Quand Air France fait cuisiner un chef 2-étoiles à 12,000 mètres d’altitude
Il est un peu plus de 15h50 quand le chef de cabine du vol AF334 fait une annonce singulière aux trente passagers de la Classe Business. Un invité un peu spécial est du voyage. Olivier Bellin, chef deux-étoiles Michelin pour son Auberge des Glazicks à Plomodiern (Finistère) a en effet embarqué à bord du vol reliant Paris-CDG à Boston une heure plus tôt.
Depuis le 1er janvier et jusqu’à la fin mars, ses créations culinaires, mettant à l’honneur la haute cuisine bretonne, sont servies aux passagers de la cabine Business de la compagnie tricolore, sur 82 vols long-courrier et une partie des destinations les plus lointaines du réseau moyen-courrier.
Sauf que cette fois, ce ne sont pas seulement l’équipage qui mettra la main à la pâte pour régaler les voyageurs. C’est le chef en personne qui est s'active dans le galley, la micro-cuisine de l'appareil, pour présenter une entrée réalisée sur mesure pour ce vol exceptionnel ou assurer les finitions de ses plats signatures. Ce sont ces mêmes plats que l’on retrouve au menu des vols Air France au départ de Paris depuis le début de l'année. Ils font suite aux assiettes sophistiquées imaginées par des pointures telles que Michel Roth, Guy Martin, Joël Robuchon ou Anne-Sophie Pic.
Une opportunité « exceptionnelle » pour Olivier Bellin
Avant le vol, Olivier Bellin, ambassadeur ultra respecté de la cuisine bretonne (2-étoiles Michelin pour sa Maison bretonne, et depuis la fin de l’année dernière 1-étoile pour The Ocean by Olivier Bellin à Hong Kong) revient sur la genèse de la collaboration avec Air France et Servair, filiale du groupe Air France-KLM, leader français et troisième acteur mondial du catering.
« La prise de contact avec Air France remonte à il y a plus de deux ans. J’avais proposé mes services à la compagnie, en les incitant à faire davantage confiance à des chefs provinciaux, ambassadeurs de leurs régions » explique la toque bretonne, soulignant le caractère exceptionnel de l'opération. « C'est un grand honneur de cuisiner pour Air France. Certains chefs 3-étoiles aimeraient vivre cette aventure mais n’y arrivent pas » rigole-t-il, se remémorant son premier grand oral stressant - et réussi ! - avec les équipes de Servair.
« Olivier est un chef qui voyage. Avant même que l’on commence à travailler ensemble, il connaissait les contraintes de notre métier. Il avait déjà des idées précises sur ce qu’il pourrait faire et ne pas faire » précise Rudy Faleix, l’un des grands manitous de la conception des menus chez Servair, également du voyage entre Paris et Boston.
Six plats créés spécialement pour Air France
Flan de Saint-Jacques crémé, trompette et champignon de Paris ; épaule d’agneau confit, purée de céleri, semoule de sarrasin ; filet de pintade, épeautre, cranberries, poire rôtie et jus de volaille... Olivier Bellin a en tout imaginé six plats emblématiques de sa cuisine, servis aux passagers de la cabine Business d'Air France en ce début d'année 2018.
« J’ai d’abord présenté dix ou douze propositions de plats dans mon restaurant à Plomodiern. Huit ont d’abord été retenues, puis finalement six. Ce sont ces six recettes qui ont ensuite été mises à l’épreuve de la production dans les centres Servair ».
Ces recettes sélectionnées conjointement par le chef, Air France et Servair, qu’elles sont-elles ? « Elles ne sont pas en tant que telles des plats du restaurant mais elle reprennent des idées de l’Auberge ». Le sarrasin, marqueur fort de la cuisine bretonne très identitaire d’Olivier Bellin, accompagne ainsi deux des six plats. Le Flan de Saint-Jacques crémé ? Il est aussi proche que possible d'un plat signature servi à l’Auberge des Glazicks et reprend même les couleurs du reprend les couleurs du Gwenn ha Du, le drapeau breton ! Quant aux sauces, elles sont au cœur du succès des plats du chef. « La sauce est fondamentale. C’est le dénominateur commun de toutes les assiettes. Elle fait le liant et sert de repère aux passagers qui peuvent être un peu désorientés quand ils dégustent ma cuisineà 12,000 mètres d'altitude ».
