Les 50 meilleurs restaurants de Paris #9 : Le Cinq (chef Christian Le Squer)
Après nous être enthousiasmé au sujet de la cuisine de feeling de William Ledeuil, on retourne naviguer dans l’univers très codifié de la haute cuisine française. Direction Le Cinq, monument de la gastronomie parisienne au sein du Four Seasons George V désormais incarné par le chef breton triplement étoilé Christian Le Squer.
Le pitch : la rencontre réussie de Christian Le Squer et du Cinq
Une idylle est née entre l’une des tables prestigieuses parisiennes, Le Cinq, fleuron gastronomique du Four Seasons George V et l’un des chefs français les plus talentueux de sa génération, Christian Le Squer.
Malgré tout son talent, Eric Briffard, le prédécesseur de Le Squer n’avait jamais réussi à porter au firmament de la gastronomie française le restaurant du palace de l’avenue George V. Année après année, la récompense suprême – les fameuses trois-étoiles Michelin – lui échappait. Car l’établissement, fréquenté par le gotha mondial et régulièrement classé parmi les plus beaux hôtels du monde, n’a jamais caché sa volonté de récupérer la troisième étoile que Philippe Legendre avait su conquérir en 2002. Quoi de plus normal après tout, lorsque l’on est une référence absolue dans l’hospitalité de luxe, de vouloir offrir à ses hôtes ce qu’il y a meilleur en termes de cuisine française ?
L’arrivée à la fin 2014 de Christian Le Squer aux commandes du vaisseau amiral du palace s’apparentait ainsi à un mariage de raison. Le chef, après avoir été triplement étoilé douze années de suite au Pavillon Ledoyen cherchait un nouveau défi. Le Four Seasons, de son côté, était en quête d’un chef capable de faire du Cinq une table de classe mondiale. Dans l’enceinte du Four Seasons, le chef breton aurait non seulement la logistique nécessaire pour donner à vie à sa formidable cuisine mais aussi tous les outils pour le faire savoir au monde entier !
Pourtant, réduire la venue de Christian Le Squer à un arrangement win-win pour les deux parties serait tristement terre-à-terre. La rencontre de ce géant méconnu de la haute cuisine française avec l’une des plus beaux restaurants de la capitale fait depuis dix-huit mois maintenant des étincelles. Celui qui est tombé dans la marmite culinaire à peine adolescent, alors qu’il voguait sur les chalutiers en partance pour Terre-Neuve, enchante les papilles des gourmets de tout poil. Il se plaît à « redessiner l’art de manger dans un palace » comme il l’explique lui-même avec gourmandise. Et n’hésite pas à prendre des risques mettant à la carte des produits éloignés de l’univers luxueux des palaces. S’inscrivant dans la tradition culinaire française tout en la dépoussiérant, innovant en permanence sans jamais s’abandonner à une cuisine d’avant-garde vaine, Christian Le Squer bluffe tout ce que la sphère gastronomique compte d’experts et de connaisseurs. Y compris les guides qui saluent la performance de l’artiste. Le Gault & Millau lui attribue 19/20 et cinq toques. Quant au Guide Rouge, il a finalement permis à l’ancien moussaillon de retrouver sa bonne étoile. La troisième. Celle qui permet au Cinq de prétendre, sans fausse modestie, être l’une des meilleures tables du monde.
Dans l’assiette
Difficile de ne pas faire le panégyrique de Christian Le Squer tant ce dernier livre une prestation magistrale au Cinq. En bon Breton, il rend un hommage permanent à ses terres natales, revisitant le kouign-amann (en apéritif), sublimant les langoustines (bretonnes, forcément), jouant avec le sarrasin, s’amusant avec le lait ribot de son enfance tout en n’oubliant pas les clins d’œil à la Ville Lumière comme en témoigne l’une de ces créations phares depuis son arrivée. Sa gratinée d’oignons à la parisienne revisitée avec élégance et technicité, arrosée d’un fabuleux Madère 1985 en harmonie parfaite, fait sensation. Il y a de quoi. Il faut faire éclater en bouche ces sphères parfaites, concentré éblouissant d'une gratinée traditionnelle, pour le croire.
