Les 50 meilleurs restaurants de Paris #3 : KEI (chef Kei Kobayashi)
Après avoir visité deux adresses mythiques de la gastronomie parisienne, le Grand Véfour et le Pré Catelan, on fait une nouvelle escale en plein cœur de Paris pour découvrir KEI, le restaurant gastronomique du très talentueux chef d’origine nippone Kei Kobayashi.
Le pitch : Kei Kobayashi, un Japonais qui voulait faire briller la gastronomie française
La cuisine, Kei Kobayashi connaît depuis toujours. Avec un papa cuisinier à Nagano, la ville de montagne qui le voit grandir, le jeune Kei aurait pu lui aussi choisir de consacrer sa vie à la cuisine japonaise traditionnelle. Il n’en sera rien. À 15 ans il a une révélation. En voyant le grand chef 3-étoiles Alain Chapel dans une série documentaire diffusée par la télévision japonaise, il a le coup de foudre pour la gastronomie… française. À l’époque ce n’est pas tant la cuisine elle-même qui le fascine que les belles toques des chefs de l’Hexagone, l’art de vivre à la française, la personnalité vibrante du chef.
Après avoir fait ses armes dans des restaurants français à Nagano puis Tokyo, Kei Kobayashi vient poursuivre son rêve en France. À à peine plus de 20 ans, le natif de Nagano rejoint les brigades de grands restaurants un peu partout en France. Il explore les terroirs, parfait sa connaissance des techniques de la grande cuisine française, découvre les meilleurs produits de chaque région. En 2003, c’est la consécration. Il rejoint le vaisseau amiral triplement étoilé d’Alain Ducasse au Plaza Athénée, exerçant son talent dans l’un des meilleurs restaurants au monde. Sous la direction de Jean-François Piège puis de Christophe Moret dont il deviendra le second, le passionné de cuisine française a l’opportunité de travailler des produits exceptionnels tout en apprenant la rigueur et l'excellence auprès de l'un des parrains de la gastronomie.
Mais finalement, Kei Kobayashi quitte de décider l’univers des cuisines trois-étoiles de palaces pour devenir chef dans son propre restaurant, son ambition de toujours. En 2011, il dévoile KEI, un restaurant célébrant la gastronomie française contemporaine avec créativité et audace. Son objectif ? Développer une cuisine d’auteur, vouant un culte au produit, améliorant sans relâche l’esthétique de ses assiettes. Le succès est rapidement au rendez-vous. KEI est immédiatement récompensé d’une étoile par le Michelin. Gilles Pudlowski parle d’ « artiste » et de « petit virtuose » tandis que François Simon y voit une « démonstration brillante, poétique, niveau deux étoiles ».
Dans l’assiette
Pas de carte chez KEI mais un ensemble de menus dégustation, de cinq à dix séquences, imaginé par le chef. Que l’on adhère ou non au principe, il faudra s’y soumettre ! On démarre donc avec un ensemble d’amuse-bouches qui, au-delà de la fonction principale d’ouvrir l’appétit, montre en un clin d’œil la palette de talents du chef. Le granité au Shiso rouge, à avaler rapidement avant qu’il ne fonde, témoigne de sa créativité sans limites. Le maki navettes/carottes indique ses influences nippones. Les tartelettes et gougères montrent une parfaite maîtrise des techniques et goûts français. Ce déjeuner démarre sous les meilleurs auspices !
Mais les choses sérieuses commencent avec une huître Ostra Régal, crémeux de raifort, gelée d’eau de mer et chips de laitue de mer. Une belle introduction iodée démontrant autant la capacité du chef à travailler de très beaux produits qu’à les sublimer à travers une technique qui n’est jamais vaine mais au contraire mise au service de son inventivité. Même constat, et pourtant le registre est très différent, avec cette salade revisitée, un jardin de légumes croquants visuellement époustouflant. Après avoir admiré la délicatesse du dressage, on casse, on déconstruit, on mélange pour mieux savourer la fraîcheur formidable de cette entrée, rehaussée de truffe tout juste rapée, dans laquelle on découvre un saumon fondant à souhait.
Fondant. Voilà qui fait le trait d’union avec l’assiette suivant, un plat signature de Kei Kobayashi qu’il aura l’occasion de présenter au festival Taste of Paris du 11 au 14 février prochain. Impossible de ne pas succomber devant ces gnocchis à la truffe, jambon ibérique et émulsion de parmesan. On aurait pu craindre que la sophistication des compositions ne fassent à Kei Kobayashi oublier la pure gourmandise. Ce plat prouve tout l'inverse. Un grand moment d’émotion culinaire.
Le bar ensuite. Cuisson parfaite, jeu de textures réussi avec le croustillant des écailles soufflées, une réduction de vin rouge et de l’anguille fumée pour rehausser le tout. Si le poisson est irréprochable, l’ensemble manque peut-être légèrement de cohérence. La faute à une prise de risque excessive dans ce classique de la carte que Kei Kobayashi se charge de réinventer sans cesse ?
