Golden Poppy, la première table française de Dominique Crenn
Note : 9/10. Le contexte : 4 personnes au dîner, juillet 2023.
Le pitch
Dominique Crenn, la cheffe triplement étoilée de San Francisco, vient d’ouvrir Golden Poppy, son premier restaurant en France, sis au sein de la Fantaisie, tout nouvel hôtel du groupe Leitmotiv (Cœur de Megève dans les Alpes).
La première impression
Pour arriver devant l'entrée de l’hôtel La Fantaisie et du nouveau restaurant de Dominique Crenn, on conseillera de remonter la rue Cadet. On traversera comme un étudiant la quantité croissante de tables en bois, d’échoppes de street food asiatique et de bars à vins souvent natures, en tenant la main de sa douce, ou de son dur. Une manière de prendre le pouls de la capitale, de tâter son côté bohème romantique. L’immeuble olive aux stores ocre jaune, s’il n’est fantaisiste, fait toutefois nettement moins austère que le siège métallique du Grand Orient de France voisin. Effet wahou dès le pas de la porte avec un espace commun coloré qui pimpe aux yeux, joliment imaginé par Martin Brudnizki. Si ça commence comme ça, le nouveau restaurant parisien Golden Poppy promet côté design...
La déco du restaurant Golden Poppy
On dépasse la réception de la Fantaisie pour accéder au fameux Golden Poppy. Une vaste cuisine ouverte, sur la droite, dans laquelle s’affairent au moins 20 commis, laisse à penser que le terrain de jeu a été généreusement réfléchi. Miss Dominique Crenn aurait-elle été gâtée pour son premier restaurant en France ?
Et puis la salle. Des planches naturalistes de légumes colorés aux murs. Un olivier et des fleurs en plastoque au milieu qui font du vert et du jaune. Des banquettes épaisses, des chaises bleu lavande et un espace à manger qui nous paraît immense. Le lieu rappelle la cantine de Google, pas loin, rue de Londres. Pour un resto d’entreprise, on y sert de bons petits plats bien que le look sonne un tantinet industriel. Bref, une déco qu’on a trouvée un ton en dessous de la réussite absolue que constitue cette nouvelle pépite d’hôtel 5 étoiles parisien, totalement aboutie du rooftop au jardin, en passant par les chambres. Bon point, cette verrière, sur toute la longueur du restaurant, qui ouvre sur une cour arborée magistrale, havre de paix en plein Paris.
Dans l’assiette
Mais rassurons-nous, l’essentiel est ici dans l’assiette. Ou plutôt dans les assiettes, puisque les propositions sont à partager, des entrées aux plats. Pour débuter, place aux « tartare de thon rouge maturé » (18 €), « ceviche de bar de ligne lait de petits pois et leche de tigre » (24 €), « pancake à la banane et caviar fumé » (32 €), « riz croustillant, leche de tigre, anchois fumés » (24 €)… La première claque vient du graphisme léché. Le thon, par exemple, se décline de deux façons, tantôt roulé dans des feuilles de shiso, tantôt délicatement déposé sur une autre feuille de shiso, ouverte. C’est très beau. Quelques graines de sésame, des fleurs et des sommités pour les couleurs, un assaisonnement parfait soulignent la réussite et la singularité d’un intitulé trop souvent galvaudé. On en redemande… un second tartare arrive derechef.
Quant au leche de tigre et à la sauce « petits pois » qui escortent le bar, ils s’avèrent d’une délicatesse et d’une précision diaboliques. Le riz croustillant flanqué d’anchois ne déroge pas aux sensations des premières bouchées. L’appréciation se fait unanime : qualité, justesse et finesse extrêmes des entrées en matière. Lorsque le brassage des cultures made in SF rencontre les poissons de pêche durable atlantique de la sorte, on saisit l’essence de la très bonne cuisine fusion. Celle-ci mérite le détour, ou plutôt le voyage, jusqu’au Golden Poppy de la rue Cadet signé Dominique Crenn. La « dorade entière maturée, salade et condiments » (125 €), tout juste sortie du four, provoque une émotion forte renouvelée. Une texture suave et singulière (ikéjimé oblige), un jus gourmand presque laqué. Rarement on aura dégusté pareille merveille de poisson. On n’en gâche pas une miette. Les « tacos aux ormeaux » (48€), sorte d’apothéose iodée, viendront parfaire un tableau déjà bien convaincant.
Du côté des vins
La carte des vins, avec les Chablis de Patte Loup, les Montlouis de Jacky Blot, les Rhône des sœurs Saladin ou les Provence de chez Hauvette, impressionne d’éclectisme et de raretés facturées à prix raisonnable. Seul le Miraval déroute, mais après tout, on a bien le droit d’aduler Brad Pitt. La seule question majeure qui demeure à la fin du repas est de savoir quand - le plus rapidement possible - on va retourner s’attabler chez Dominique Crenn, afin de se donner la chance de déguster le reste des créations virtuoses de la seule cheffe 3 étoiles Michelin de tous les USA.
Notre avis en un clin d’œil ?
Tant que toute la presse n’est pas encore passée par là, que l’heure des grandes vacances a déjà sonné et que Paris se vide peu à peu, courez au Golden Poppy.
Le conseil en plus ?
Considérez attentivement l’option d’aller faire un saut au musée Banksy voisin en fin d‘après-midi, puis de profiter d’un cocktail sur le rooftop de la Fantaisie à l’apéro, en demandant le côté herbe (sous les pieds). Fin de journée exceptionnelle garantie. Ça, c’est Paris.