Les 50 meilleurs restaurants de Paris #7 : Restaurant Sylvestre (chef Sylvestre Wahid)
Après les boiseries du Taillevent et l’ode à la grande cuisine française d’Alain Solivérès, retour sur la Rive Gauche dans l’écrin chic et intimiste du restaurant gastronomique de l’Hôtel Thoumieux. Depuis quelques mois, Thierry Costes, propriétaire des lieux, a confié les clés des cuisines à Sylvestre Wahid. Un choix inspiré.
Le pitch : Sylvestre Wahid, « digne successeur » de Jean-François Piège
« On m’a pris pour un fou ! » confie Sylvestre Wahid, conscient que succéder à l’ultra médiatique Jean-François Piège dans le restaurant gastronomique de l’Hôtel Thoumieux était une gageure. Mais il faut plus pour décourager cet homme, qui a passé sa vie à relever les défis qui se présentaient à lui et qui a toujours cherché à aller plus haut.
Qui aurait parié que le petit Shahzad, arrivé en France du Pakistan à l'âge de neuf ans, deviendrait trente ans plus tard l’un des chefs français les plus respectés ? C’est pourtant la belle histoire de Sylvestre Wahid. Ses rencontres avec quelques-uns des noms les plus respectés de la gastronomie française (Thierry Marx, Alain Solivérès, et évidemment Alain Ducasse) l’ont propulsé au sommet. À 30 ans à peine, il reprend les rênes de l’une du légendaire Oustau de Baumanière. Il confirme dans la foulée les deux étoiles de la maison des Baux-de-Provence où il restera près de dix ans et en profitera pour accrocher deux étoiles au Strato à Courchevel, le cousin alpin de l’établissement provençal.
Après une décennie à humer l’air du Sud, Sylvestre Wahid a donc décidé de ne pas écouter les Cassandre et de revenir à Paris, la ville qui lui a fait connaître l’univers de la très haute gastronomie. En 2015, il accepte la proposition de Thierry Costes et reprend la succession du très intimiste Thoumieux de la rue Saint-Dominique. Jean-François Piège parti vaquer à ses occupations de l’autre côté de la Seine, Sylvestre Wahid a l'opportunité unique de reconstruire un restaurant à son image. Menus, arts de la table, décoration, il repart d’une page blanche, conscient de la chance qui lui est offerte. Son nouveau chez lui, qu’il a pensé de bout en bout, s’appellera Restaurant Sylvestre.
Il ne faut pas longtemps pour que les critiques saluent le travail du nouveau patron des lieux. François Simon en fait le « digne successeur » de Piège. Quant au Guide Michelin, il le récompense de deux-étoiles le 1er février dernier. Une consécration express pour le chef qui avait glané ces mêmes deux-étoiles à Baumanière et au Strato.
Dans l’assiette
« On est dix en cuisine pour vingt-cinq convives. Cela permet d’aller au bout des choses, de travailler sur des détails que l’on ne pourrait pas imaginer en devant faire plus d’assiettes. » explique Sylvestre Wahid. Voilà qui en dit long sur la philosophie du chef, bosseur invétéré, perfectionniste patenté, toujours en quête de nouveaux défis. Un coup d’œil à la carte permet de comprendre que le chef n’a pas choisi la simplicité. Exit le menu carte blanche imposé. Sylvestre Wahid veut faire plaisir à ses clients. On trouve donc sur la carte du Restaurant Sylvestre pas moins de trois menus dégustation autour de la terre, de la mer et un menu signature, en plus de la formule déjeuner entrée / plat / dessert.
Il suffit de jeter un œil à la taille des cuisines, incontestablement bien aménagées mais de dimensions modestes pour comprendre le défi que cela représente. Mais l’ancien de l’Oustau de Baumanière n’en a cure. « Je ne suis pas venu pour la simplicité » souffle-t-il, expliquant qu’il s’ennuierait s’il ne devait travailler qu’un menu unique comme certains de ses confrères.
Pour notre part, nous partons donc à la découverte de la cuisine du chef en optant pour le menu « Richesses de nos terroirs ».
Hors d’œuvres sublimes et bouillon de queue de bœuf façon thaï parfaitement scénographié pour nous mettre en appétit, Sylvestre Wahid annonce la couleur : sa cuisine est peut-être technique, précieuse, visuellement soignée, elle n’en reste pas moins aussi proche que possible du produit. La nature, la qualité des ingrédients, les saisons, ce sont les vraies obsessions du patron des lieux derrière la sophistication apparente et la précision sans faille.
Passés les préliminaires, la première entrée du menu autour des asperges verte de Pertuis et les morilles illustre la philosophie culinaire de Sylvestre Wahid : des produits de saison magnifiques, simplement sublimés par des cuissons parfaites et une vraie approche généreuse de la cuisine. Il y a de la gourmandise à revendre dans cette assiette gorgée de jus.
