On était à Caprices, le festival techno qui fait danser les Alpes suisses
Il est vingt heures passées de quelques minutes. Le soleil se couche sur les cimes alpines enneigées. Les dernières notes de Lost Another Angel de Pig & Dan viennent de résonner, clôturant let set de Sven Väth et par la même occasion l’édition 2019 de la scène MDRNTY (prononcez Modernity). Les quelques deux milles personnes encore présentes lorsque le légendaire DJ allemand tire sa révérence sont invités à quitter les lieux… en télécabine ! Les pistes sont déjà fermées. Entre chien et loup, à plus de 2,200 mètres d’altitude, c’est la seule solution pour rejoindre la station, sept cents mètres en contrebas depuis le sommet du Cry d'Er.
Cette rave exceptionnelle, marquée par de longues prestations du trio français Apollonia puis de « Papa Sven » (trois heures chacun), est sans aucun doute l’un des points d’orgue de la 16ème édition de Caprices, l’un des festivals les plus réputés organisés par nos voisins helvétiques. Pour comprendre comment l’événement s’est imposé comme une référence au fil des années, remportant le titre de Best International Festival 2018 aux DJ Awards organisés chaque année à Ibiza, un retour en arrière s’impose.
Des stars de la pop et du rock...
Aux débuts des années 2000, Maxime Léonard et sa bande de potes font un pari un peu fou. Pour redynamiser la station où ils ont grandi, Crans-Montana au cœur du Valais francophone, ils vont imaginer l’un des premiers festivals de musique d’envergure à la montagne. « On était parmi les premiers à le faire » se souvient celui qu’on le surnomme Max.
Avec un lieu décalé, une programmation de qualité et une production soignée, Caprices ne tarde pas à décoller. Les plus grands noms de la pop, du rock ou du hip-hop défilent sur la grande scène posée au pied des départs de pistes, à 1,500 mètres d’altitude. De Björk à Deep Purple, d’Iggy Pop à The Weeknd. Et la musique électronique dans tout ça ? Bien que marginale, elle est présente depuis les premières éditions du festival. « Dès 2003, des DJs comme Carl Craig ou Luciano nous ont suivis. À l’époque, ils ne drainaient pas du tout le même public qu'aujourd'hui. Leur public était nettement plus confidentiel » rappelle Maxime Léonard.
À l’occasion de sa dixième édition en 2013, Caprices attire jusqu’à 60,000 festivaliers venus assister aux shows des grands noms de la musique (Pete Doherty, Björk, M, The Killers, Fatboy Slim, Nas, Portishead…) pendant pas moins de neuf jours.
...à un festival 100% consacré à la musique électronique
C’est aussi à ce moment de l’histoire du festival que germera l’idée de se recentrer sur la musique électronique, la véritable passion de l’équipe fondatrice du festival. Pour Maxime Léonard, cette transition s’est faite naturellement. « Après 2,000 concerts, on sentait un essoufflement, la fin d’un cycle avec certains groupes de rock ». Dans le même temps, le public effectuant le déplacement à Caprices spécifiquement pour son impeccable sélection de DJs (Sven Väth, Luciano, Ricardo Villalobos, Paco Osuna, Carl Craig...) n’a cessé de croître. Pour la plupart, des teufeurs expérimentés ravis de trouver à Crans-Montana un pendant hivernal à Ibiza.
En 2015, Caprices entame sa mue. 50% des artistes bookés sont classés dans la catégorique "musique électronique". L’année suivante, c’est l’intégralité de la programmation qui est consacrée au genre musical. Un risque insensé alors que le festival s’était construit sur sa direction artistique éclectique ? « Il y a toujours une part de risque lorsque l’on prend une décision aussi importante ». Le patron de Caprices en convient.
