On a testé Table Penja, le restaurant du chef Pierre Siewe
Si on n'a pas l'habitude de se précipiter du côté de l'UNESCO pour découvrir une pépite, on n'hésite pas une seconde dès que l'on apprend que c'est le chef Pierre Siewe qui ouvre par là une première adresse à son nom. En effet, on avait déjà eu un véritable coup de cœur pour lui quand il tenait la cuisine du Garde-Temps, dans le quartier de Pigalle. Il y proposait alors une bistronomie originale, au rapport qualité-prix imbattable. Dix ans plus tard, il prend un nouveau cap, rive gauche. C'est donc tout naturellement qu'on va lui rendre visite parmi les tout premiers. Et qu'on se laisse griser.
Un chef à demeure
Aux antipodes des jeunes chefs qui ne jurent plus que par les résidences et qu'on doit suivre comme des stars en tournée, Pierre Siewe, lui, fait le pari de s'installer à son compte et on salue sa décision entrepreneuriale courageuse. Il faut dire que ce fils de restaurateurs a ça dans le sang. Pour autant, son avenir n'était pas nécessairement tracé, car au Cameroun, dont il est originaire, ce sont les femmes qui cuisinent. Il part donc se former au Savoy à Londres et auprès du bistronome en chef Yves Camdeborde avant de se lancer. Plus de dix ans au Garde-Temps, où il gagne en confiance et en reconnaissance. Jusqu'à aujourd'hui, chez lui. Son restaurant à Paris s'appelle Table Penja, pour rendre hommage au célèbre poivre du Cameroun et plus généralement aux épices mises à l'honneur dans sa cuisine.
Côté décor, Pierre Siewe a fait appel à Caroline Choux (agence U Design) pour matérialiser sa vision d'une cuisine métissée entre Paris et Penja, entre incontournables bistrotiers et ingrédients du continent. Avec la volonté d'avoir une belle cuisine ouverte, sur la salle et sur le monde. Le résultat est des plus originaux et réussis. C'est lumineux, arty, chaleureux.
Le restaurant est d'ailleurs un hommage à l'artisanat. Celui de son pays, au travers des œuvres murales de l'artiste camerounais Fred Ebami, mais aussi celui de tous les artisans de talent, à l'instar de la coutellerie Ceccaldi, qui a réalisé des couteaux sur mesure pour le chef, ou du Studio Ancher qui a fait de même pour la vaisselle et les céramiques.
Métissée, pas fusionnée
On a toujours une petite appréhension à l'évocation d'une « cuisine métissée » car, c'est plus fort que nous, mais on entend « cuisine fusion », celle-là même qui a gâché une bonne partie du plaisir des ripailleurs des années 2000 ; donnant lieu à des mariages douteux, voire désastreux, entre des cuisines et des ingrédients qui n'auraient jamais dû se rencontrer.
Mais c'est faire un procès d'intention à la cuisine métissée qui, elle, sait prendre le meilleur de plusieurs cultures pour les enrichir mutuellement. C'est le cas de celle de Table Penja, qui reprend les codes de la bistronomie d'ici et la relève, l'assaisonne à sa sauce avec des produits d'ailleurs, pour un résultat des plus convaincants.
Après une mise en bouche en forme de gougère farcie à la ricotta citronnée qui met en joie, place au « Chou-Fleur, rôti au beurre de Sumac, crémeux cacahuètes et pâte de harissa, pickles de légumes, poudre d'olive vertes » qui donne le ton.
Mais côté entrées, le coup de cœur est pour ce drôle de champignon vosgien, « la morille des pins », cuit en fricassée avec un soupçon de café, un œuf mollet et des chips de pain. Puissant et enveloppant.
Pour suivre, le « Poulpe de roche, caramélisé et laqué de la sauce bongo, condiment, piment végétarien, réduction de jus de pomelos, mousseline de panais et café ». Très généreux, bien équilibré. Sans compter que si la sauce bongo ressemble à l'encre de seiche, gustativement, elle n'a rien à voir. Le chef l'a légèrement adoucie avec du lait de coco pour ne pas effrayer les palais parisiens, mais ce goût d'ailleurs est bien là. Quant à la « Volaille de Bresse, pochée à la citronnelle, gombo vert farci au gâteau de graine de courge, sauce poulette à la poudre de baobab, artichauts en barigoule », elle est le parfait exemple du meilleur métissage possible. On prend des marqueurs connus et on les décale juste ce qu'il faut.
Même si on n'a plus faim (les assiettes sont généreuses), hors de question de passer à côté des desserts et surtout de ce « Chocolat ivoire ganache, caviar osciètre, compote de pommes golden acidulée, glace au poivre vert frais de Penja » doux et percutant à la fois.
En salle, Steven, tout juste rentré d'Australie, est aux petits soins et de très bon conseil, alliant professionnalisme et décontraction, comme on l'attend dans un restaurant de cette catégorie.
On l'aura compris, cette table nous a séduit. Et on n'a qu'une hâte, y retourner au dîner pour poursuivre la découverte de cette cuisine à la fois familière et complètement différente. Quant au chef, s'il confie ne pas être du tout dans la course aux étoiles, nul ne doute qu'il va se faire une belle place au soleil du 7ème arrondissement.
Déjeuner : plat du jour 25€, formule E/Plat du jour ou Plat du jour/D : 35€, formule E/Plat du jour/D : 45€
Dîner : E/P/D : 55€, menus dégustation « Ici et ailleurs 'Métissage' » : 65€ (avec accord mets et vins 35€) et « Table Penja » : 95€ (accord 55€)
Ce qu'il faut retenir
Si le chef avait déjà su nous charmer et nous comptait - comme beaucoup d'autres gourmands - parmi ses fidèles au Garde-Temps, on est heureux de le retrouver enfin chez lui, dans un décor chic et solaire. Libre de proposer une cuisine encore plus personnelle, qui fait un pont joyeux, osé et réussi entre Paris 7ème et Douala, Pierre Siewe illumine déjà le quartier de sa bistronomie qui ne ressemble à aucune autre.
Table Penja
2, rue Sédillot, 75007 Paris
Ouvert du mardi au samedi, déjeuner et dîner
tablepenja.paris/