On continue dans le répertoire marin avec ces belles langoustines. Cuites au foin (et d’ailleurs présentées dans leur plat, encore en train de s'imprégner de l'odeur du foin avant d'être servies), elles dégagent une puissance incontestable. L’accompagnement, là encore, joue la carte du minimalisme avec simplement quelques shitakes en fricassée. Séduisant.
Explosion de saveurs pour l’assiette suivante, l’unique de ce repas dédiée à une viande. Le fondant du bœuf de Galice maturé 90 jours, la purée de panais, le salsifis, la petite salade de mâche à la truffe, la composition est peut-être moins originale que ce qui a précédé mais le résultat est là : un plat de viande harmonieux, impeccablement exécuté, sublimant les goûts francs de très grands produits. Un peu de jus en plus, pour avoir un liant et une plus grande fluidité dans l'assiett et le plat aurait été tout simplement parfait.
On enchaîne avec le dernier acte du déjeuner. Le traditionnel plateau de fromages à la française est ici transformé en un audacieux pré-dessert de chèvre frais. Une merveille d’onctuosité, mise en valeur par une gelée de cidre, huile d’olive de Sicile et poivre du Viêt-Nam.
Les desserts enfin. Un vacherin aux agrumes et basilic déstructuré et coloré. Le nom de vacherin aurait pu effrayer après ce marathon gastronomique. Mais c’était sans compter sur le talent du chef pâtissier de KEI qui fait souffler un vent de fraîcheur – le basilic, parfait dans ce rôle - sur ce grand classique de la pâtisserie.Et c’est un autre grand classique revisité qui viendra mettre un point final à cette dégustation de haut vol : un tiramisù également revisité avec brio. Le café, le mascarpone, l’Amaretto, le dessert de KEI ne révolutionne pas le genre mais convainc par ses saveurs tranchées, ses goûts exaltés, sa gourmandise exacerbée. Dans la droite lignée d’un déjeuner brillant à tout point de vue.
Dans la salle
Des tentures et du décor sombre de l’ancien restaurant doublement étoilé de Gérard Besson, Kei Kobayashi n’a rien garder si ce n’est les fauteuils traditionnels, remis en état. À grands coups de travaux, il a réinventé la salle lui redonnant clarté et luminosité. Mais pas question pour autant de succomber à la mode du design et du minimalisme. Le chef a souhaité garder l’élégance d’un restaurant gastronomique traditionnel. Impressionnant lustre Saint-Louis fait sur mesure pour le restaurant, vaisselles Christofle, nappes blanches, on retrouve chez KEI les marqueurs des « gastros » français, ceux qui l’ont toujours fasciné. Ce qui n’empêche pas Kei Kobayashi d’innover par petites touches. Couverts modernes ou assiettes dépareillés, les touches de contemporanéité viennent consteller ce joli écrin bourgeois aux allures de boudoir des temps modernes.
Le service
Emmené par une équipe jeune, le service est précis, efficace, souriant. C’est cohérent avec l’esprit des lieux, porteur d’une gastronomie respectueuse des traditions mais toujours tournée vers l’avenir. Rien à redire, c’est impeccable.
L’addition
Trois menus dégustation sont proposés au déjeuner comme au dîner.
Le midi, un menu déjeuner est proposé à 52 € (cinq séquences) complété de deux menus en huit séquences à 96€ et 146€ (ce dernier menu, Prestige, contenant l’ensemble des produits les plus nobles de la carte, comme le bœuf de Galice, le caviar ou la truffe).
Le soir, menu Découverte à 99 € (sauf samedi soir), menu Dégustation à 145 € et menu Prestige à 188 €.
Est-ce que c’est cher ? Assurément non pour le menu déjeuner qui est une affaire. Pour les autres menus, le rapport qualité-expérience-prix nous paraît largement à la hauteur. En clair, ça vaut le coup !
Le mot de la fin
Retenez bien ce nom. Kei Kobayashi. Ce jeune chef japonais au CV idéal est définitivement l’un des chefs qui comptent sur la scène gastronomie parisienne des années 2010. Là où beaucoup de confrères de sa génération ont fait le pari de la bistronomie, le chef nippon cultive lui l’héritage de la grande gastronomie française, celle qui le faisait rêver il y a plus de vingt ans à Nagano. Mais son véritable talent est bien entendu de s'imprégner de ce legs pour mieux se le réapproprier. De ses assiettes inventives, délicates, belles comme des peintures à l’élégante salle, lumineuse et intimiste, en passant par les nombreuses touches de modernité, Kei Kobayashi imprime sa marque de fabrique subtile et créative. Il joue à plein de ses inspirations, poursuivant une voie audacieuse qui le mènera certainement au sommet
Pour ceux qui se demandent pourquoi KEI n’a pas encore été récompensé de deux étoiles par le Michelin, sachez que nous nous posons également la question. En attendant, on réserve sans attendre et on va se régaler rue du Coq Héron.
Pratique
Kei Restaurant
5, rue Coq Héron 75001 Paris
Du mardi au samedi, au déjeuner et au dîner.
Menus de 52 à 188€ (sans les vins).
Réservations par mail ou au téléphone (+33 1 42 33 14 74).