Tohoku : explorer le nord du Japon, terre de volcans et de samouraïs
Si l’on parle foule, néons et grattes-ciel, rien ne peut battre Tokyo comme cœur pulsant du Japon. Mais si l’on en vient à la nature, alors la région de Tohoku est l'une des grandes gagnantes. Relativement peu peuplée, avec des côtes très découpées et de nombreuses chaînes de montagne, ses habitants se sont installés de manière originale : à l’intérieur des terres, en pratiquant l’agriculture plutôt que la pêche. Isolée du pouvoir central, la région a développé une histoire peuplée de forteresses et de samouraïs rebelles, cultivant ses traditions artisanales et gastronomiques avec fierté. La beauté de ses paysages, façonnés par des volcans propices à l’établissement de villages thermaux, parachève la description des atouts d’une région singulière, dont la capitale, Sendai, ne se situe qu’à 1h40 de Tokyo en Shinkansen.
Tohoku, une région volcanique...
Le Japon est une montagne dans la mer, aux multiples volcans et avec trois quarts du territoire vallonnés. Mais l’emblématique Mont Fuji, qui culmine à 3,776 mètres d’altitude, n’est pas le seul volcan remarquable. Dans la préfecture de Miyagi à Tohoku, après une montée en lacets étroits et parmi une forêt aux couleurs chatoyantes en automne, on arrive au cratère d’Okama, impressionnante cuvette bleu turquoise qui abritant un lac volcanique. Parce que le bleu de ses eaux change selon les saisons et les moments de la journée, il est surnommé « le lac aux cinq couleurs ».
... peuplée de stations thermales
Ce volcanisme fort à Tohoku est propice à l’apparition d’une multitude de sources thermales naturellement chauffées et aux différentes propriétés thérapeutiques. Les montagnes abritent de nombreux villages thermaux, parmi lesquels Ginzan Onsen. Situé sur une ancienne mine d’argent, cette localité piétonne toute en longueur cultive une ambiance de début du siècle avec sa rivière centrale et des ponts romantiques, son éclairage au gaz et ses bâtiments en bois. La seule touche de modernité est l’hôtel Fujiya Ryokan dessiné par l’architecte Kengo Kuma. Un voyage hors du temps, où les passants déambulent vêtus de leurs yukatas avant de se détendre dans les bains chauds au milieu de la nature.
Juste à côté du cratère d’Okama se situe le village de Zaô onsen. Ses sources auraient été découvertes il y a 1,900 ans par un guerrier dont les blessures furent immédiatement guéries par les eaux acides et sulfureuses s’échappant du Mont Zaō. De nos jours, cette station de sport d’hiver populaire à Tohoku est reconnue pour ses maisons de bains traditionnelles (onsen) et ses ryokans, ainsi que pour le rotenburo ou bain en plein air, où se baigner à l’air libre dans les eaux blanches soufrées et entre les arbres.
Où dormir dans les environs ?
Au Zao Onsen Kinosato, les chambres au style japonais avec tatami et futon sont ouvertes sur la montagne et au pied des pistes. Un bain intérieur et un autre extérieur entièrement en bois permettent de profiter des bienfaits de l’eau sulfureuse, réputée pour la peau. Au dîner et au petit déjeuner, les repas formidables rassemblent toutes les spécialités locales dont le boeuf de Yonezawa, qui égale en raffinement ceux de Kobé et Matsusaka.
Zao Onsen Kinosato
Testé et approuvé par YONDER
271-1 Zaoonsen, Yamagata, Japon
Tendo, ville des échecs japonais
Le « jeu des généraux », ou shōgi, fait la réputation de la petite ville de Tendō à l’échelle nationale. C’est d’ici que proviennent 95% des pièces, dont l’industrie s’est développée à la fin de l’époque Edo. Dans l’entreprise Nakajima Kiyoshichi, ouverte en 1908, Mr. Nakajima représente la quatrième génération à fabriquer à la main ces petits objets en bois. Après trois années de séchage, le bois de buis, camélia ou érable est découpé en biseau, puis poncé, et le caractère qui représente la pièce est apposé à sa surface.
