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Mathieu BelayMathieu Belay, Le jeudi 27 juillet 2017
Food

Pourquoi le champagne Salon est l’un des plus réputés au monde

À l'occasion de la sortie de son millésime 2006, nous revenons sur l’histoire prestigieuse de Salon, discrète maison de champagne, méconnue du grand public, adulée des connaisseurs. Son champagne est considéré comme l'un des meilleurs que l'on puisse imaginer.
  • Le millésime 2002 de la Maison Salon, l'une des plus prestigieuses de champagne © Salon & Delamotte
    Le millésime 2002 de la Maison Salon, l'une des plus prestigieuses de champagne © Salon & Delamotte
  • Les bouteilles de champagne Salon dans leur cave champenoise © Leif Carlsson
    Les bouteilles de champagne Salon dans leur cave champenoise © Leif Carlsson
  • Une caisse de Salon, prête à l'expédition © Salon & Delamotte
    Une caisse de Salon, prête à l'expédition © Salon & Delamotte
Enrico Bernardo, « Meilleur sommelier du monde 2004 », décrit le millésime du champagne Salon 1966 comme faisant partie « des plus grands champagnes jamais goutés ».

Dom Pérignon, Cristal chez Roederer, Dom Ruinart, La Grande Année de Bollinger, Grande Dame pour Veuve Clicquot, les champagnes millésimés, provenant d'une seule et même année et ayant une réelle singularité, sont considérés comme les fleurons de gamme des grandes maisons de champagne. C’est de cette exception qu’est née la Maison de champagne Salon, à l’origine de champagnes parmi les plus prestigieux au monde. Dans l’ouvrage, L’Impossible Collection des Vins, Les 100 Crus les plus exceptionnels du XXème siècle (Ultimate Collection d’Assouline ; Édition limitée, reliée, présentée dans une caisse en bois), Enrico Bernardo (« Meilleur sommelier du monde 2004 », ancien sommelier au Cinq au Four Seasons George V, l’une des plus belles caves de Paris) décrit le millésime du champagne Salon 1966 comme faisant partie « des plus grands champagnes jamais goutés ». Le sommelier italien  loue « un champagne tout en équilibre […], délicat et subtil – signe de perfection absolue. ». Une question se pose alors : quelle histoire se cache derrière Salon, cette discrète maison de champagne, méconnue du grand public, adulée des connaisseurs ?
 

  • Le millésime 1966 de Salon dans l’ouvrage L’Impossible Collection des Vins, Les 100 Crus les plus exceptionnels du XXème siècle © YONDER.fr

 

La naissance d’un mythe

Il faut remonter au début du XXème siècle pour retracer les origines de Salon. Eugène-Aimé Salon, fils de charrons champenois et grand épicurien, naviguant entre Paris et New York pour ses affaires, se met en tête de faire son propre champagne, pour sa consommation personnelle et celle de ses amis. Mais attention, pas n’importe quel champagne. Il est décidé que le sien serait fait sans assemblage, à partir des vignes de quelques parcelles réputées du Mesnil-sur-Oger, au cœur de la côte des Blancs, région où le vin de Champagne est élaboré avec un seul cépage, le chardonnay.

Premier millésime connu en 1905, le succès de la production de cet amoureux du champagne est immédiat. En 1920, la Maison Salon est créée pour élargir le cercle de clients qui dépasse désormais largement le premier cercle d’amis du Champenois. Durant les Années folles qui suivront, le champagne Salon est adopté par Maxim’s, alors l’une des tables les plus prestigieuses de la capitale. Maxim's en fait son champagne maison. En 1928, année d’un millésime resté dans les annales, il sera décidé de ne commercialiser le champagne que lors d’années exceptionnelles. Une année sur trois en moyenne. Un rythme inchangé près d’un siècle plus tard. Ce niveau d’intransigeance rare dans l’industrie vinicole, associé à une production, de facto, ultra limitée fait naître la légende de Salon.

  • Portrait d'Eugène-Aimé Salon © DR
  • Les vignes de la Maison Salon au Mesnil-sur-Oger © Serge Chapuis

 

La Maison ne produit en effet qu’un seul vin, millésimé, tête de cuvée, Blanc de blancs, provenant du jardin Salon et de 19 autres parcelles du Mesnil-sur-Oger.

 

« Un cépage, un millésime, un terroir »

En quoi les champagnes Salon se distinguent-ils des autres maisons ? Pour Xavier Thuizat, chef sommelier à l’Hôtel de Crillon, « Salon est l’interprétation de la Champagne dans son expression la plus pure, la plus fine. C’est l’identité d’une grande commune, peut-être la plus grande qui existe en champagne, Le Mesnil-sur-Oger ». Derrière cette notion de « pureté », il y a la spécificité de l’élaboration de Salon. « Tout n’est qu’un. Un cépage, un millésime, un terroir », résume Didier Depond, Président de Salon depuis vingt ans désormais. La Maison ne produit en effet qu’un seul vin, millésimé, tête de cuvée, Blanc de blancs (c’est à dire uniquement produit à partir de cépages chardonnay), provenant du jardin Salon et de 19 autres parcelles du Mesnil-sur-Oger. À l’extrême opposé d’un champagne millésimé comme Le Grand Siècle de Laurent-Perrier [le groupe Laurent-Perrier est propriétaire de Salon depuis 1988, NDLR] qui est un pur produit d’assemblage, élaboré à partir de cent vins et de trois millésimes, dans la grande tradition de l’art champenois. Et avec désormais près de quatorze ans de vieillissement, contre dix ans dans les années 1990, Salon sait prendre son temps. Ce qui permet d’obtenir des vins « d’une propreté et d’une netteté » supérieures à la concurrence.
 

