Le Saint James Paris fait partie de ces rares hôtels 5 étoiles parisiens encore confidentiels et préservés de l'agitation de la ville. Logique, quand on sait qu'il abrite aussi l'un des clubs les plus sélect de la capitale, qui n'entrouvre ses portes aux gourmets connaisseurs qu'au soir venu. Pour autant, il recèle l'une des plus belles tables qui soient ; et l'arrivée des chefs Grégory Garimbay en cuisine et Coline Doussin en pâtisserie, ne fait que confirmer tout le bien qu'on en pensait déjà. Un vrai plaisir d'y retourner et de le trouver encore plus beau et florissant que jamais, à tous points de vue. 

Une jeune pousse qui a trouvé son jardin d'Eden 

Pour planter le décor, le dossier de presse ne manque pas d'éloquence : « L’hôtel particulier néoclassique retrouve son âme et plonge dans la modernité, réconciliant les contraires avec élégance et légèreté. Grandiose et intimiste. Romantique et exclusif. Au cœur de Paris et immergé dans la nature. Attaché à la culture et résolument hédoniste. Symbole du classicisme et joyeusement décalé. Une subtile alchimie orchestrée avec talent par la référence du genre, l’architecte d’intérieur Laura Gonzalez ». De fait, pour avoir la chance d'avoir connu les lieux avant et après la rénovation complète de 2021, on peut dire qu'elle a fait un formidable travail. La transformation est spectaculaire, notamment dans la salle à manger du restaurant gastronomique.

Panoramiques clairs aux motifs délicats, grandes poteries d'Anduze plantées de palmiers Kentia (paysagiste Xavier de Chirac)... L'atmosphère est aujourd'hui celle d'un jardin d'hiver des plus chaleureux et contemporains. L'idée de faire une double-porte en écho à celle du hall d'arrivée est une trouvaille à la fois esthétique et pratique (plus de courants d'air !) Et la jolie cuisine d’envoi aménagée dans la vaste salle à manger achève d'en faire un lieu de vie accueillant, tout en permettant au nouveau chef Grégory Garimbay et à la salle, toujours menée de main de maître par le Directeur Simon Peskine, d’apporter la touche finale aux assiettes devant les convives. 

Arrivé en début d’année, Grégory Garimbay introduit à Bellefeuille une cuisine végétale, minérale et iodée. Soit le même triptyque qui lui avait permis d'obtenir une étoile à l'Auberge Nicolas Flamel en moins d'un an et de se faire remarquer par ses pairs et sa nouvelle direction... Sauf que dans sa nouvelle maison, tout prend une plus nouvelle dimension. Le trentenaire, originaire de Lorraine et père de deux enfants, prend donc aujourd’hui ses quartiers au restaurant gastronomique parisien de l’établissement Relais & Châteaux –  30 couverts ouverts à tous au dîner – mais aussi au bar de l'hôtel, au jardin et au room-service. Qu'on se rassure, ce disciple de Christophe Saintagne, puis de Romain Meder et de Sylvestre Wahid, n'a jamais eu froid aux yeux ni peur de voir grand. Son programme est simple et évolue, on s'en serait douté, autour du produit et de la naturalité : « Ce lieu est un formidable terrain de jeu, un hôtel à taille humaine (…) On peut y faire tant de belles choses, comme accueillir les clients avec le brasero dans le jardin de 4000 m² aux beaux jours. Je suis un grand féru de légumes et le potager du Clos de Nonville (Seine‐et‐Marne) du groupe Bertrand, qui offre 45 hectares, dont 1,5 de maraîchage, est un vrai atout, qui portera ma cuisine » déclare Grégory avec enthousiasme. 