L'essence du bois, le type de caractère (peint, gravé ou laqué) et d’écriture (simplifiée ou non, à angle droits ou arrondis) détermine la valeur d’un jeu. Certains prix sont vertigineux, mais les joueurs professionnels sont très attentifs au supplément d’âme que le travail manuel de l’artisan, alliant la force de la menuiserie et la minutie de la peinture, apporte aux pièces.
Atelier Nakajima Kiyoshichi (中島清吉商店)
2丁目-2-2 田鶴町 Tendō, Yamagata
Pour découvrir les hommes et les femmes qui font l'artisanat au Japon, continuez le voyage dans la région du Kansai.
Le musée d'art de Hiroshige
Juste à côté de l’atelier se trouve le musée consacré à Utagawa Hiroshige (Coup de cœur de la rédaction), célèbre dessinateur de la période d’Edo, qui rivalise avec Hokusai dans ses deux séries les plus connues des Cent vues d'Edo et Les Cinquante-trois Stations du Tōkaidō. Pour comprendre les sources d’inspiration de ces maîtres des estampes, rien de tel que d’admirer le paysage depuis le temple Risshakuji, qui domine la ville en haut d’un escalier de plus de 1,000 marches. Accrochés à la falaise, il offre une vue imprenable sur la plaine et les montagnes de Tohoku à l’horizon, et se compose de superbes sanctuaires et de lanternes en pierre parsemés au milieu d’une forêt de cèdres.
Où déjeuner ?
Dans le calme du restaurant design Tendoso Garden Cafe, le menu du jour change quotidiennement et offre le choix entre poisson et viande. Dans l’assiette, des produits régionaux comme le boeuf de Yamagata ou les fruits de mer de Shonai. De nombreuses pâtisseries sont disponibles en dessert ou toute la journée pour le café, et il est possible de réserver une cérémonie du thé.
Tendoso Garden Cafe (天童荘ガーデン・カフェ)
Testé et approuvé par YONDER
2丁目-2-18 鎌田 Tendō, +81 23-616-5670
Des paysages grandioses et des couleurs éclatantes à l'automne
La religion shinto, qui vénère les éléments naturels ou les magnifiques estampes paysagères, témoigne de l’admiration des Japonais pour la nature. La région de Tohoku, la moins densément peuplée de l’archipel après l'île d’Hokkaido, présente des paysages grandioses. Ses six préfectures ne sont pas avares en montagnes, plages et rivières impressionnantes comme le marais d’Oze-gahara à Fukushima, la plage de Jodogahama à Iwate, la baie de Matsushima à Miyagi ou les Monts Hakkōda dans la préfecture d’Aomori. En automne, les montagnes de Tohoku se parent des couleurs éclatantes des cèdres, érables, ginkgos et cerisiers, pour le plus grand bonheur des Japonais qui raffolent de la « chasse aux feuilles rouges » ou momijigari.
Ces couleurs chaudes côtoient les reflets changeants des lacs de Goshikinuma (Coup de cœur de la rédaction), dans la préfecture de Fukushima. L’éruption du Mont Bandai il y a plus d’un siècle a détourné les eaux d’une rivière et créé plus de trente lacs et étangs aux couleurs différentes. Du bleu profond au turquoise ou au cobalt, leur teinte change au gré des saisons, influencée par les minéraux volcaniques. Des sentiers de randonnée comme le Goshikinuma Ponds Nature Trail relient les lacs entre eux, et il est possible de louer des barques pour naviguer à la rame et observer les carpes koï colorées.
Le « royaume des fruits »
Malgré son territoire montagneux et la rudesse hivernale du climat, Tohoku est le grenier du Japon, avec des rizières et des champs d’arbres fruitiers fournissant depuis des siècles les marchés des grandes villes jusqu’au sud du pays. Les cerises, le raisin, les poires, les fraises de Yamagata et les pommes d’Aomori sont particulièrement réputés.
