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Christine RobaloChristine Robalo, Le vendredi 28 juin 2024
Un autre regard

L’art de vivre selon Jocelyne Sibuet : voyage au cœur du luxe à la française

Le Tout-Paris, épris de luxe authentique et discret, se presse chez elle. Jocelyne Sibuet, partie de rien, a su bâtir un empire hôtelier raffiné, imposant sa griffe dans l'univers feutré de l'hôtellerie de luxe et transformant ses débuts modestes en une réussite éclatante.
  • La famille Sibuet © F. Aranda
    La famille Sibuet © F. Aranda

Cofondatrice avec son époux Jean-Louis du groupe « Maisons et Hôtels Sibuet », ce couple visionnaire a, il y a plus de 30 ans, initié une révolution subtile dans l'hospitalité : créer des sanctuaires de luxe où l’on se sent chez soi. Lui, bâtisseur de talent, et elle, décoratrice et communicante hors pair, ont imaginé des lieux empreints de chaleur et de convivialité, parfait reflet de leurs aspirations. C'est à Megève que tout commence. En 1981, le couple acquiert un petit hôtel de 23 chambres. Jocelyne, avec son talent inné pour la décoration et un sens aigu de l’accueil, redonne vie à cet établissement. Leur philosophie ? Créer des lieux où chaque client se sent chez lui, loin des stéréotypes impersonnels des palaces traditionnels.

Cette vision unique attire une clientèle en quête d'authenticité. Suivent l'Hôtel Mont-Blanc, le Lodge Park à Megève, et d’autres joyaux en Provence comme la Bastide de Marie, et sur la Côte d'Azur avec la Villa Marie à Saint-Tropez.

En 2016, le duo pousse les frontières du luxe jusqu'aux Caraïbes avec Villa Marie Saint-Barth, un oasis de raffinement sous les palmiers. Entre-temps, Jocelyne innove en lançant le spa Pure Altitude en 1990, précurseur dans l'art de marier bien-être et produits naturels. Jocelyne, désormais séparée de Jean-Louis mais toujours partenaire en affaires, continue de façonner chaque établissement avec une signature inimitable, alliant confort, élégance et convivialité.

 

Yonder : Entre nous, avez-vous déjà envisagé de tout plaquer pour ouvrir un food truck à Bali ou une autre aventure exotique ?

Jocelyne Sibuet : Franchement, pas vraiment. L'idée de tout lâcher pour un food truck à Bali, ce n'est pas mon style. Même si parfois on traverse des moments difficiles, ils sont derrière moi. Notre métier est incroyablement attachant et passionnant, même s'il y a des jours avec et des jours sans, comme partout. Parfois, on a plus de problèmes qu'il n'en faut, mais les vertus de ce métier sont incomparables. Créer des expériences uniques pour nos clients, que ce soit dans le luxe authentique ou dans une version plus roots et nature, m'apporte une immense satisfaction. Donc, même si une escapade sous les palmiers peut sembler tentante par moments, l'idée de tout quitter ne m'a jamais vraiment séduite.

  • Les Fermes de Marie à Megève
    Les Fermes de Marie à Megève

 

Racontez-nous la première fois où vous avez réalisé que vous étiez faite pour l'hôtellerie.

Vous savez, ce n'est pas vraiment une révélation fulgurante que j'ai eue. Pour être honnête, je ne suis pas sûre que j'aurais choisi l'hôtellerie si les circonstances avaient été différentes. Mon ex-mari était déjà dans le domaine et voulait y faire carrière. Moi, j'avais grandi dans cet environnement, mais je ne l'aurais probablement pas choisi d'emblée. Je suis tombée dedans un peu par hasard, ou plutôt par défaut. Mais, au fil du temps, j'ai développé une véritable passion pour ce métier. Créer des projets de bout en bout, les voir prendre vie, c'est devenu une source de joie immense. En fin de compte, c'est un bonheur total de faire ce que l'on aime, même si le chemin pour y arriver a été inattendu et rempli de surprises

La famille Sibuet est devenue un vrai empire hôtelier. Quand vous vous retrouvez en famille, parlez-vous d'hôtels ou arrivez-vous à discuter d'autre chose ?

Ça dépend vraiment du moment et du contexte. Oui, on parle souvent d'hôtels, surtout quand on voyage ou qu'une expérience nous inspire. Les projets en cours s'invitent parfois dans nos conversations. Mais lorsqu'on est tous réunis avec les petits-enfants, on change de registre. On aime faire des barbecues et, chaque année, nous avons une tradition familiale de partir ensemble. Durant ces moments, on essaie vraiment de laisser les discussions professionnelles de côté, pour se détendre et profiter de sujets plus ludiques et décontractés. Mais quand on fait un métier qu'on aime, ce n'est pas une punition de parler de travail. Pour Marie et Nicolas, qui sont dans le feu de l'action au quotidien, ces moments de déconnexion sont précieux. Quant à moi, ayant pris du recul, je trouve même du plaisir à discuter de nos projets, puisque ce n'est plus mon quotidien direct.

  • Villa Marie à Saint Tropez
  • Villa Marie à Saint Tropez

 

Quels sont les plats de vos hôtels auxquels vous ne pouvez absolument pas résister ?

