Mathieu BelayMathieu Belay, Le lundi 30 mai 2016
Restaurants

Les 50 meilleurs restaurants de Paris #13 : Le Gabriel à La Réserve (chef Jérôme Banctel)

Dans le cadre fastueux de La Réserve Paris, Jérôme Banctel donne ses lettres de noblesse à une haute cuisine française mâtinée d’influences asiatiques, et japonaises en particulier. Découverte du Gabriel, une nouvelle grande table parisienne.
  • Pigeon de Vendée, cacao, tagliatelle de sarrasin © Yonder.fr
    Pigeon de Vendée, cacao, tagliatelle de sarrasin © Yonder.fr
  • La salle à manger du Gabriel a été imaginée par Jacques Garcia, comme toute l'artchitecture intérieure de La Réserve © La Réserve Paris
    La salle à manger du Gabriel a été imaginée par Jacques Garcia, comme toute l'artchitecture intérieure de La Réserve © La Réserve Paris
  • Ravioles de langoustines, julienne de radis, sauce siam © Yonder.fr
    Ravioles de langoustines, julienne de radis, sauce siam © Yonder.fr
  • Asperges vertes, concombre yuzu kosho, sabayon huile d’olive © Yonder.fr
    Asperges vertes, concombre yuzu kosho, sabayon huile d’olive © Yonder.fr
  • Coussinet de petits pois a la française, bigorneaux, sauce verjus © Yonder.fr
    Coussinet de petits pois a la française, bigorneaux, sauce verjus © Yonder.fr
  • Saint-pierre rôti, concentration d’artichauts, sakura © Yonder.fr
    Saint-pierre rôti, concentration d’artichauts, sakura © Yonder.fr
  • Rhubarbe en impression de fraise des bois, gelée de baies roses
    Rhubarbe en impression de fraise des bois, gelée de baies roses
  • Brioche et ganache en tant mignardises pour accompaner le café © Yonder.fr
    Brioche et ganache en tant mignardises pour accompaner le café © Yonder.fr
« C’était deux étoiles ou rien. Dès la première année, c’était notre objectif » nous confie un Jérôme Banctel déterminé.

D’un hôtel historique à un nouveau venu. Après avoir découvert l’exceptionnelle cuisine de palace d’Eric Frechon au Bristol, on file à quelques petites centaines de mètres pour rejoindre La Réserve Paris, le dernier né des très grands hôtels parisiens, ouvert discrètement en début d’année 2015.

C’est au Gabriel, le restaurant gastronomique de l’établissement, qu’officie Jérôme Banctel, récemment auréolé de deux étoiles par le Michelin et unanimement plébiscité par la critique.
 

Le pitch : la « naissance » d’un très grand chef

Jérôme Banctel est sorti de sa réserve… pour rejoindre La Réserve de Michel Reybier, l’hôtel de luxe abritant Le Gabriel. Le jeu de mots est facile, certes. Il n’en correspond pas moins à une réalité. Pendant près de deux décennies, le chef d’origine bretonne a mis son savoir-faire et son ardeur au services des autres. Auprès de Bernard Pacaud à L’Ambroisie, institution triplement étoilée de la Place des Vosges. Puis aux côtés d’Alain Senderens au Lucas Carton après que le chef ait rendu ses trois-étoiles pour y décliner un nouveau concept.

Michel Reybier, le discret patron des hôtels La Réserve (Genève, Ramatuelle puis Paris depuis janvier 2015) a donc fait un pari ambitieux en confiant les clés du restaurant gastronomique de son nouvel écrin parisien à Jérôme Banctel. Il pouvait simplement faire le choix d’un chef rompu à l’exercice de la cuisine de palace. Ou s’allouer les services d’un « nom », un chef dont la seule réputation suffirait à remplir les tables du Gabriel comme les colonnes de la presse. Mais non. Il a préféré faire appel à un chef à fort potentiel plutôt qu’à un grand cuisinier déjà au firmament de sa carrière. Jérôme Banctel était sans aucun doute un grand technicien habitué à la pression des plus grandes maisons. Son talent personnel, sa capacité à imaginer des assiettes mémorables, restaient, eux, encore méconnus.

