On avait connu Christophe Pelé à la Bigarrade à ses débuts. Il défrayait alors la chronique culinaire en proposant des menus forts d’un rapport qualité/prix très raisonnable. Le Michelin ne s’y était pas trompé et avait décerné 2 étoiles en moins de 5 ans d’ouverture. Le restaurant parisien brisait les codes de la haute gastronomie avec sa cuisine de l’instant, inspirée au quotidien du marché et des livraisons de saison. La déco demeurait simple et moderne, le chef facile d’accès avec sa cuisine ouverte sur la salle. Changement de décor au Clarence. Les propriétaires très bordelais de la Mission Haut Brion ont voulu recréer l’atmosphère des fastes d’antan dans un hôtel particulier du bas des Champs-Elysées qui emprunte plus au Taillevent ou au Club anglais du Saint-James qu’aux derniers codes de la modernité. Les classiques, les retraités et les américains apprécieront le décor historique et l’impression d’être reçu à déjeuner chez Napoléon 3. Une ambiance de palais qui contraste avec la cuisine du chef, contemporaine et créative. Les partis-pris d’abord, audacieux et engagés : des produits de nobles origines, avec la mer à l’honneur. Bulot, bouquets, turbot, maquereau, thon…les menus en 3, 5 ou 7 temps font la part belle à l’Océan et ses trésors.
Les accords avec la terre ensuite : le maquereau flanqué d’une fine lamelle d’oreille de cochon, la tomate green zebra qui recouvre cœur de pigeon et ventrèche de thon…le chef, à l’image d’un Olivier Bellin, se plaît à célébrer sa Bretagne natale, ce bras de terre assiégé de bleu où agriculture, élevages de porcs et de volatiles en tout genre, se mêlent à la pêche, aux fumets des crustacés et aux jus corsés des poissons. La structure des créations enfin : comme chez le voisin Pierre Gagnaire ou son émule Florent Pietravalle à Avignon, qui remet aussi en lumière un lieu historique grâce à des assiettes contemporaines, les plats se déclinent en séquences. Comprenez qu’un intitulé couvre en fait 3 créations à chaque fois, servies en portions réduites. Des tapas de luxe en quelque sorte, un bal ininterrompu de « bouchées dégustation ». « Menu en 5 temps » signifie dès lors une quinzaine d’assiettes, précédées de 3 ou 4 amuse-bouche, complétées d’un pré-dessert…Tout est exquis, précis, noble, inventif, canaille aussi. Le turbot courtise le chou-fleur et la tête de sardine croustillante, le pigeon saignant l’épinard, le cassis et l’anchois, la langoustine crue la framboise, l’aubergine se décline avec de la fêta à la sauce tonnato…on butine, on caracole, on s’y perd un peu parfois mais une constante demeure : c’est toujours très bon. On regrette toutefois de ne pas pouvoir planter trois fois de suite sa fourchette dans le même plat, l’enchainement des dégustations imposant des portions (trop ?) réduites. On arrive ainsi facilement à bout d’un festival de saveurs couronné par un service sans faille, attentionné et humain. Une expérience aboutie en somme, et l’une des plus belles adresses actuelles de Paris 8.
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31 Av. Franklin Delano Roosevelt, 75008 Paris