Une cuisine « feuillue » et inspirée

De fait, l'incipit du menu est limpide et engageant : « Bellefeuille est un hommage à la nature et à la vie ». Et, ce soir-là, dans le menu en 6 temps, la démonstration est magistrale. Comme souvent dans les restaurants gastronomiques, les amuse bouche donnent un bel aperçu de la suite des événements et de la personnalité du chef. Ici, le trio apéritif proposé est tonitruant sans en avoir l'air : bœuf charolais/caviar, focaccia à l'ortie et au kiwi de l'Adour, Moussette/piment. Le simple fait de retrouver de la moussette ici est une joie. Quant à la pré-entrée Navet/Anchois, elle met tout de suite les deux pieds dans le potager et montre que le chef a bien l'intention de travailler tout le légume, comme il le ferait pour une bête entière. Respect de la nature et de la vie, on y est. Et on sait à qui on a affaire. Depuis notre rencontre à l'Auberge Nicolas Flamel en 2021, le chef a mûri et affiné son propos. Son entrée « signature » en est la confirmation. « Langoustine Caviar Kristal/Fleurs/Herbes », présenté en deux services, l'un dans un consommé chaud, l'autre à cru, dans une huile herbacée à partir des pinces de langoustines. Textures, températures, valorisation de la langoustine. Contemporain et percutant. Comme on dit d'un plat qu'il est grand, la Langoustine de Garimbay est une grande entrée.  

Sans décortiquer l'intégralité du menu non plus, on ajoutera juste que son asperge amandes/géranium est un beau concentré du printemps, que le chef est un excellent saucier et que ses ris de veau moutarde/poireau entrent directement dans notre top 10 des meilleurs de la place. N'en jetez plus, la cour est pleine ! Place à présent à la partition sucrée, avec la jeune cheffe Coline Doussin, qui vient tout juste de rejoindre le chef au Bellefeuille, après avoir déjà œuvré à ses côtés à l'Auberge. A tout juste 25 ans, la jeune femme impressionne par son talent et sa maturité. Passée par la Maison Pic, Le Quellec aux côtés de Pierre Chirac et Cheval Blanc avec Maxime Frédéric, c'est auprès du chef Garimbay qu'elle a trouvé un vrai binôme. Comme lui, elle a à cœur de travailler l’entièreté du produit et veut trouver l'assaisonnement juste pour le sublimer sans le dénaturer. Son pré-dessert « Pomme/Baies des Batak » prouve déjà qu'elle y parvient aisément. 

Son dessert signature, « Chocolat et aiguilles de pins », révèle quant à lui un savant équilibre de saveurs et de textures, qui met en majesté le chocolat de Madagascar de Nicolas Berger. Pour ce faire, elle utilise les aiguilles de pin sylvestre sous différentes formes : brûlées pour fumer le chocolat, et fraîches pour rafraîchir le sorbet au fromage blanc. Il y a une vraie cohérence entre salé et sucré, entre ces deux personnalités, qui font qu'on termine ce dîner comme on l'avait commencé et qu'on a vraiment une sensation d'harmonie. Précieux, car pas si fréquent qu'on ne pourrait le croire. On ne saurait achever ce récit d'un très beau repas sans mentionner la sommellerie menée par Arnaud Fatôme et ses équipes avec brio. Les accords sont toujours justes, modernes, sur-mesure, faisant eux aussi la part belle au savoir-faire des vignerons, au terroir et aux chemins de traverse. 

On laissera à Laure Pertusier, l'heureuse Directrice Générale de la maison, le soin de conclure : « Avec cette nouvelle histoire qui commence, le Saint James incarne plus que jamais l’art de vivre parisien par excellence. Romantique, magique, distingué et délicieusement intimiste... Dédié aux Parisiens autant qu’à nos hôtes du monde entier ».

Menus : en 3 Services, 140 €. En 4 services, 170€. En 6 services, 210€.
Accords mets&vins sur demande. Menus servis pour l'ensemble de la table. 

Ce qu'il faut retenir

Nouveau duo de chefs, nouvelle énergie. Une cuisine qui vous cueille avec délicatesse pour ne plus vous lâcher. Dire que c'est prometteur serait un euphémisme. Cette ode à la nature maîtrisée est tout ce qu'on attend d'une table gastronomique bien dans son temps.