Ah, il y en a tellement ! Chaque établissement a ses spécialités, mais si je devais choisir, je dirais les coquillettes aux truffes des Fermes de Marie. C'est un plat régressif qui fait l'unanimité. Ensuite, il y a la bouillabaisse de la Villa Marie à Saint-Tropez, notre chef y prépare une version qui est tout simplement divine. Ah et les petits farcis en Provence… Ces trois plats sont de véritables incontournables pour moi ! 

  • Les coquillettes aux truffes des Fermes de Marie
    Les coquillettes aux truffes des Fermes de Marie

 

Avez-vous un rituel ou un mantra que vous suivez avant d'ouvrir un nouvel hôtel ?

Un rituel ? Oui, on peut dire ça ! Pour moi, le plus important, c'est de vraiment vivre l'endroit avant l'ouverture. Je passe une nuit dans la chambre, j'explore l'hôtel comme un client le ferait, pour ressentir chaque détail. Rien ne vaut l'expérience sur place pour détecter ce qui pourrait clocher en termes d'organisation ou de présentation. Vivre l'expérience en amont est absolument indispensable pour s'assurer que tout soit parfait pour nos futurs clients.

L'hôtellerie en France a beaucoup évolué. Si vous pouviez remonter le temps, à quelle époque aimeriez-vous ouvrir un hôtel et pourquoi ?

Honnêtement, l'époque actuelle me convient parfaitement. Si je devais faire un petit saut dans le passé, ce serait pour trouver plus facilement des gens motivés à embrasser ce métier. Aujourd'hui, c'est un vrai défi de recruter et de fidéliser les équipes. Chaque époque a ses avantages et ses inconvénients, que ce soit en Provence, à Saint-Barth ou à la montagne, les styles et les expériences varient énormément. Mais je dois dire que le présent offre une multitude de possibilités et d'expériences enrichissantes que je ne troquerais pour rien au monde.

  • La Villa Marie à Saint Barth © Benoit Linero
    La Villa Marie à Saint Barth © Benoit Linero

 

Comment voyez-vous l'avenir de l'hôtellerie en France ?

La compétition mondiale est féroce avec des endroits spectaculaires qui surgissent partout, mais la France a un atout unique : son art de vivre. Nous avons des régions incroyablement diverses et un véritable savoir-faire à la française. Si nous continuons à cultiver nos traditions et à infuser notre style distinctif dans chaque projet, l'avenir de l'hôtellerie en France s'annonce prometteur. En gros, tant que nous resterons fidèles à notre charme et à notre authenticité, nous avons toutes les cartes en main pour briller sur la scène mondiale.

Quelle est votre plus grande fierté en termes de développement durable dans vos hôtels ?

Sans hésiter, le projet initié par Nicolas à la Bastide de Marie ! Il a créé un incroyable jardin potager, un jardin d'herbes aromatiques, et une ferme agricole d'où nous tirons une grande partie de nos légumes. Nous avons aussi des ruches et une grande serre où nous organiserons des dîners à thème. C'est un projet ambitieux et important pour nous, et je suis vraiment fière de ce que nous avons accompli. C'est notre petit coin de paradis vert !

  • La Bastide de Marie dans le Luberon
    La Bastide de Marie dans le Luberon

 

Si vos hôtels avaient une personnalité propre, lequel serait le plus susceptible de faire la fête jusqu'à 3 h du matin ?

Ce sont des enfants plutôt sages, mais je dirais l'Hôtel du Mont Blanc. Celui-là a un petit grain de folie. Avec son histoire riche en soirées mémorables et événements marquants, il est le parfait noctambule. Jean Cocteau y faisait la fête après-guerre, et cet esprit artistique et festif flotte toujours dans l'air. 

Quel est votre secret pour gérer le stress dans une industrie qui ne dort jamais ? Une dose de yoga, une tasse de thé ou un bon verre de vin ?

Un peu de tout, pour être honnête ! Il y a des jours où le yoga me sauve, d'autres où une tasse de thé fait des merveilles, et parfois, un bon verre de vin est la meilleure solution. Nicolas et Marie ont aussi leurs petits rituels pour décompresser : un verre de vin ou une balade en pleine nature dans les Alpes. On s'adapte selon l'humeur du moment !

Pouvez-vous nous partager un moment où vous avez su que Marie et Nicolas étaient prêts à reprendre le flambeau ? Était-ce une décision cruciale, une démonstration de leadership ou un simple geste qui vous a convaincue ?

Tout s'est fait de manière assez fluide. On n'a jamais vraiment forcé les choses. Marie et Nicolas ont grandi dans ce milieu et ont absorbé notre façon de travailler comme des éponges. Marie n'était pas très motivée au départ, mais avec le temps, elle a trouvé sa voie. Nicolas, en revanche, était motivé dès le début et a pris les rênes de l'un de nos restaurants. Ce n'était pas une décision cruciale ou un moment spectaculaire, juste une progression naturelle. Ils ont chacun montré leur leadership à leur manière, et avant qu'on ne s'en rende compte, ils étaient déjà prêts à prendre le relais !

Si vous pouviez inviter n'importe quelle personnalité à séjourner dans un de vos hôtels, qui choisiriez-vous et pourquoi ?

Nous avons déjà accueilli de nombreuses personnalités, des chefs d'État, des familles royales, et des stars du show business. Mais si je devais choisir, j'aimerais beaucoup inviter le Dalaï Lama. Ce serait une opportunité incroyable de partager des moments de paix et de sagesse. 

Après une longue journée de travail, quel est votre cocktail préféré pour décompresser ?

Une Margarita !