La trilogie qui suit est une véritable ode au printemps. Les petits pois magnifiés dans une composition complexe associant légumes de saison, caviar osciètre et tartine de céréale et chèvre. Quel spectacle !
Puis il y a cet agneau de lait de Lozère, aussi graphique qu’appétissant. Cette assiette fleure bon le sud de la France et nous rappelle que Sylvestre Wahid a passé l’essentiel de sa carrière dans nos belles contrées méridionales. En bouche, l’agneau s’avère peu assaisonné. C’est un choix délibéré. Wahid a pris le parti de ne très peu saler en cuisine, laissant aux clients l’opportunité d’assaisonner à leur convenance. Ce n’est pas un hasard si quatre sels (de Guérande, rose d’Himalaya, noir de Chypre, ou givre d’Égypte), aux textures et goûts bien distincts, sont présents sur la table.
Avant d’enchaîner sur le sucré on se laisse tenter par le superbe comptoir à fromages signés Marie-Anne Cantin – le brillat-savarin, une merveille - puis, tel un enfant, on est ébloui par la débauche de desserts. Le sorbet aux herbes pour se revigorer le palais d’abord puis la poire confite et son chocolat fondant.
La poire au chocolat : un classique revisité avec beaucoup d’élégance par Sylvestre Wahid qui, encore une fois, fait le choix de ne pas opposer sophistication et gourmandise.
On pense en avoir terminé mais non. Les gourmandises continuent d’affluer sur la table. Les Paris-Brest dans l’esprit mignardise revisités au sésame noir, le financier ou le cookie encore tiède sortis du four façon madeleine de Proust, à peine entrecoupés d’une verrine pour un rafraîchissement bienvenu. Et comme pour le salé, on ne peut que saluer le travail remarquable effectué sur les goûts, le visuel sans pour autant tomber dans une cuisine alambiquée ou illisible.
C’est d’ailleurs là où Sylvestre Wahid réussit le grand chelem : réussir à en mettre plein la vue, visuellement, gustativement, sans jamais tomber dans le superflu ou les mélanges inutiles. Et pour atteindre cet équilibre délicat, il faut bien du talent.
Dans la salle
Lumineuse, délicate, féminine, la salle du Restaurant Sylvestre frappe par son esprit boudoir et intimiste qui font écho au raffinement extrême de la cuisine de Sylvestre Wahid. Loin de l’agitation parisienne, tout ne semble être que douceur et volupté dans ce cocon réinventé par la célèbre architecte d’intérieur India Madhavi et le chef lui-même.
Si Sylvestre Wahid considère plus volontiers cet écrin comme un restaurant du soir (Restaurant Sylvestre n’est ouvert à l'heure du déjeuner que les jeudi et vendredi), on ne peut qu’apprécier la lumière naturelle qui baigne la salle du restaurant grâce çà un toit verrière façon jardin d’hiver. Sans oublier le confort remarquable des assises… Une chose est sûre, il est difficile de retourner à la vie réelle après un tel moment de déconnexion.
Le service
Des serveuses aussi apprêtées qu’appliquées, avec leurs jolis uniformes et leurs chignons impeccablement réalisés, assurent en salle un service sans faute. On est parfaitement raccord avec l’élégance des lieux et la poésie des assiettes de Sylvestre Wahid.
Un petit mot sur les découpes en salles ou les omelettes norvégiennes préparées à la minute. Ce sont aussi ces gestes, hérités de la tradition gastronomique française, que le chef souhaite perpétuer dans son restaurant.
L’addition
« Ticket d’entrée » à 85€ au déjeuner autour d’une formule du jour entrée, plat, dessert. Autrement, il faut compter de 155 à 250€ pour les menus dégustation.
Évidemment, ce n’est pas un restaurant où l’on va venir chaque semaine (la brasserie, au rez-de-chaussée, est plus adaptée pour cela) mais les prix sont justifiés tant par la qualité des produits que par la quantité de travail pour délivrer des assiettes de cette qualité. Rien à dire de ce point de vue.
Le mot de la fin
Difficile de ne pas être émerveillé par le Restaurant Sylvestre. Il y a évidemment la cuisine ensoleillée, délicate, technique, enthousiasmante du maître des lieux qui pourrait suffire à s’extasier. Mais c’est bien l’expérience globale qui séduit, la cohérence entre les assiettes, le décor et le service. Il y a au Restaurant Sylvestre un véritable sens du détail, une délicatesse de tous les instants, une élégance racée. Même pour la Ville Lumière, cela n’est pas si commun…
Pratique
Restaurant Sylvestre – Hôtel Thoumieux
79, rue Saint-Dominique, 75007 Paris
Ouvert de 12h30 à 14h30 les jeudis et vendredis et de 19h30 à 22h du mardi au samedi.
Formule déjeuner à 85€. Menus dégustation à 155, 175 et 250€.
- Réservations au téléphone : +33 01 47 05 79 79
- Contact par e-mail : contact@thoumieux.com