sachez qu'il se double d'un café/bistro qui sert un plat du jour au déjeuner et des plats à la carte le soir.
Jour 2 : traîneau à chien à Bolterdalen
Pour ce deuxième jour je me suis inscrit à une excursion en traîneau à chien. C’est le musher lui-même qui fait la tournée des hôtels pour récupérer les participants. Il est australien ! Comme beaucoup d'australiens il était en train de faire une sorte de tour du monde lorsque visitant le Svalbard, il en est tombé amoureux et y est resté plus longtemps que prévu...
Le chenil de Green Dog est situé à l'extérieur de Longyearbyen, à environ 10 km. C'est déjà une attraction en lui-même avec ses dizaines de niches alignées, et autant de chiens dont les aboiements forment une réjouissante cacophonie lorsque le repas approche. Ici on a quitté le confort moderne de Longyearbyen, les toilettes suivent le modèle arctique tel qu'on le trouve dans les plus petites villes ou villages du Groenland, un siège et un sac en plastique.
Première étape : passage par le vestiaire où l'on enfile combinaison, bottes et surmoufles. Puis on se dirige vers les chiens pour former les attelages. Car ce tour est aussi une initiation à la conduite du traîneau. C'est pour moi une expérience tout à fait nouvelle car au Groenland, où je suis allé plusieurs fois, les excursions en traîneau consistent à se laisser glisser et à laisser son conducteur groenlandais s'occuper de tout ! Mais ici tout est différent.
Les chiens d'abord, un croisement entre huskies et groenlandais, sont beaucoup plus dociles que leurs cousins de race groenlandaise, qu'il est déconseillé d'approcher quand on ne les connait pas. De plus les chiens de Green Dog sont à l'évidence habitués à voir un grand nombre de touristes autour d'eux. On va donc chercher chaque chien à sa niche pour l'harnacher et l'attacher à la meute. Ne sous-estimez pas toutefois la difficulté de la tâche. Si les chiens ne sont pas agressifs et ne risquent pas de mordre, ils ont une énergie prodigieuse et il faut à son tour utiliser toute sa force pour les mener dans la bonne direction. Le musher nous conseille de les soulever légèrement par le col pour les forcer à marcher sur leurs deux pattes arrières. Je fais équipe avec un touriste britannique qui, plus grand et plus costaud, a plus de facilité à dompter nos amis à 4 pattes.
Bientôt les chiens sont attelés. Là encore, grosse différence avec le traîneau groenlandais où tous les chiens sont attachés en un seul point. Ici les chiens sont attachés par paire, l'un derrière l'autre, de manière très ordonnée. Il n'y a donc pratiquement pas de problèmes de fils qui s'emmêlent et autres difficultés techniques dont je me demande toujours comment mes compagnons inuit arrivent à se dépêtrer.
Enfin l'arrière du traineau est pourvu d'un frein que l'on actionne au pied, en utilisant tout son poids et même en sautant légèrement dessus s'il est nécessaire de donner plus de force. Le rôle du frein n'est pas seulement mécanique : les chiens y sont habitués et réagissent en conséquence. Ainsi ils ne cherchent pas à avancer à tout prix s'ils sentent la résistance du frein, et à l'inverse, lorsque celui-ci est relâché, ils démarrent très rapidement. Il faut donc le manier avec presque autant de précaution qu'on le ferait dans une voiture !
L'heure du départ esr arrivée : les traîneau s'élancent l'un derrière l'autre avant de s'arrêter une petite dizaine de minutes plus tard pour vérifier que tout va bien. Mon co-équipier et moi même nous relayons aux "commandes" du traîneau pendant que l'autre voyage assis à l'avant. Nous croisons un certain nombre de traîneaux qui reviennent pendant que nous nous enfonçons dans la vallée de Bolterdalen (dal=vallée en norvégien). Nous en atteignons rapidement l'extrémité - la vallée ne mesure que 6km - délimitée par le front du glacier Scott Turner. Le moment de faire une pause et quelques photos.
