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David Ukaleq, Le mercredi 14 juillet 2021
Grand angle

On a testé la cuisine fusion du Kabuki Abama aux Canaries

Un restaurant japonais nommé Kabuki, comme le fameux théâtre nippon, cela n’est certes pas très original. Mais quand il a une étoile au Michelin et se situe aux îles Canaries qui ne comptent que trois restaurants étoilés, cela pique notre curiosité. Nous en avons testé le menu dégustation.
  • Assortiments d'entrées et plats chez Kabuki
    Assortiments d'entrées et plats chez Kabuki

Le menu comporte 5 parties, comme les 5 actes du théâtre Kabuki.

Le Kabuki Abama, situé dans le Ritz-Carlton Abama, l'un des plus beaux hôtels de Ténérife, est en réalité le 2ème restaurant Kabuki ouvert, en 2005, par le chef Ricardo Sanz. Celui-ci a un parcours qui sort de l’ordinaire. Il ouvrit d’abord une hamburguesería, un restaurant à hamburgers, puis un bar à tapas, où il fit connaissance du chef japonais Masao Kikuchi. Une rencontre fructueuse puisque c’est avec ce dernier qu’il apprit, pendant plus de 3 ans, l’art et les techniques de la cuisine japonaise. En 2002 il ouvrit à Madrid son premier restaurant japonais. Puis ce fut le Kabuki Abama, qui nous occupe ici. Et suivirent le Kabuki Wellington, à l’hôtel Wellington de Madrid, et 4 autres restaurants à l’aéroport de Madrid ainsi qu’à Valence et à Malaga. Une expansion impressionnante qui n’est pas au détriment de la qualité, à en juger par notre expérience à Ténérife.

L’originalité de Kabuki est de ne pas faire de la cuisine japonaise strictement traditionnelle. Après l’ouverture du premier Kabuki, Ricardo Sanz a très vite pris ses libertés avec celle-ci, en y associant des éléments méditerranéens. Ce qui permet d’inclure des produits locaux, dans un esprit qui est celui des tapas. Cela est visible tout au long du menu dégustation que nous avons essayé.

Le menu comporte 5 parties, comme les 5 actes du théâtre Kabuki. Avant toute chose on nous demande s’il y a des ingrédients que nous ne pouvons ou ne souhaitons manger. Comme une des convives n’aime guère les algues, on nous propose une alternative à la salade d’algue (voir plus bas).

Sakizuke - 先附

Amuse-bouches... et yeux

Ce premier "acte" est une joie pour les yeux autant que pour les papilles. Dans deux bols siamois sont servies des edamame, fèves de soja vertes en cosse salées, et du goma-dare, sauce blanche au sésame dans laquelle on trempera les cosses. Non moins colorées sont les Nasu Kamo, variété japonaise d’aubergine, frites et servies avec une sauce mizo mais aussi avec un accompagnement bien méditerranéen de tomates et salade. La salade d’algues du menu original a cédé la place à de réjouissants tatakis au thon, avec leur sauce aux umeboshi, ces fameuses prunes préparées en salaison ("pickled"). Thon également présent dans les "croquettes" sukiyaki.

Mais cela n’est pas tout. Car dans un large bol rempli de glace pilée nous attendent, présentées de façon exquises, des huîtres avec leur sauce Ponzu (sauce au soja et yuzu - voir plus bas) et des couteaux. Tous deux d’une fraîcheur extraordinaire.

  • Huîtres à la sauce ponzu et couteaux.
  • Aubergines frites "Nasu Kamo".
  • Croquettes de thon «sukiyaki».
  • Tataki au thon avec feuilles de mizuna et chips à l’ail.
Otsukuri - お造り

Des sashimi d’une finesse exceptionnelle

On démarre ici avec un nouvel élément fusion : de fines tranches de thon surmontées de Pa amb Tomaquèt. Cette expression catalane qui signifie "pain et tomate" désigne tradionnellement du pain toasté, tartiné de tomates et huile d’olive et relevé de sel. Les sashimi sont simplement fantastiques. Ils sont servis avec une sauce à la truffe mais sont surtout d’une finesse exceptionnelle. Les coquilles Saint Jacques fondent littéralement dans la bouche. Saumon, calmar et crevettes ne sont pas en reste. Et puis viennent des Usuzukuri (poisson coupé en très fines tranches) d’un poisson blanc local et accompagnés ici de friture et d’adobo gaditano, sauce au paprika, selon une recette populaire de Cadix.