Le choix s’est rapidement avéré payant. Seulement quelques semaines après l’ouverture des lieux, tout ce que Paris compte de chroniqueurs culinaires encense la créativité du nouveau venu. La consécration du Guide Rouge arrive le 1er février dernier. Le Michelin attribue deux étoiles au Gabriel, une petite année seulement après son ouverture. « C’était deux étoiles ou rien. Dès la première année, c’était notre objectif » nous confie un Jérôme Banctel déterminé, sûr de la valeur de sa cuisine sur la grille Michelin. Pour y arriver, l’ancien poulain de Senderens aurait pu suivre la voie royale. Se contenter de décliner une haute cuisine française contemporaine, parfaitement en ligne avec le style bourgeois de la maison. Encore une fois, ce n’est pas le genre du patron des cuisines du Gabriel. Avec la confiance de sa direction, il a pu développer une cuisine puissante, identitaire, unique en son genre. Découverte d’une table exceptionnelle, très certainement l’ouverture la plus marquante de 2015.

  • Hors d'oeuvre en prélude à notre déjeuner au Gabriel © Yonder.fr
  • Ravioles de langoustines, julienne de radis, sauce siam © Yonder.fr

 

Derrière des mets d’apparence classique, Jérôme Banctel déploie des trésors d’inventivité, convoque des saveurs inattendues, concentre les goûts à l’extrême pour imaginer des assiettes puissantes, déroutantes, percutantes.

 

Dans l’assiette

Attention, spoiler ! Les lignes qui vont suivre contiennent des éléments pouvant nuire à l’effet de surprise de la cuisine de Jérôme Banctel. Quand François Simon évoque « une carte aux apparences tranquilles, histoire d’apaiser sa direction, de passer la douane sans les fouilles », il a tout à fait raison et confirme par là la volonté du chef de ne pas influencer ses convives par les intitulés des plats. Car le chef du Gabriel se révèle être un cachotier. Derrière des mets d’apparence classique pour une table de ce calibre (langoustines, homard, turbot de ligne, pigeon, poularde…), il déploie des trésors d’inventivité, convoque des saveurs inattendues (celles du Japon, pays exerçant une fascination sans limite depuis ses débuts dans le métier), concentre les goûts à l’extrême pour imaginer des assiettes puissantes, déroutantes, percutantes. En un mot, marquantes. Les hors d’œuvres avaient pourtant annoncé la couleur. Meringue matcha et tourteau wasabi, « burger » shiitake-foie gras. Cette introduction de haute volée laissait présager d’une créativité importante, d’une aptitude à s’approprier des saveurs venues d’ailleurs avec beaucoup d’intelligence. Mais les hors d’œuvres peuvent être traitres. S’ils servent parfois de laboratoires aux chefs, ils ne reflètent pas toujours la suite des évènements. Ce n’est pas le cas ici. 
 

  • Coussinet de petits pois a la française, bigorneaux, sauce verjus © Yonder.fr
  • Ravioles de carottes © Yonder.fr

 


 

Le quatuor d’entrées du menu carte blanche nous a cloués sur place. Ravioles de langoustine, coussinet de petits pois à la française avec leurs bigorneaux ou ravioles de carottes, Jérôme Banctel montre une capacité hors-pair à travailler la raviole, tantôt comme une vapeur chinoise, tantôt comme une langoureuse pâte italienne comme c’est le cas ce coulant de petits pois se démasquant à la dégustation. Un grand moment culinaire.

Les asperges, grand classique printanier, prennent aussi une autre allure sous la houlette de Banctel. Parfaitement cuite à l’anglaise, c’est une émulsion d’huile olive façon sabayon qui leur apportera une dimension gourmande inédite.

Les deux plats enfin. Le Saint-Pierre rôti accompagné d’une concentration d’artichauts cuits à la chaux (une invention maison) et d’une sauce à base de vinaigre de sakura dépote. Pas de demi-mesure, le chef travaille le poisson comme il le ferait avec une viande, y apportant une puissance rare. Pour en finir avec le salé, Jérôme Banctel avait préparé son déjà célèbre pigeon de Vendée mariné dans un miso de riz fermenté et cacao froid et accompagné tagliatelles croquantes de sarrasin. Un plat signature, énergique, intense.
 

  • Saint-pierre rôti, concentration d’artichauts, sakura © Yonder.fr
  • Pigeon de Vendée, cacao, tagliatelle de sarrasin © Yonder.fr

 

Pas de demi-mesure, le chef travaille le poisson comme il le ferait avec une viande, y apportant une puissance rare. 