Le retour sera marqué par un incident mineur: lors d'un arrêt, un des traîneaux repart à vide sans que ses occupants ne puissent remonter dessus à temps. Ils devront prendre place à bord des autres traîneaux. Naturellement cela serait très embêtant si cela se produisait pendant une mini-expédition dans une région plus éloignée. Mais nous sommes ici dans une zone très fréquentée et la meute ne peut guère quitter la vallée sans repasser devant le chenil. Le musher passe quelques coups de fil, les chiens sont rapidement localisés et nous les rattrappons après quelques kilomètres. De retour au chenil, nous ramenons chaque husky à sa niche. La distribution de nourriture constitue un autre temps fort, le concert d'aboiement laissant place à un silence presque total quand chaque chien a recu sa ration.
Il est temps de se changer pour des vêtements plus citadins - tout est relatif - et de rentrer à Longyearbyen. Soyons clair, il s'agit avant tout d'un tour de découverte du traîneaux. Ceux qui veulent profiter plus longuement de la balade elle-même pourront s'orienter vers un tour de 6-7 heures, comme celui qui vous emmènera visiter une grotte glaciaire, voire un tour de plusieurs jours pour faire en traîneau des trajets comparables à ceux offerts par les excursions en motoneige.
Jour 3 : motoneige pour Tempelfjorden
Aujourd'hui la météo ne s'est pas trompée, le soleil est de retour ! Tant mieux car J'ai réservé un tour en motoneige pour Tempelfjorden où hiverne la goélette néerlandaise Noorderlicht, bloquée par les glaces (plus de détails ci-dessous).
Le tour commence dans l'impressionnant QG de Spitsbergen Travel où sont stockées des dizaines de combinaisons de motoneige et tout l'équipement qui va avec : casque, lunettes, balaclava, bottes, etc. Notre guide polonaise nous recommande de renoncer à l'élégance et de choisir une combinaison une à deux tailles au-dessus : plus il y a d'air, meilleure est l'isolation. C'est donc affublés comme des cosmonautes que nous gagnons le parking où sont alignées les motoneiges.
Brève introduction à la conduite des motoneiges puis nous démarrons. Essentiellement le guide, ou en l'occurence la guide, donne le tempo et nous la suivons à la queue leu leu. Mon expérience de la motoneige - en temps que conducteur - se limite à 45 minutes sur un glacier en Islande donc autant dire que je suis novice. Mais ces excursions ne requièrent pas d'expérience préalable même si bien sûr cela est un avantage pour les tours les plus longs. Les autres participants sont également des débutants.
Nous partons vers la droite dans Adventdalen refaisant d'abord le même trajet que la veille pour se rendre au chenil de Green Dog. Mais parvenus à la hauteur de Bolterdalen, nous continuons notre chemin, suivant le tracé de la rivière Adventdala - invisible en hiver. Au loin notre guide nous montre des rennes. Il s'agit d'une espèce endémique au Svalbard, adaptée au haut arctique et assez similaire au caribou de Peary. Le renne du Spitzberg a une vie extrêmement rude. A ces latitudes la végétation est si minimale qu'en râclant le sol pour y trouver mousses et lichens, les rennes ne peuvent éviter de mâcher en même temps pierres et graviers. Ceux-ci détruisent leur dentition de sorte que les pauvres créatures sont fréquemment édentées à un âge prématuré, condamnées à mourir de faim. Quand cela ne se produit pas plus tôt pour d'autres raisons : des pluies verglaçantes en hiver peuvent former une couche de glace, qui si elle est suffisamment épaisse pour résister à leurs sabots, leur interdit l'accès à toute source de nourriture. De tels épisodes de famine peuvent éliminer jusqu'à 80% de la population !
Puis nous obliquons vers le nord-est, en direction de la grande vallée de Sassendalen, l'une des plus belles du Spitzberg. Mais d'abord notre guide nous fais monter sur une éminence (259m), située sur les contreforts du Brentskarhaugen (521m), d'où la vue est étonnante. Si la visibilité est limitée par un voile de neige fine soulevée par le vent, le paysage n'en est que plus mystérieux. Tout n'est que blancheur immaculée.
