Paris : on a testé le restaurant de Mallory Gabsi, grande table en devenir
Note : 9/10 | Le contexte : déjeuner le mercredi 30 mars 2022, trois convives.
Le pitch | À Paris, le premier restaurant du jeune prodige Mallory Gabsi
Si les salles branchées des jeunes talents de Top Chef poussent comme des champignons à Paris, celle de Mallory Gabsi se distingue par sa géographie — plein Ouest, à deux pas de l’Étoile et des quartiers chics —, son décor — une salle léchée de seulement 28 couverts —, et l’ambition témoignée du jeune prodige de 25 ans, qui avait soulevé l’enthousiasme des téléspectateurs de M6 en 2020 aux côtés, notamment, d'Adrien Cachot. Passé par le Sea Grill d'Yves Mattagne (2 étoiles Michelin à Bruxelles), déjà chef d’entreprise avec deux friteries à son actif à Bruxelles, Mallory Gabsi ouvre donc son écrin gastronomique en fonceur, moins d’un an après s’être vu appelé par un investisseur et passionné de cuisine qui le propulse sur la scène gastronomique parisienne.
Dans l'assiette ?
On retrouve le mordant de la compétition et le désir d’en mettre plein la vue, avec des contrastes inattendus, des textures variées et des assiettes taillées comme des sculptures. Le désir d’aller chercher une étoile est là, et on l’accompagne volontiers en démarrant par une réinterprétation d’un classique belge, l’anguille au vert, après deux amuse-bouche qui tombent un peu à plat.
Le poisson fumé nage dans une sauce d’herbes (épinard, cerfeuil, oseille, ortie), accompagné d’une échalote confite, d’une crème d'échalote et de caviar. La langue s’amuse sur les contrastes, la puissance du poisson, la douceur des herbes et l’onctuosité de l’échalote que viennent réveiller les grains de citron et de caviar de leur forme et leur légère acidité.
Toujours marine, la seconde assiette — et donc première entrée — présente un médaillon de saumon taillé comme un cabochon, orné de ses œufs et accompagné d’un concombre mariné au saké, d'un condiment carotte et gingembre, de poudre de yuzu et d'une vinaigrette à l'arbousier. Ou comment le tonique du végétal vient vivifier le riche poisson rose.
Arrive alors une assiette digne d’un Delaunay. Des dômes de mousse de foie gras de canard sont rafraîchis par un trio de betteraves (cuite en croûte de sel, crue, poudre) et une crème de ricotta, tandis qu’un gel de cerise noir et un condiment de haricot fermenté donnent de la profondeur à l’assiette. Si les dômes de foie gras manquent légèrement de tonus, l’association est une réussite et l’assiette impressionne par son esthétique. « C’est le premier amuse-bouche que j’ai imaginé et que j’ai osé faire goûter à Yves Mattagne au Sea Grill à l’époque » nous révèle Mallory Gabsi, qui sort toujours au moins une fois par repas de la cuisine pour apporter une assiette et maintenir un lien entre la salle et la cuisine.
Le plat principal voit copiner un paleron de boeuf Wagyu normand, orné de lamelles de champignons crus de Paris et imprégné de jus de sapin, et une langoustine bretonne dans un « surf and turf » que l’on sauce avec plaisir. La tendresse de la viande et du crustacé se rejoignent autant que leurs goût s’opposent, tout en s’élevant l’un l’autre, et un sérieux goût de reviens-y s’empare de nous à la dernière bouchée.
Pour finir, c’est Margot Delacroix, ex-pâtissière chez David Toutain, qui nous apporte deux desserts. Le premier : pamplemousse, gin en granité et genièvre où toutes les textures sont explorées (naturel, sorbet, gelée, granité) pour un résultat tout en fraîcheur, suivi d’une partition chocolatée contrastée d’un inattendu panais en mousse et en tuile dont le goût terreux marche du tonnerre avec la cabosse.
Dans la salle ?
Dessinée par Arnaud Behzadi (Château de Fonscolombe, Hôtel Grand Powers, Hôtel du Rond-Point des Champs-Elysées), le restaurant se partage en plusieurs ambiances : deux tables d'hôtes font face à la cuisine ouverte et à la devanture en pierre brut du Maroc, six autres tables de deux convives sont dans la seconde salle, plaquée de panneaux de platane et chic comme les salons d’un paquebot vintage. Une dernière table pour quatre est dans une alcôve. Le minéral, le bois et les tissus chauds jouent une partition moderne et minimale, qui laisse toute sa place à la cuisine de Mallory Gabsi.
Le service ?
Jeune et expérimenté, qui sait s’adapter à son public, du groupe de jeunes admirateurs du chef dans la vingtaine aux fins gourmets connaisseurs des tables de l’Ouest parisien.
Les plats à goûter ?
L’anguille au vert, le bœuf Waguy et langoustine, le dessert chocolat et panais. Ceci dit, une fois le menu choisi, les plats ne sont pas laissés à la discrétion du client, et le menu change toutes les 6 ou 7 semaines.
Les prix ?
- 55€ pour le menu déjeuner en 3 séquences ;
- 69€ pour 4 services
- 110€ pour 6 services (accord mets et vins à 60€).
Notre avis en un clin d’œil
Pari réussi pour Mallory Gabsi ! Plébiscité par ses fans (merci Top Chef), son premier restaurant aux ambitions gastronomiques ne désemplit pas. Un succès public toutefois amplement mérité tant l'expérience, déjà très aboutie après seulement quelques semaines d'existence, se révèle être à la hauteur des espérances. Haut niveau de cuisine et élégance du décor placent la table du jeune Belge parmi les toutes meilleures du quartier de l'Étoile. Étoile, Michelin cette fois, dont l'adresse devrait en toute logique être récompensée dans la prochaine édition du Guide Rouge.
Note de la rédaction : 9/10*
* La note reflète l'intégralité de l'expérience (assiette, cadre, atmosphère, service, rapport qualité-prix...) et est relative au positionnement de l'établissement (un excellent bistrot peut se voir attribuer la note de 10/10). Les tables recueillant des notes égales ou inférieures à 5/10 ne font pas l'objet de chroniques.