  • Portrait de Didier Depond, Président de Salon & Delamotte depuis 1997 © DR

 

Salon, un champagne rare

Salon se distingue aussi par sa rareté. Avec une production limitée à quelques dizaines de milliers de bouteilles tous les trois ans, à mettre en rapport avec une production annuelle dépassant les 300 millions de bouteilles pour l’appellation champagne, la maison est « une goutte dans l’océan du champagne », pour reprendre la formule de Didier Depond. Ce qui fait vivre au Président de la maison des situations cocasses et peu habituelles dans le monde des affaires. Comme refuser à un richissime client chinois une commande faramineuse de son prestigieux champagne. Malgré son insistance et toute sa fortune, il repartira avec la promesse de recevoir quelques dizaines de bouteilles, le maximum qui puisse être délivré à un client privé.

  • Champagne Salon millésime 1999 © DR
  • Champagne Salon millésime 2006, le dernier à être disponible sur le marché © DR

 

« Salon est à la carte de la quasi-totalité des 2 et 3 étoiles parisiens. »

 

Où boire les champagnes millésimés de la Maison Salon ?

« 95% de notre production part à l’export », prévient d’emblée Didier Depond, soulignant que le Japon est le premier marché de la maison, avec un volume significatif de bouteilles partant vers le pays du Soleil-Levant. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si Salon est le champagne servi à bord de la First Class de la compagnie nippone JAL. « Les Japonais adorent les vins purs, cristallins et minéraux » souligne Xavier Thuizat, le chef sommelier du Crillon et fin connaisseur de la culture gastronomique japonaise. Le Président de Salon explique quant à lui que « Salon et Delamotte sont devenus des icônes au Japon » car le public local comprend la démarche des deux maisons. « Des vins droits, sans concession, qui ne sont en aucun cas adaptés à un marché ou un goût en particulier ».

Pour autant, les amateurs français ne sont pas en reste. « Salon est à la carte de la quasi-totalité des 2 et 3 étoiles parisiens. Au total, plusieurs dizaines de tables en France le proposent ». Les grands cavistes, tout comme les sites spécialisés dans la vente en ligne de champagne, ne sont pas en reste pour ceux souhaitant acheter des bouteilles au détail dans l'Hexagone.

  • Le bouchon d’une bouteille Salon © Salon & Delamotte


Delamotte, la Maison « sœur » de Salon

S’il n’est pas donné à tout le monde de boire du Salon (les bouteilles ne se négocient pas en deçà de 390€ pour 75cl d’un millésime récent), les champagnes de la Maison Delamotte constituent une alternative nettement plus raisonnable pour le commun des mortels. Les deux Maisons ont en effet associé leurs destinées en 1988, sous la houlette du groupe Laurent-Perrier. « Les vins de Delamotte sont extraordinaires et extrêmement accessibles » pour Didier Depond, qui chapote les deux maisons « sœurs », toutes les deux installées au Mesnil-sur-Oger. Contrairement à Salon, Delamotte a déjà une très longue histoire, puisque la maison, fondée en 1760, est la cinquième plus ancienne des maisons champenoises. Et contrairement à Salon, Delamotte n’est ni uniquement millésimé, ni exclusivement mono-cépage. On retrouve ainsi une gamme composée de Brut (55% de chardonnay, 35% de pinot noir et 10% de pinot meunier), de Blanc de blancs (100% chardonnay), millésimé ou non, et même une petite production de Rosé (assemblage de pinot noir en majorité et de Chardonnay). Le tout à des tarifs effectivement très abordables puisqu’on trouve le Brut à moins de 30€ par bouteille. Et le Blanc de blanc non millésimé dès 35€. Largement moins cher que des champagnes de maisons plus en vue.

  • Delamotte Blanc de blancs millésime 2007 © Salon & Delamotte
  • La Maison Delamotte au Mesnil-sur-Oger en Champagne © Salon & Delamotte

 

3 conseils pour bien déguster un champagne Salon

  1. Le servir dans le bon verre adéquat ! Oubliez les flûtes et les coupes, la seule forme de verre qui vaille pour déguster de grands champagnes est le verre tulipe.
  2. L’accompagner des meilleurs mets : des noix de Saint-Jacques poêlées au beurre salé, des champignons (comme le plat signature de Christopher Hache au Crillon) mais aussi des fromages, pouligny-saint-pierre, un fromage de chèvre berrichon sec, un comté affiné ou même un vieux parmesan ! Il ne s’agit que de quelques suggestions de Didier Depond, il existe évidemment de très nombreux autres accords pertinents et gourmands.
  3. Le partager avec les bonnes personnes ! Un champagne de cette trempe ne peut être pleinement qu’apprécié qu’en étant entouré de ceux qui nous sont le plus chers.