Nous reprenons la "route" rejoignant Sassendalen via Brentskaret et Eskerdalen. Il reste environ 12km à parcourir dans Sassendalen pour atteindre le lieu dit de Fredheim, en bordure de Tempelfjorden, juste à la jonction de ce dernier avec le plus vaste Sassenfjorden. La "villa Fredheim", ainsi qu'il la rebaptisa en 1935, fut construite entre 1924 et 1927 par le légendaire trappeur Hilmar Nøis surnommé "roi de Sassen". Ce dernier hiverna pas moins de 38 fois au Spitzberg dont la moitié à Fredheim. Aujourd'hui la maison est entretenue par le gouvernement local et utilisée pour loger des scientifiques ou des invités officiels.
C'est dans ce lieu idyllique que nous déjeunons - encore une fois - de sachets de nourriture lyophilisée. Lorsque nous remontons sur les motoneiges il n'y a plus qu'une dernière ligne droite sur le fjord gelé pour atteindre le Noorderlicht. L'occasion d'observer quelques phoques qui prennent le soleil sur la banquise. Pendant l'hiver le Noorderlicht est pris dans la glace et fait fonction d'hôtel et restaurant, exploité par Basecamp Spitsbergen, le tour-opérateur qui tient l'hôtel du même nom à Longyearbyen. Celui-ci offre des tours en motoneige ou traîneau avec déjeuner et/ou nuit à bord d'une des cabines de la fameuse goélette rouge. "Dans la tradition des héros polaires Nansen et Amundsen" précise le site web ; mais avec eau chaude et électricité !
Dernière étape avant le retour : le front glaciaire, environ 7 km plus au nord-est, convergence des glaciers de Tuna et von Post. Ces impressionnantes falaises de glace bleutées atteignent 30 à 40 mètres.
Le retour se fait par le même chemin avec un arrêt à la cascade gelée de Eskerfossen, située dans un curieux amphithéâtre naturel.
Jour 4 : motoneige pour Isfjord radio (Cap Linné) via Barentsburg
Pour cette 4ème et dernière journée au Svalbard je n'avais rien programmé. Mais la météo prévoyant maintenant un temps parfait, je m'inscris au dernier moment la veille pour une excursion en motoneige à destination du Cap Linné, où se trouve l'ancienne station radio du Spitzberg, reconvertie en hôtel par Basecamp Spitsbergen. Nous devons également nous arrêter à Barentsburg pour une brève visite de cette cité minière russe. Cette fois notre guide est norvégien. Ironiquement il était bucheron, métier difficile à exercer au Svalbard !
Nous partons de bonne heure (8 heures), filant vers le sud de la Longyeardalen et montant en un clin d’œil en direction du glacier de Longyear, le glacier voisin de Larsbreen sur lequel nous avions randonné en raquettes. Les participants sont un peu plus expérimentés que la veille et le tempo plus rapide. Nous traversons le glacier dans sa longueur avant de redescendre dans la vallée de Fardalen, littéralement la "vallée du passage" car c'est en hiver le passage standard pour aller vers l'ouest de la péninsule. En effet la côte entre l'aéroport et la baie de Coles au sud-ouest est bordée de falaises sur la plus grande partie de sa longueur. Une des exceptions est l'ancienne ville de Grumant, située à l'embouchure de l'étroite vallée du même nom, où les russes exploitèrent une mine jusqu'au début des années 60. Les installations sont aujourd'hui en ruine et très difficilement accessibles.
De Fardalen nous gagnons la large vallée de Coles, très fréquentée par les rennes, puis la baie de Coles. Cette baie de 4.5km de largeur fut à l'origine une station baleinière avant d’être utilisée comme port pour le transport du charbon extrait à Grumant, à laquelle elle était reliée par une voie de chemin de fer.