Mais le peu d’espace réservé à la culture des fruits, la main d’oeuvre chère et les critères esthétiques drastiques font exploser le prix des fruits qui deviennent des produits de luxe (jusqu’à 25€ pour douze fraises !). On comprend mieux la fierté de l’agriculteur nous offrant une pomme sans le moindre défaut, ronde, brillante et sucrée, de la variété Fuji. Les paysans de Tohoku ouvrent leurs vergers aux familles qui, en échange d’un droit d’entrée, sont autorisées à cueillir et manger sur place le fruit de leur travail.
Tohoku, terre de samouraïs
Tohoku est riche d’un patrimoine artistique et architectural évoquant son histoire pluricentenaire. Relativement éloignée du pouvoir central d’Edo (l’ancien nom de Tokyo), Tohoku a vu ses daimyôs (gouverneurs au Moyen Âge) et samouraïs prospérer, laissant derrière eux leurs forteresses, maisons et coutumes.
À Kakunodate, fondée en 1620, la ville est partagée entre le quartier d’Uchimachi où habitaient les samouraïs, et Tomachi, siège des marchands. Dans la « petite Kyoto du Tohoku » comme on surnomme cette ville empreinte d’une atmosphère d’antan, les maisons de samouraï de l’Ère Edo n’ont pas été influencées par la modernisation de l’ère Meiji et ont conservé leur allure d’il y a 400 ans, protégées par des murs en bois noir. Le quartier est planté de chênes, d’érables et de cerisiers centenaires, qu’une princesse de Kyoto promise à un samouraï local, aurait rapportés de sa ville natale pour ne pas l’oublier. Comme souvent au Japon, les légendes façonnent l'histoire.
Certains clans de samouraïs sont devenus très puissants et très réputés. Uesugi Kenshin, un éminent guerrier célèbre pour ses prouesses sur le champs de bataille, gouverna la ville de Yonezawa au XVIIe siècle. Il est encore aujourd’hui symbole de force et de brillante stratégie militaire. Sa forteresse entourée de douves a été détruite, et abrite aujourd’hui un sanctuaire à sa mémoire.
À Aizuwakamatsu en revanche, le château de Tsuruga-jo a été reconstruit et rappelle la riche histoire guerrière de la zone, dont les seigneurs ont combattu aux côtés de la résistance à la famille impériale lors de la Guerre civile de Boshin (1868-1869). Dans le parc du château, le salon de thé Rinkaku était utilisé par les seigneurs d'Aizu pour les cérémonies du thé. Restauré, c'est une étape gourmande pour savourer un thé dans un petit pavillon surplombant le jardin.
Le plateau d'Aizu, reculé et authentique
Le plateau d’Aizu est une mince bande de terre coincée entre les montagnes, isolée des côtes de l’océan Pacifique et de la mer du Japon. Région reculée, elle a donc conservé de nombreuses traditions ancestrales et une gastronomie notable. La cuisine locale de la ville d’Aizuwakamatsu a développé une originalité forte. Elle se compose essentielle de poissons, coquillages et algues salés ou séchés du fait de l’éloignement des côtes.
Où goûter cette cuisine succulente ?
Shibukawa Donya était un puissant marchand de harengs et de fruits de mer qui a créé son entreprise il y a 120 ans. Son entrepôt a été réaménagé en restaurant dans le style chic de l’ère Taishō (1912 - 1926). Le repas traditionnel suit la tradition locale, le cabillaud est délicieux, tout comme le hareng mariné au vinaigre et la salade de seiche, au goût finement iodé, acide et fumé.
