On a testé Passage 53, le deux-étoiles le plus intimiste de Paris
Le contexte
Déjeuner le vendredi 6 novembre 2015, deux convives.
Le pitch : un restaurant de poche à l’ascenscion éclair
Passage 53 c’est d’abord l’histoire de deux hommes. D’un côté, le jeune Guillaume Guedj, directeur de salle et accessoirement gendre du boucher star Hugo Desnoyer. De l’autre Shinishi Sato, chef originaire de l’Île d’Hokkaido (Japon) passé par les cuisines de l’Astrance, son « plus grand choc gustatif et esthétique » lorsqu’il y vint pour la première fois). En 2010, les deux s’associent pour ouvrir une discrète table dans le passage des Panoramas à Paris, à mi-chemin entre le néobistrot et le gastro zen.
Rapidement les critiques s’enthousiasment. Gilles Pudlowski et François Simon évoquent tour à tour l’une de leurs tables de l’année tandis que le Michelin s’intéresse de près à cette table d’un genre nouveau pour Paris. On murmure alors que Jean-Luc Naret, l’ancien patron médiatique du Guide Michelin, aperçu à de nombreuses reprises à déjeuner ou dîner dans le passage, en avait fait sa table parisienne préférée. La consécration officielle arrive rapidement puisque Passage 53 se voit décerner deux étoiles par le Guide Rouge dès 2011, seulement un an après avoir gagné sa première étoile. Rarement un restaurant n'avait connu pareille ascension.
Cinq années plus tard, le buzz autour de ce restaurant de poche (20 couverts seulement) est légèrement retombé. Les réservations sont plus faciles à obtenir. L’adresse, désormais membre des Relais & Châteaux, est bien installé sur la scène gastronomique parisienne.
Dans l’assiette
Pas de carte au Passage 53 mais un menu du jour, qui, dans la plus pure tradition nippone, propose un menu omakase, (NLDR : expression japonaise qui signifie : « Je m'en remets à vous »), véritable carte blanche donnée à Sato Shinishi qui réimagine chaque jour une histoire différente en fonction des produits du marché, de la saison... et de ses envies.
Après avoir signalé une allergie aux noix de Saint-Jacques (fort heureusement car elles étaient au programme en ce vendredi 6 novembre), on opte pour le menu déjeuner en quatre séquences (entrée, poisson, viande, dessert) plutôt que pour le menu dégustation en huit services.
En guise d’amuse-bouche arrive alors un velouté de potiron surmonté d’une mousse de café au lait. Une étonnante juxtaposition qui donne le la pour le reste du déjeuner : une cuisine légère et précise, aérienne et créative. Une légèreté que l’on retrouve d’ailleurs dans la vaisselle en céramique flamande aussi légère qu’esthétique qui avait attiré notre attention dès notre arrivée à table.
Première entrée et premier choc visuel. L’Assiette Blanche, l’un des plats signatures de la maison depuis sa création, décline choux-fleurs (copeaux et crèmes) et calmar dans un plat aussi réussi visuellement que gustativement. Et pourtant le calmar n’est pas forcément un produit que l'on affectionne particulièrement...
Les Saint-Jacques qui devaient suivre ont été remplacées au pied levé par un superbe filet de lotte cuit à basse température. La chair du poisson a conservé son aspect nacré, preuve d’une cuisson parfaite. Le poisson est accompagné d’artichauts poivrades et de petits champignons blancs. C’est indéniablement réussi mais cela nous semble manquer d’un poil d’originalité.
Même sensation sur la prochaine séquence, une poularde de Bresse croquante à l’extérieur, fondante à l’intérieur, servie avec une sauce aux cèpes et des cèpes de saison. La cuisson de la volaille est impeccable, évoquant une version gastronomique de certains chicken rice avalés avec gourmandie en Asie. La sauce est royale. Les cèpes, particulièrement bienvenus en plein automne. Pourtant on ne peut s’empêcher de penser qu’il manque un petit quelque chose à l’assiette pour la sublimer.