Christian Le Squer, cuisinier virtuose et créateur espiègle, joue habilement avec les émotions. Il n’hésite pas à puiser dans le registre des souvenirs culinaires de ses hôtes pour mieux les épater. Les spaghettis en timbale truffée, jambon blanc et champignons ? Une manière astucieuse de magnifier les pâtes au jambon que nous avons tous mangées dans notre prime enfance. Le bar de ligne au lait ribot et caviar ? Un voyage spatio-temporel à destination de la Bretagne qui l'a vu grandir. Tout au long de la dégustation, on découvre avec un bonheur non dissimulé une cuisine extrêmement aboutie, limpide, porteuse d'émotions.
Ni micro-portions ni menus basés sur une succession de plats fugaces, le chef du Cinq propose des assiettes belles, généreuses, mémorables. Des assiettes où l’on revient avec toujours plus de plaisir, bouchée après bouchée. Des assiettes avec une longueur en bouche exceptionnelle. La très grande force de Christian Le Squer ? Une capacité à inventer des plats – et des accords mets-vins avec le concours d’Éric Beaumard, l’incontournable sommelier et directeur du restaurant - dont on se souviendra encore longtemps après avoir les avoir goûtées. La signature d’un très grand chef, bien au-delà de toute autre considération.
Découvrez notre entretien complet avec Christian Le Squer pour en savoir plus sur son parcours, ses inspirations et sa vision.
Dans la salle
Depuis sa rénovation au tournant du siècle supervisée par l’inévitable Pierre-Yves Rochon, la salle à manger du Cinq peut s’enorgueillir d’être l’une des plus fastueuses que compte la capitale. Avec ses volumes impressionnants, sa décoration néoclassique (colonnes altières, moulures, tableaux, armoires Louis XIV, chaises médaillon Louis XVI dorées à la feuille…) et ses compositions florales signées Jeff Leatham, la salle, majestueuse à souhait, peut sembler intimidante au premier abord. Ce n’est effectivement pas tous les jours que l’on a l’occasion de déjeuner ou de dîner dans un tel décor. Il faut savoir s’affranchir de cette première impression pour profiter des lieux et de son agrément hors norme.
Le service
Tel un ballet parfaitement réglé, les équipes en salle livrent un service de grande classe, perpétuant avec élégance un certain art de vivre à la française. Mais le plus frappant est très certainement l’enthousiasme et la capacité des maîtres d’hôtels et sommeliers à créer une proximité avec les convives, loin de toute obséquiosité ou de toute forme de condescendance. Il ne s’agit pas seulement de servir ou de desservir la table. Il s’agit de se faire le messager de la cuisine de Christian Le Squer et de sa brigade. Un travail remarquable.
L’addition
Menus en quatre et six séquences à respectivement 145 et 210€ au déjeuner. Au dîner, la ballade gourmande de Christian Le Squer se négocie à 310€ tandis qu’à la carte, un repas entrée, plat, dessert reviendra à environ 250€, sans les boissons. Si ces montants peuvent paraître élevés, il convient de mettre en balance ce qui est proposé : produits d’exception, sublime cuisine de créateur, décor fastueux et service de classe mondiale.
Le mot de la fin
À propos du Cinq, le chroniqueur gastronomique Nicolas de Rabaudy écrivait qu’il était « l’alpha et l’oméga de la civilisation de la table telle que l’envisageaient Brillat-Savarin et André Malraux ». On ne peut qu’être d’accord tant le restaurant du palace de l’avenue George V incarne la tradition gastronomique française dans ce qu’elle a de plus aboutie. C'est dans cet écrin à la hauteur de son talent que Christian Le Squer propose une cuisine de haute volée, tout à la fois sincère, lisible, émouvante. À l’image des plus grands couturiers ou des parfumeurs de légende, le nouveau patron du Cinq parvient à humer l’air du temps pour créer des plats intemporels. Du grand art.
PRATIQUE
Le Cinq
Au Four Seasons George V
31 Avenue George V
Paris 8ème - France
Tél. : + 33 1 49 52 71 54
E-mail : LECINQ.PAR@FOURSEASONS.COM
Informations sur le site Web du Restaurant Le Cinq.