Shibukawa Donya (渋川問屋)
Testé et approuvé par YONDER - Coup de coeur de la rédaction
3-28 Nanoka-machi, Aizuwakamatsu, Japon
Une région également réputée pour ses sakés
L'autre spécialité d’Aizuwakamatsu, c’est le saké. Tohoku est réputée pour la qualité de son riz et pour ses sources d’eau pure, les deux principaux ingrédients de cette boisson nationale. Il en existe de toutes sortes mais la proportion d’alcool est généralement de 12%. La brasserie de saké Tsurunoe Shuzo (visitée par YONDER - coup de cœur de la rédaction) perpétue ce savoir-faire depuis 1794, réalisant toute sa production de manière manuelle et traditionnelle. Pas étonnant que leur saké Aizu Chujo a remporté une médaille d’or huit années consécutives aux Prix du meilleur nouveau saké du Japon.
Dans l’entrepôt, M. Mukai nous explique les étapes de la production, du polissage du riz, qui retire 60% de l’épaisseur du grain, à la fermentation et au pressage. Car contrairement à une idée reçue, le saké est fermenté comme la bière, et non distillé. La visite se termine par une dégustation de sakés secs et sucrés dans la boutique attenante, où la brasserie vend la plus grande partie de sa production localement.
Tsurunoe Shuzo (鶴乃江酒造株式会社)
2-46 Nanokamachi, Aizuwakamatsu, Japon
Poursuivre le voyage au cœur d'un Japon authentique ? Continuer le périple dans la région du Kansai.
Les villages traditionnels du sud du Tohoku
En prenant la route 121 vers le sud, on traverse des paysages montagneux et d’épaisses forêts, suspendues au bord de la rivière Aga, qui a creusé cette étroite vallée entre Aizuwakamatsu et Nikkō. Des cascades grandioses et des ponts ponctuent la route. Mais pourquoi ne pas profiter des nombreux trains de montagnes pour faire ce parcours ? L’hiver, le paysage enneigé défile lentement, les torrents gelés et les arbres givrés illuminent le paysage, tandis qu’en automne, c’est une explosion de couleurs qui éclaire le panorama. La ligne Yagan Tetsudo relie les gares de Shin-Fujiwara et Aizukogen-Ozeguchi, et le train Aizu Tetsudo permet de se rendre d’Aizuwakamatsu à Minamiaizu.
Les fermes traditionnelles aux toits de chaume
L'isolement de la région, notamment l’hiver où les villages sont recouverts d’une couche de neige pouvant aller jusqu’à deux mètres, a encouragé la préservation d’anciennes formes d’habitation. À Ouchi-juku notamment, datant de la période d’Edo (1603-1867), ou à Maezawa, fondée par le samouraï Kakotsu Nyudo à la fin du XVIe siècle, les fermes traditionnelles ont conservé leurs toits en chaume.
Les maisons en forme de "L" sont encore habitées par des descendants du samouraï, et la communauté se bat depuis 1985 pour éviter le dépeuplement du village, grâce à la création d’un petit musée dans l’une des habitations qui présente le mode de vie traditionnel des habitants. Entouré de montagnes, le site est tranquille, baigné par des torrents traversant les jardins potagers, et semble ne pas avoir changé depuis des décennies.
Où manger ?
À deux pas, le restaurant Soba Dokoromagariya (そば処曲家) sert uniquement des nouilles de sarrasin, ou soba, et leur version froide (mori soba) à tremper dans une sauce à base de vinaigre de riz, sauce soja, saké, bonite et algue. Cette sauce est ensuite bue, additionnée de l’eau de cuisson des sobas, et quelques tempuras peuvent agrémenter le repas. Si vous le pouvez, choisissez les places devant les grandes baies vitrées en hauteur, qui donnent l’impression de déjeuner perché dans les arbres et de dominer la rivière.
Soba Dokoromagariya (そば処曲家)
Testé et approuvé par YONDER - Coup de coeur de la rédaction
831 Maezawa, Minamiaizu, Japon
En train
Le JR Pass permet d’emprunter les trois branches du Shinkansen qui desservent Tohoku : le Tohoku Shinkansen (Tokyo - Sendai en 1h40), le Akita Shinkansen et le Yamagata Shinkansen.
En avion
La compagnie aérienne nationale ANA propose des tarifs très avantageux sur tous ses vols intérieurs pour les étrangers : voir les ANA Experience JAPAN Fare.