 

Un mot enfin sur les desserts de Marc Lecomte (ex Lucas Carton, Bristol) dont le travail pâtissier nous avait déjà séduit lors de notre découverte du tea time de La Réserve. Il met encore dans le mille à l’issue de ce déjeuner avec une première création fraises des bois et rhubarbes particulièrement harmonieuse puis un spectaculaire grain de café reconstitué dans une meringue à la texture étonnante. On finira par se laisse séduire par l’ahurissante brioche servie en guise de mignardise pour accompagner les cafés. Surprise et gourmandise, encore et toujours.


Découvrez notre entretien complet avec Jérôme Banctel pour en savoir plus sur son parcours, ses inspirations et sa vision.

  • Grain de café meringué, glace vanille, sucre brut © Yonder.fr
  • Brioche et ganache en guise de mignardise © Yonder.fr

 

Parquet Versailles somptueux, cuir de Cordoue patiné, portes laquées de noir et d’or, le faste du Gabriel sied comme un gand à l'atmosphère "hôtel particulier" de La Réserve Paris.

 

Dans la salle

S'il y a pas d'obligation d'adhérer au style insufflé par Jacques Garcia (Hôtel Costes, La Mamounia, Maison Souquet…), il faut reconnaître que la salle à manger du Gabriel a de l’allure. Parquet Versailles somptueux, cuir de Cordoue patiné, portes laquées de noir et d’or, le faste du Gabriel sied comme un gant à l'atmosphère "hôtel particulier" de La Réserve Paris.

Si vous venez pour déjeuner, optez pour les tables ou banquettes près des fenêtres et profitez de la lumière naturelle pour mieux admirer la beauté des assiettes du chef. Au dîner, on appréciera l’éclairage tamisé donnant à salle un intimisme bienvenu, en accord avec la déco « garciesque » à l’extrême.

  • Le décor de la salle à manger du Gabriel est signé Jacques Garcia © La Réserve Paris
  • Le décor de la salle à manger du Gabriel est signé Jacques Garcia © La Réserve Paris
  • Aux beaux jours, le restaurant dispose d'une très agréable terrasse © La Réserve Paris

 

Le Gabriel incarne à merveille une gastronomie parisienne contemporaine et créative, décomplexée et singulière.

 

Le service

Ni salamalecs, ni obséquiosités superflus, le service en salle du Gabriel fait dans l’efficacité, se montrant discret quand il le faut mais jamais avare en explications au sujet de la cuisine du chef ou du choix des vins. Derrière le professionnalisme impeccable et les uniformes, on sent une véritable cohésion avec le projet ambitieux de Jérôme Banctel.
 

L’addition

Entrées de 36 à 69€ ; plats de 43 à 68€ ; desserts à 22€. Menu carte blanche à 148€, 250€ si on y ajoute l’accord mets et vins. Cher ? Dans l’absolu, ce n’est certes pas donné mais ces tarifs se situent plutôt en deçà des tables de qualité comparable (tant en termes de cuisine que de cadre) à Paris. Le rapport qualité-prix est définitivement à la hauteur et mérite bien d’économiser un peu pour s’offrir un dîner sur place.
 

Le mot de la fin

Quel plaisir que celui de découvrir Le Gabriel, table incarnant à merveille une gastronomie parisienne contemporaine et créative, décomplexée et singulière. Là où bien d’autres auraient fait le choix de la prudence pour être certain de ne fâcher personne, Jérôme Banctel s’appuie sur son bagage technique irréprochable pour créer une cuisine identitaire au caractère bien trempé, en périphérie des conventions et des codes habituels.

Pour ceux qui pointent le danger d’uniformisation de la gastronomie de luxe, voilà une adresse aussi rafraichissante que réjouissante. À n’en pas douter, nous n’avons pas fini d’entendre parler de Jérôme Banctel.
 

À lire également, notre interview exclusive de Jérôme Banctel

 

 

PRATIQUE

Le Gabriel

À La Réserve Paris
42 avenue Gabriel
Paris 8ème - France

Ouvert tous les jours, au déjeuner de 12h30 à 14h30 et au dîner de 19h30 à 22h30

Tél. : +33 1 58 36 60 60
E-mail : restaurant@lareserve-paris.com
Informations et réservations sur la page du Gabriel sur le site Web de La Réserve Paris.

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