Il relativise dans la foulée. « Tout a été très positif dès que l’on a pris ce virage » rappelant que l’équipe s'appuyait sur du concret pour se montrer optimiste : une communauté fidèle fédérée autour du concept de fête électronique à la montagne et le succès « du feu de dieu » de MDRNTY. Quelle plus belle vitrine pour Caprices que le décor grandiose de cette scène posée au beau milieu des montagnes suisses, où se relaient les meilleurs DJs du monde ?
En savoir plus sur l'histoire de Caprices Festival dans un documentaire réalisé à l'occasion des 15 ans du festival.
La scène MDRNTY perchée à 2,200m d'altitude, icône de Caprices
La naissance de cette scène est devenue l’icône de Caprices est le fruit du hasard. Ou presque. Maxime Léonard raconte. « C’est parti d’une idée fun il y a treize ans. Avec Luciano, Ricardo Villalobos ,Sonja Moonear et Guillaume Coutu Dumont, on a pris des enceintes sur nos épaules et on est montés faire un after dans le restaurant d’altitude d’une amie. En étant là-haut, à faire la fête devant un tel paysage, en pleine journée et sous le soleil, on s’est dit ’wow’, on tient quelque chose ».
L’année suivante, l’after improvisé entre potes se transforme en véritable scène. Quelques principes simples sont gardés pour ne pas perdre l’ADN originel de l’idée. La structure est transparente pour que le public puisse admirer les vues à 360° sur les Alpes, sans quitter le dancefloor. Les fêtes s’y font de jour, sous la lumière du soleil. La scénographie reste aussi épurée que possible. La star ici, c’est la montagne. Et la proximité entre le DJ et les danseurs est renforcée à son maximum.
C’est sur cette scène spectaculaire et unique en son genre qu’ont eu lieu les trois teufs les plus mémorables de l’édition 2019 de Caprices. Le vendredi, Raresh, Margaret Dygas et l’inoxydable Ricardo Villalobos enchantaient les amateurs de musique minimale. Changement radical d’ambiance le vendredi avec les sonorités chaudes et groovys d’Audiofly, Bedouin ou Behrouz, tous habitués à faire vibrer les foules de Burning Man. Avant un finish en beauté le dimanche à travers les sets éclectiques, tout en énergie et mélodie, d’Apollonia et de Sven Väth. Le taulier du label Cocoon s'est imposé comme l’une des mascottes de Caprices. Un festival qu’il clôture avec un enthousiasme intact depuis de nombreuses années. Pour le public souvent venu de loin (plus d’un festivalier a fait le voyage d’un pays étranger, parfois de l’autre bout du monde), l’expérience hors du commun est au rendez-vous.
The Moon et Satellite, les scènes nocturnes
Si la fête se poursuit la nuit dans la station, l’intensité et l’excitation de la journée sont moins palpables. The Moon a pourtant de quoi impressionner. Capacité de 5,000 personnes, soundsystem surpuissant, show visuel léché, les conditions sont idéales pour que les têtes d’affiche programmées (Peggy Gou, Seth Troxler, Black Coffee et Jamie Jones le vendredi ; Pan-Pot, DVS1, Marcel Dettmann et Len Faki pour le line-up 100% techno du samedi soir) délivrent des sessions de haut vol. Ce que réussiront d’ailleurs à la perfection Black Coffee ou Marcel Dettmann dans des registres très différents. Mais après avoir tutoyé les sommets pendant la journée, difficile de retoucher terre le soir venu. Fût-ce-t-elle à 1,500 mètres d’altitude…
C’est donc vers l’intimiste scène Satellite dévoilée pour la première fois cette année, qu’une partie des connaisseurs se tourne pour danser jusqu’au petit matin. Plus underground et à taille humaine, elle était le meilleur complément nocturne au pic émotionnel de la déjà mythique scène MDRNTY.
PRATIQUE
Retrouvez plus de détails pratiques (line-up complet, tarifs, etc.) sur Caprices Festival 2019, dans notre article publié en amont de l'évènement.