C'est en longeant la côte que nous rejoignons Grønfjorden, le fjord au bord duquel se trouve Barentsburg, environ 4 km plus au sud. Il s'agit d'un lieu historique au Spitzberg car bien avant la fondation de Barentsburg en 1936, ce fjord fut lui aussi utilisé comme station baleinière à partir du 17ème siècle. Son nom remonte à 1610 quand l'explorateur et baleinier brittanique Jonas Poole le baptisa Green Harbour. Grønfjorden fut aussi le site du premier télégraphe du Spitzberg, à Finnesset, le petit cap au sud de Barentsburg.
Juste avant d'entrer dans la ville, le guide nous propose de passer plus brièvement que prévu dans Barentsburg, sans arrêt dans le magasin de souvenir, et de profiter du beau temps pour emprunter un itinéraire alternatif vers Isfjord Radio. Les participants sont d'accord et après quelques pauses devant les bâtiments les plus remarquables (avec leurs fresques murales au style soviétique typique) nous filons vers le sud, longeant le Grønfjorden jusqu'à son extrémité sud avant de monter sur le glacier de Vestre Grønfjordbreen.
Les vues sont réellement fantastiques et j'ai un seul regret, celui de ne pouvoir m'arrêter plus souvent pour faire des photos. Nous faisons une pause à un endroit où le glacier atteint un maximum d'altitude local, entre deux crêtes où la montagne émerge de la glace. A partir de là c'est le glacier de Fridtjov qui commence et s'étend en pente descendante sur plus de 12km jusqu'à la côte sud. De manière remarquable, ce glacier a connu deux épisodes de surge (avancée rapide) en 1860 et il y a seulement 20 ans, en 1995-1996.
Mais nous ne sommes pas seuls dans ce lieu magique. Plusieurs motoneiges sont garées un peu plus loin, et attachées à l'arrière se trouvent des remorques destinées à transporter de petits passagers. L'école de Longyearbyen est elle aussi en excursion et les enfants profitent de la pente pour faire de la luge.
La faim commence à se faire sentir et il est temps de repartir. Nous suivons une langue du glacier qui descend dans la vallée d'Orust, laquelle décrit un arc de cercle qui débouche sur Nordenskiöldkysten, la côte ouest de la péninsule. De là ca n'est plus qu'une longue ligne droite vers Isfjord Radio, sur un terrain essentiellement plat mais dont les bosses rendent par endroits la conduite pénible. C'est un repas bien mérité qui nous attend à l'ancienne station radio, transformée en boutique hôtel au style contemporain très scandinave. Des photos de mode décorent les murs : le magazine Elle est venu pour y faire un shooting. Je jette un oeil aux chambres qui sont très sympathiques (les salles de bains sont partagées). Mais attention, si vous voulez y passer la nuit le prix est musclé. Nous nous contentons d'en apprécier la cuisine, de bonne qualité, rustique et roborative, en partie locale (viande de renne notamment). Quelle meilleure facon de combiner une longue journée de motoneige dans ces solitudes arctiques avec une pause confortable et même luxueuse ? Un dernier bonus : si vous envoyez une carte postale elle portera le tampon d'Isfjord Radio !
Le retour se fait par un trajet plus direct. En passant par le lac et la vallée de Linné, dont la grande étendue plane permet quelques pointes de vitesse. Puis en coupant à travers le Grønfjorden sur sa partie glacée. Nous traversons alors la longue vallée de Grøndalen avant de repiquer au nord, en passant par Skiferdalen, aux étonnants passages étroits. Nous retrouvons finalement Colesdalen où une petite colline fournit un point de vue idéal. La vallée est maintenant baignée de la lumière chaude de la fin d'après-midi. A partir de Colesdalen, l'itinéraire est analogue à celui de l'aller.
Nous rentrons à Longyearbyen fourbus mais ravis par cette longue excursion qu'une météo idéale et un guide enthousiaste ont rendu exceptionnellement agréable et intéressante.
Depuis Oslo (OSL) avec SAS ou Norwegian, en en vol direct (3h) ou avec une escale à Tromsø (4h).
Notez que le Svalbard n'est pas dans l'espace Schengen.
En norvégien :
- fjellet : la montagne
- dalen : la vallée
- breen : le glacier
- bukta : la baie
- neset : le cap
- elva : la rivière
- gruven : la mine