Des cuisines de Plomodiern à la cabine d’un avion de ligne…
Peut-on vraiment servir une cuisine de niveau étoilé à bord d’un avion de ligne, à 12,000 mètres d’altitude et avec toutes les contraintes que cela implique ? La réponse est loin d’être évidente.
Les volumes ? Ils sont incomparables. « À l’Auberge, on sert 55 à 60 couverts par jour » rappelle Olivier Bellin, soit l’équivalent de deux cabines Business pleines comme celle du 787-9 Dreamliner du vol AF334. Chaque jour pendant la durée de l’opération, ce ne sont pas moins de 2 500 à 3 000 repas signés du chef qui sont servis à bord des avions Air France. Soit cinquante fois plus que dans son restaurant !
Quant aux contraintes, elles ont été au centre de toutes les discussions lors des allers-retours entre les équipes de Servair et le chef ? « Il était par exemple impossible de préparer un cabillaud badigeonné au beurre d’algue comme je le fais à l'Auberge. On a remplacé le beurre par des paillettes d’algue, on a ajouté un peu d’huile d’olive et opté pour une cuisson sous-vide pour un résultat gustatif très proche de l’original ». Autre exemple frappant, à 12,000 mètres d’altitude, à bord d’une cabine pressurisée, l’eau bout à 90°C, 10 degrés de moins que sur le plancher des vaches !
Est-ce que le chef, régulièrement pressenti pour une troisième étoile, est satisfait du résultat final ? Les plats portant son nom et servis par les équipages d’Air France sont-ils à la hauteur de son exigence implacable ? « Ça a beaucoup évolué pendant tout le processus d'élaboration des plats. Il y a eu des hauts et des bas, mais le résultat final est extrêmement proche de la dégustation initiale à Plomodiern. C’est une vraie réussite » sourit le chef, lors du débrief du vol, visiblement heureux de pouvoir faire rayonner son terroir, celui de Bretagne, en direction des quatre coins du monde.
Des passagers ravis
Ce sont les passagers du vol AF334 du 12 février qui avaient également le sourire, après qu’Olivier Bellin se soit personnellement occupé de préparer leur déjeuner étoilé. Le personnel navigant commercial, également fier d’avoir pu prendre part à ce service hors-norme, interrogé à l’issue du vol, confirme l’enthousiasme de tous les passagers ayant pu goûter la cuisine du chef.
Quelques-uns ont d’ailleurs pris le temps d’aller échanger quelques mots avec le chef avant l’atterrissage à Boston. Sans oublier un voyageur chanceux, tiré au sort et invité à poursuivre l’expérience gastronomique initiée à bord dans le Finistère, se voyant offrir par le chef et Air France une réservation pour deux à l’Auberge des Glazicks !
L'offre culinaire Economy en ligne de mire
Dans un contexte où les passagers Business ou La Première sont de plus en plux chouchoutés (cuisine gastronomique étoilée, service à l’assiette sur certains vols, sélection de grands vins…), une dernière question se pose tout de même : quelle offre culinaire pour les clients des classes Economy et Premium Economy, qui représentent la grande majorité des clients d'Air France ?
Pour la compagnie hexagonale, qui souhaite inscrire la gastronomie au cœur de son ADN, tout en renforçant sa « francité » ,pour mieux se démarquer de la concurrence internationale, la question est clé. « Air France va poursuivre sa montée en gamme. Après La Première et l’offre Business, on a plein de beaux projets pour l’Eco. On a deux ans d’investissement devant nous pour travailler sur ce sujet, notamment pour réintroduire des plats emblématiques de la cuisine française comme la blanquette de veau » expliquent conjointement les équipes d’Air France et de Servair. Voilà qui a le mérite d’être dit.
PRATIQUE
À partir du 1er janvier 2018 et jusqu’au mois de mars, la gastronomie signée Olivier Bellin se déguste en cabine Business d'Air France. Le chef doublement étoilé a imaginé 6 nouveaux plats pour les vols long-courrier Air France au départ de Paris mais aussi à destination d’une partie des escales* du réseau moyen-courrier.
JANVIER
- Epaule d’agneau confit, purée de céleri, semoule de sarrasin
- Flan de Saint-Jacques crémé, trompette et champignon de Paris
FÉVRIER
- Filet de pintade, épeautre cranberries, poire rôtie et jus de volaille citron miel
- Cabillaud aux algues, mimosa de poireaux en vinaigrette, basilic citron
MARS
- Bœuf anchois, conchiglie, carottes et champignons
- Filet de poulet cuit au sarrasin, asperges, céleri, butternut