Enfin les desserts. Un duo de desserts plus exactement puisque l’on voit arriver simultanément une délicieuse crème brûlée à la fleur de sureau sur une crème d’acacias et sorbet de miel. Ce premier dessert à haute teneur créative est accompagnée d’une tartelette chocolat noir d’une rare finesse, là encore l’un des plats signatures de la maison.
Notre déjeuner s’achève autour d’un espresso et de quelques délicieuses madeleines. Notre sentiment ? La satisfaction d’un repas de haut niveau se mêle à une petite part de frustration. Celle d’avoir vu des plats principaux globalement moins créatifs que les très réussis hors-d’œuvres, entrées et desserts. Celle aussi d’être passés à côté de choses intéressantes dans le menu dégustation huit séquences… Il faudra revenir !
La carte des vins
On s’est contentés d’un verre de Meursault 2013, formidable, idéal pour accompagner l’assiette blanche et la lotte, difficile de donner un avis global sur la carte des vins. Mais on retiendra l’idée intéressante d’un accord mets-vins dynamique : en fonction du rythme auquel vous buvez, de nouveaux vins vous sont apportés en conséquence. Une bonne idée qui permet d’éviter le côté mécanique d’une assiette, un verre.
A noter également la présence de l’excellentissime champagne Selosse (Jacques Selosse à qui l’on doit le non moins excellent hôtel-restaurant Les Avisés en Champagne).
Dans la salle
Décor minimaliste, épuré, presque immaculé dans une salle intimiste (une vingtaine de couverts seulement) en rez-de-passage, habilement séparé du flot de badauds par un sobre rideau blanc. Une salle plaisante, idéale pour un moment à deux. Evidemment moins adaptée pour une tablée plus importante.
Les tables gagneraient à être un peu plus espacées mais n’oublions pas que nous sommes installés à Paris, qui plus est dans un espace hérité du XIXème siècle.
Mention spéciale à la vaisselle, issue d’une maison flamande de céramique, contribuant à mettre en valeur le contenu de l’assiette. Des céramiques qui servent également à « habiller » la salle, au mur et au plafond.
Le service
Professionnel, souriant, pas obséquieux pour un sou tout en respectant les codes d’une table gastronomique. Un sans faute de notre point de vue. Pour certains, les suggestions du serveur (apéritif, vins, supplément truffe blanche…) ont un côté « pousse à la consommation ». Ce n’est pas notre avis.
L'addition
Menu déjeuner en quatre séquences à 60€, menu dégustation complet - servi au déjeuner comme au dîner - à 140€ ce qui semble raisonnable compte tenu de la qualité globale de l’expérience.
Verres de vin à partir de 18€ et pas/peu de bouteilles à moins de 100€… Attention donc à ne pas voir l’addition s’envoler si vous levez un peu trop le coude.
Notre verdict
Malgré une légère frustration, ce déjeuner au Passage 53 était à la hauteur des attentes suscitées par les commentaires élogieux des critiques gastronomiques. Très beaux produits, cuissons millimétrées, dressages créatifs, service soigné, cadre plaisant: l’expérience est bien celle d’une très grande table. Ne manque que quelques « grandes assiettes » pour passer un cap. On en est maintenant persuadés. Il faudra revenir goûter le menu dégustation dans sa totalité.
Mais la formule ne séduira pas forcément tout le monde. L’absence de choix dans le menu ou la taille réduite des portions (parfaite pour notre appétit mais cela ne sera pas forcément l’avis de tout le monde) pourra en rebuter certains.
Pratique
Passage 53
53 Passage des Panoramas, Paris 2ème
Métro : Grands Boulevards (lignes 8,9), Bourse (ligne 3) / Parking : Place de la Bourse
Accès au passage a: 13 boulevard Montmartre ou 38 rue Vivienne
DÉJEUNER : du mardi au samedi de 12h à 13h (accueil des convives)
DÎNER : du mardi au samedi de 20h à 21h (accueil des convives)
Réservations sur le site Web du restaurant.
Tél : +33 (1 42 33 04 35