On a testé le tout nouveau restaurant Alain Ducasse Baccarat

À la minute où Alain Ducasse, collectionneur Baccarat depuis des lustres, a appris que sa présidente, Maggie Henriquez, souhaitait repenser la sublime vitrine de la place des États-Unis, il s'est mis en tête de lui proposer un programme artistique complet, au croisement de l'art, de l'artisanat et du restaurant gastronomique. Avec un nouveau fil directeur, comme un manifeste du nouveau luxe : la joie. 

Maison Baccarat, nouvelle « maison des artistes » en plein cœur du 16^ème ? Et, pourquoi pas ! 

L'art à tous les étages

Après Marie-Laure de Noailles qui y en fit un salon couru de tous les artistes de l'époque, où elle donna les plus belles fêtes de Paris dans les années 1920 (sa salle de bal est un joyau) et Philippe Starck qui la propulsa dans le futur il y a tout juste vingt ans, la Maison Baccarat semble vouloir aujourd'hui s'inscrire durablement dans le présent. Pour cela, elle fait appel à un collectif d'artistes contemporains chargés de magnifier son écrin et son savoir-faire. Et c'est très réussi. Suivez le guide. 

Dès l’entrée, le chouchou de la mode Harry Nuriev réinterprète les savoir-faire des maîtres-verriers sous forme de gravures dans la pierre de taille et installera bientôt des chefs-d’œuvre de la collection patrimoniale de Baccarat dans des réfrigérateurs (!), comme pour en conserver l’ADN. À quelques pas de là, une chapelle de lumière, œuvre immersive du vitrailliste MOF Pierre Tatin. Puis, au pied de l’escalier d’honneur, le Vase Monumental imaginé par le designer Marcel Wanders, des sculptures tout aussi monumentales, mais en chêne brut, de Jean-Guillaume Mathiaut, et le lustre Tuzla, composé de 157 lumières et de 9 000 pampilles de cristal, qui illuminent l’escalier principal. Enfin, à l’étage, dans la cave de dégustation, où l'on peut savourer les vins sélectionnés par Bernard Neveu (chef sommelier du Groupe Ducasse), l’œuvre du peintre Gérard Garouste, « Alchimie », soit un dais peint, illustrant les quatre éléments indispensables à la création alchimique du cristal. Grandiose. 

L'art de recevoir

Tout aussi grandiose, la salle à manger, également « rhabillée » par les œuvres de Jean-Guillaume Mathiaut, est beaucoup plus chaleureuse que par le passé. Les verres Baccarat trônent évidemment en majesté, les tables sont suffisamment espacées pour que le secret des conversations soit bien gardé et les arts de la table (passion d'Alain Ducasse), transcrivent parfaitement la notion de luxe décomplexé et joyeux voulue par le nouveau maître des lieux.

Menu unique qui, en ce début d'automne, rend hommage à la Provence et aux souvenirs du chef. Après une mise en bouche « aubergine », place à une « courge, café, féta » d'intersaison, aux « Jardins de Provence » - soit une version déconstruite de la salade niçoise – et à des « navets, roquette, miel » ultra minimalistes. Effectivement, c'est ludique. 

Pour le plat, un « agneau aux épices douces », le chef s'amuse clairement à reprendre les codes du kebab, comme pour enfoncer le clou et rappeler qu'il faut arrêter de se prendre au sérieux. Délicieux dessert autour de la figue. Et chocolats Ducasse avec le café. Que demande le peuple ?

Du rythme (un peu trop ?), du sourire, du plaisir. Un bon déjeuner, en somme. Un regret ? Que le chef Christophe Saintagne n'ait pas imprimé un peu plus sa marque et qu'on ne perçoive pas du tout celle du jeune Robin Schroeder. Mais le restaurant s'appelle « Ducasse Baccarat », donc ce n'est pas très surprenant - au moins pour les premiers temps et pour marquer le changement. 

La carte des vins, présentée dans un superbe maroquin en cuir rouge de Ombrie, permet de sublimer l'ensemble de l'expérience, avec des vins raisonnés ou carrément déraisonnables. Sans oublier les cocktails de Margot Lecarpentier qu'on peut déguster à table.

On nous susurre que Ducasse Baccarat renouera bientôt avec sa tradition de salon et accueillera bientôt des artistes, un soir par mois, dans l’emblématique salle de bal. Au menu, concert, conversations, conférences, performances et signatures pour explorer la littérature, la mode, la musique, les arts de vivre, le théâtre…  Première prévue le 17 octobre. 

Menu déjeuner 90€ 
Menu dîner 240€ / Accord mets et vins 160€

Ce qu'il faut retenir ?

Une très belle mise en bouche que cette première expérience, dans l'imposante salle à manger Baccarat, revue et améliorée par Alain Ducasse et ses comparses. Au déjeuner, une affaire rondement menée pour cadres pressés, adeptes du beau, du bon et du contemporain bon teint. Les amoureux gastronomes, quant à eux, reviendront au dîner pour faire tinter leur cristal et se chuchoter des promesses d'éternité. Les esthètes curieux - mais un poil plus fauchés - se donneront rendez-vous au bar Midi-Minuit, piloté par la surdouée Margot Lecarpentier pour siroter l'un de ses cocktails inspirés. En un mot, un lieu multiple, qu'on peut s'approprier fonction de l'heure, de l'envie et du budget. Bien vu, bien joué ! 

Alain Ducasse Baccarat
11, place des États-Unis, 75116 Paris
Ouvert tous les jours, au déjeuner et au dîner 
ducasse-baccarat-paris.com/fr