Anvers : on a testé Le Pristine, la nouvelle table du chef Sergio Herman
Note : 7/10 | Le contexte : testé avec l'équipe de Visit Flanders durant la dernière remise des 50 Best à Anvers, en octobre 2021.
Le pitch | La bistronomie Nord-Sud vue par Sergio Herman
« Le Pristine », ouvert en 2020 en pleine pandémie, est le dernier restaurant du chef et entrepreneur néerlandais Sergio Herman (si on exclut le lancement cette année de la déclinaison belge de son « Blueness »). Il retranscrit sa vision d'une rencontre européenne entre ses racines zélandaises et son inclinaison pour l'Italie. Un axe culinaire Nord-Sud des plus originaux et potentiellement périlleux. Mais Sergio n'a pas que son prénom italien pour lui... Pour ceux qui ne le connaîtraient pas encore, le chef est l'inverse d'un bleu. Il est né dans la cuisine du restaurant de ses parents à Sluis, y a officié par la suite pendant 25 ans et lui a apporté la consécration suprême : trois étoiles au guide Michelin pour « Oud Sluis », ainsi qu'un classement aux 50 Best, pendant huit ans. En 2013 pourtant, il décide de fermer le restaurant familial et de repartir sur de nouvelles bases. Séparé de « The Jane » (2 étoiles) l'an dernier, il est aujourd'hui à la tête de plusieurs restaurants et concepts des deux côtés de la frontière : « Pure C » - 2 étoiles, AIRepublic, Blueness, Frites Atelier. À peine ouvert, Le Pristine obtenait une première étoile au Michelin et 16/20 au Gault&Millau. Pas un bleu, on vous dit...
Dans l'assiette ? Des petits tableaux de maître flamand
Avant de parler du contenu, il convient déjà de parler du contenant. Car tous les plats sont servis dans les assiettes conçues par le chef lui-même, pour la marque Serax. Un très beau service nommé « Surface », dans des teintes de ciel flamand, entre bleu, gris et vert... Les nourritures terrestres sont des compositions artistiques recherchées, servies par l'éclairage à table, qui leur donnent des airs de tableaux de primitifs flamands, justement. Seules les couleurs, qui empruntent à la palette italienne, sont beaucoup plus vives.
À l'instar du fameux « Plateau Le Pristine » qui mêle antipasti de là-bas et d'ici (poissons et crustacés de la mer du Nord, associés à des légumes italiens) dans un mariage des plus réussis. Le « Crudo Gambero Rosso » avec sauce aigre-douce et supplément caviar est encore plus graphique et poursuit sur la lancée de l'alliance des contraires. La salade de homard « européenne » est extrêmement lisible et aux antipodes d'un compromis mou. Quant aux « Orrechiette zélandais » — plat signature — ils pourraient presque convaincre qu'Italiens et Néerlandais parlent le même langage. Seule ombre au tableau : les desserts, trop riches et trop crémeux — comme le tiramisu — qui lorgnent beaucoup trop du côté allemand ou autrichien pour nous faire monter au ciel...
Mais aussi ? Des vins de collection
Le sommelier n'est autre que Willem Van Den Broeck – ex Noma. Autant dire que la carte des vins est particulièrement soignée, avec son lot de bouteilles rares et de petites découvertes ; plutôt d'obédience nature/biodynamie, mais sans sectarisme pour autant. De la même manière, au vu du tropisme italien de la carte de Sergio Herman, la sélection du sommelier est au diapason, sans être 100% transalpine non plus. Lors du déjeuner, on a ainsi pu goûter une petite merveille italienne, presque introuvable : « Il San Lorenzo 2008 » (un Verdicchio de la région des Marches). Mais aussi une pépite nature autrichienne : « Anina Verde 2018 », de chez Martin et Anna Arndorfer, qui permet de découvrir le cépage Grüner Veltliner, dans sa plus belle expression.
Dans la salle ?
C'est brut, limite brutaliste dans la structure — très anversoise — tout en béton et brique. Les volumes sont époustouflants. On pourrait craindre qu'il s'en dégage un peu de froideur, c'est tout le contraire. Grâce à la cuisine ouverte, aux confortables assises en cuir cognac et, surtout, à un éclairage particulièrement soigné, qui illumine chaque table comme une petite scène de théâtre. C'est même paradoxalement très intimiste, très feutré. Sauf peut-être quand le chef, amateur de rock patenté, monte le son, mais il a plutôt bon goût donc ça passe très bien et la clientèle branchée semble même enchantée.
Le service ?
International, millimétré, orchestré. Rien à redire. Un peu plus de chaleur humaine ne nuirait pas, mais c'est sans doute une remarque de Latin... On n'est pas à Naples, non plus !
Les plats à goûter ?
Le « Plateau 'Le Pristine' », sorte de quintessence luxe des antipasti, revue et sublimée par Sergio Herman. Sans oublier les « Orecchiette Zeelandaise », le plat signature du Pristine, qui symbolise la rencontre entre l'Italie et les Pays-Bas autour de la pasta.
Bon à savoir ?
Si le restaurant est plein (ce qui est toujours le cas, sauf coup de chance indécent), vous pouvez tester le « Pristine Café », attenant. Ce n'est évidemment pas le même niveau de cuisine, mais c'est en mode « walk in » (sans réservation), comme on dit à Anvers. C'est aussi une heureuse alternative pour les fans plus modestes de Sergio Herman. Quant aux ultra-fans, dans un autre registre, ils peuvent aussi suivre les aventures du chef dans une toute nouvelle série Netflix !
Les prix ?
Anvers n'est pas une ville bon marché du tout. Quant à Sergio Herman, c'est un chef très en vue et Le Pristine est dans la rue la plus gastronomique de la ville... On l'aura compris, c'est cher, puisqu'il faut compter 100 à 150 € par personne, sans les vins et sans faire d'excès caviar et autre... Ceci dit, si on peut se le permettre et qu'on veut en mettre plein la vue à son invité, le succès est garanti.
Notre avis en un clin d’œil
La trattoria gastronomique de Sergio Herman s'adresse à un public aisé et branché. Les Anversois donc, mais aussi ses fans internationaux. Partant de là, c'est très réussi dans son genre. La meilleure preuve, c'est que c'est plein à tous les services. Bravi !
Note : 7/10
* La note reflète l'intégralité de l'expérience (assiette, cadre, atmosphère, service, rapport qualité-prix...) et est relative au positionnement de l'établissement (un excellent bistrot peut se voir attribuer la note de 10/10). Les tables recueillant des notes égales ou inférieures à 5/10 ne font pas l'objet de chroniques.