  • Usuzukuri «Pa amb Tomaquet» (gauche) ; coquille Saint Jacques, saumon, calmar, crevette nordique «amaebi» (droite).
  • Usuzukuri à l’«adobo gaditano»

 

Yakimono - 焼物

 

Un troisième acte plus bref que les autres où l’on découvre un saumon grillé aussi attrayant à la vue qu’au goût. Les couleurs y sont savamment coordonnées avec des têtes d’asperges vert vif, qui se dressent au milieu d’une purée de céleri, et de la peau de saumon frite au ton brun-gris. L’ensemble servi dans un magnifique plat... vert et gris.

  • Saumon grillé, asperges et purée de céleri.
Sushi - 寿司

Mini hamburger, oeufs de caille et sushi fusion

Dernier acte avant le dessert, et pas le moins surprenant. On ne manque pas d’être intrigué par le mini-hamburger au boeuf Wagyu, clin d’oeil aux débuts du chef Ricardo Sanz (voir plus haut). Rappelons que le mot Wagyu désigne un ensemble de races japonaises dont celle de Kobe est la plus fameuse.

Un des highlights parmi les éléments non traditionnels est certainement l’oeuf de caille qu’on nous conseille d’avaler en même temps que la crème de truffe blanche et qui, effectivement, délivre ainsi une saveur prodigieuse. Et je dois préciser ici que je ne suis d’ordinaire pas un fan de truffe blanche.

Puis viennent de plus classiques sushis. Pas si classiques que ça puisqu’ils ont eux aussi leur touche fusion : sucre caramélisé, moutarde de Dijon ou encore pancetta (charcuterie à l’origine italienne et ce soir dans une version ibérique). Sauf l’Azami Zuke, thon rouge ici accompagné du trio sacré de la cuisine populaire japonaise : sauce au soja, dashi et mirin. La première n’est pas à présenter mais peut être faut-il préciser que le mirin est un type de sake utilisé pour la cuisine. Et le dashi est un bouillon élaboré à partir d’algues konbu et de flocons de bonites (poissons cousin du thon) séchées pour en extraire l’umamil’une des cinq saveurs japonaises.

  • Langoustine et oeufs de caille à la crème de truffe blanche.
  • Mini-hamburger Wagyu.
  • Nigiri de saumon, thon gras «chūtoro» et thon rouge mariné «akami zuke».
  • Un effet visuel des plus réussis avec cette langoustine monochrome gris imprimé sur le plat.
Kanmi - 甘味

Des desserts à la hauteur de ce dîner exceptionnel

Le cinquième acte, nous informe l’article wikipédia sur le théâtre Kabuki, fournit en général une "conclusion rapide et satisfaisante".

Satisfaisant, ce dessert l'est certainement et rapide il risque fort de l’être également si l’on ne se freine pas. Car il s’articule en 3 parties toutes plus délicieuses les unes que les autres. Une panna cotta au Matcha, la fameuse poudre de thé vert moulu qui est désormais bien connue en occident,  un cheese cake au litchi et finalement une sublime crème au chocolat blanc Valronha accompagnée d’une gelée de yuzu à la vanille de Tahiti. Le yuzu, qui entre également dans la composition de la sauce Ponzu, est un agrume originaire d’extrème-orient qui évoque à la fois le pamplemousse et la mandarine. Un délice et quand on termine cette crème et que la cuillère rouge vient découvrir le superbe  bleu de la céramique qui se trouve en-dessous, on souhaiterait que celle-ci fût comestible à son tour !

Nous laisserons aux connaisseurs du théâtre Kabuki le soin de décider si l’on peut pousser plus loin l’analogie avec la structure du menu... Quant à nous c’est par une tasse de thé, choisie parmi une sélection généreuse, que nous concluons ce dîner. Un très doux milky oolong et un lapsang sounchong dont la carte nous dit que ce classique est «très controversé». Peut être parce que les chinois le considèrent comme un "thé pour occidentaux" ? Nous avons en tout cas beaucoup aimé sa saveur fumée.

  • Panna cotta au matcha et cheese cake aux litchis.
  • Crème au chocolat blanc et gelée de yuzu à la vanille.
  • Thés oolong et lapsang souchong.

 

Pratique

Kabuki, Ritz-Carlton Abama

Carretera General del Sur
TF-47, km 9
38687 Guía de Isora
Ténérife
Iles Canaries

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