Hong Kong : Caprice, la grande table française de Guillaume Galliot
Derrière une sincère décontraction , Guillaume Galliot est un chef doté d’un sens du détail à toute épreuve. Deux ans après son arrivée au Four Seasons Hong Kong où il a repris les rênes de Caprice, la grande table de cuisine française de l’hôtel, le restaurant est aujourd’hui à son image : précis, lumineux, avec juste ce qu’il faut d’audace et d’inventivité dans l’assiette. Retour sur la façon dont le chef originaire du Val de Loire a réussi en moins de deux ans à reconquérir la troisième étoile perdue deux années auparavant.
Les ingrédients de la réussite
À son arrivée au Four Seasons, Guillaume Galliot dispose de plusieurs atouts. Le premier, un cadre grandiose : immense salle d'inspiraiton Art déco avec vue magistrale sur le port Victoria. Au centre de la salle, la grande cuisine ouverte ne laisse aucune place à l’erreur.
Second atout : une équipe de choc. « Nous voulions composer une grande famille, une équipe de passionnés. Il nous a fallu nuit mois, se séparer de certains éléments, mais dorénavant l’équipe est très stable. ». Troisième atout non négligeable : une fine connaissance de la clientèle asiatique. Car chez Caprice se pressent aussi bien hommes d’affaires habitués du lieu que couples en sortie exceptionnelle. Un point commun : tous viennent chercher ici une cuisine française de haute voltige. « On a ici une belle clientèle, qui voyage énormément, et a donc un palais sensible à des produits que l’on ne trouve pas dans la gastronomie chinoise classique, comme le caviar ou la truffe blanche. ». Une clientèle qu’il connaît sur le bout des doigts grâce à ses précédentes expériences en Chine, d’abord à l'hôtel Raffles de Pékin puis à Macao — où il obtint deux étoiles Michelin en tant que chef exécutif du restaurant The Tasting Room.
Un profil idéal, donc, qui n’est pas tout à fait le fruit du hasard. Car avec non moins de trois tables étoilées, le Four Seasons Hong Kong affirme chaque année depuis 2005 sa volonté d’accueillir entre ses murs le nec plus ultra de la haute gastronomie. Tout d'abord cantonaise avec Lung King Heen. Japonaise, avec l'ouverture du comptoir Sushi Saito depuis 2018. Et enfin française, avec Caprice, dont l’histoire connu quelques vicissitudes — avec la perte d’une étoile suite au départ de Vincent Thierry en 2013, qui ne sera pas récupérée avant l’arrivée de Guillaume Galliot
Une cuisine française sous influences
L’un des secrets du chef ? Ne jamais se reposer sur ses lauriers, et faire preuve d’une curiosité insatiable. Grâce à une carrière majoritairement passée à l’international, on retrouve chez Caprice une cuisine mêlant saveurs et techniques françaises aux influences internationales (asiatiques en particulier), à l’image de ce laksa, plat typique de Singapour — où il officia deux ans au Raffles — à base de nouilles, œuf, coriandre et citronnelle, ici revisité en version crabe royal et citron sudachi.
Sans compter ses autres plats signatures, tels que le un pigeon de Racan de la maison Bellor cuit dans une cabosse de cacao, dont la sauce est directement inspirée du mole… mexicain. Des créations qui illustrent ces mêmes inspirations cosmopolites, véritables marqueurs de sa cuisine. La suite donne le vertige, avec des ingrédients d’un raffinement extrême, quelle que soit leur origine. L’équilibre est parfait, entre maîtrise technique et respect du produit, à l’image de ce homard bleu breton, marmelade de figues et cèpes grillés recouvert de fines lamelles de truffe blanche, ou de ce soufflé à la noix de coco torréfiée et sorbet coco.
La course à l'excellence
Pour se permettre une telle liberté, le chef mise avant tout sur un sourcing de très grande qualité, qui témoigne de l'amour qu’il voue au terroir français. Avec une carrière qui débuta auprès des frères Pourcel au Jardin des Sens [la mythique table montpelliéraine, triplement étoilée de 1998 à 2006, rouvrira ses portes au printemps 2020, NDLR], on est à peine surpris de retrouver dans l’assiette des produits sourcés en France : pigeons, vinaigres, tomates — venant exclusivement… du potager maternel, près de Tours ! — et des arrivages près de quatre fois par semaine.
Une course à l’excellence parfois poussée à son paroxysme .« Il nous arrive de faire des plats à la demande, tel que le gibier, qui ne peut être servi à la carte. Nous les faisons venir directement de France. ». Du côté des vins, l’heure est aussi à l’audace et à la curiosité, avec une cave de 1,200 références gérée d’une main de maître par le chef sommelier Victor Petiot. « Notre faible capacité de stockage est une chance, car elle nous permet faire tourner les références très régulièrement. ». Au final, une carte surprenante, avec de nombreuses références de vins naturels, notamment en provenance du nouveau monde, mais pas seulement. On y trouvera aussi bien du Yquem servi au verre que de rares cuvées jurassiennes de Jean-François Ganevat, grand pape du « nature ».
Avec une troisième étoile qui ne semble pas près de lui être retirée, une médaille décernée par sa ville d’origine, Tours, en août dernier, de nombreuses collaborations avec des chefs internationaux invités dans les cuisines de Caprice… À Hong Kong, Guillaume Galliot s'est définitivement fait un nom sur la scène gastronomique internationale.