Mathieu BelayMathieu Belay, Le dimanche 01 mai 2016
Restaurants

Les 50 meilleurs restaurants de Paris #10 : Saturne (chef Sven Chartier)

Depuis son ouverture en 2010 par le jeune chef Sven Chartier, Saturne casse les codes et séduit les foodies avec sa cuisine brute et son décor minimaliste. Découverte d’une table durablement installée dans le paysage gastronomique parisien.
  • Décor sobre et contemporain d'inspiration scandinave chez Saturne © Jérôme Galland
    Décor sobre et contemporain d'inspiration scandinave chez Saturne © Jérôme Galland
  • Décor sobre et contemporain d'inspiration scandinave chez Saturne © Jérôme Galland
    Décor sobre et contemporain d'inspiration scandinave chez Saturne © Jérôme Galland
  • Pigeon, origan, asperge verte © Yonder.fr
    Pigeon, origan, asperge verte © Yonder.fr
  • Filet de lieu jaune, coques, morilles, pomme de terre fumée, oseille © Yonder.fr
    Filet de lieu jaune, coques, morilles, pomme de terre fumée, oseille © Yonder.fr
  • Fraises (fraîches, séchées au four, en sorbet), amandes, huile de géranium © Yonder.fr
    Fraises (fraîches, séchées au four, en sorbet), amandes, huile de géranium © Yonder.fr
Sven Chartier a ouvert Saturne en 2010 avec une philosophie simple : rendre hommage aux meilleurs produits à travers une cuisine simple et sans fioritures.

Après avoir goûté la cuisine de palace du Cinq, réinventée par un Christian Le Squer très inspiré, on prend la direction du quartier de la Bourse pour découvrir un univers culinaire aux antipodes de la gastronomie française traditionnelle, celui de Saturne, table aux accents scandinaves de Sven Chartier, jeune chef dont la réputation n’est plus à faire, et de son compère Ewen Le Moigne.
 

Le pitch : l'ode à la nature de Sven Chartier et Ewen Le Moigne

Saturne. Le nom évoque à la fois la divinité romaine protectrice du monde agricole et la(les) nature(s) dont il est l’anagramme. Inspiré par Michel Bras, marqué son passage auprès Alain Passard qu’il qualifie de « père spirituel », influencé par Iñaki Aizpitarte et René Redzepi, respectivement chefs de Noma à Copenhague et du Chateaubriand à Paris, Sven Chartier a ouvert Saturne en 2010 avec une philosophie simple : rendre hommage aux meilleurs produits (locaux, issus d’une agriculture raisonnée et durable et forcément de saison) à travers une cuisine simple et sans fioritures.

Dans un pays dont la gastronomie doit beaucoup à Escoffier et à ses célèbres sauces, l’approche brute de Sven Chartier a parfois déboussolé les critiques ou laissé de marbre certains grands chefs étoilés. Dans le même temps, elle séduisait une grande partie de la foodosphère parisienne, captivée tant par l’inventivité des assiettes du chef que par l’épure du décor d’obédience scandinave ou par la qualité de la cave constituée par Ewen Le Moigne, mettant à l’honneur une impeccable sélection de vins nature.

Aujourd’hui, et à trente ans seulement, Sven Chartier peut se targuer d’avoir réussi son pari. Malgré un contexte difficile, son restaurant du quartier de la Bourse ne désemplit pas. Le Guide Michelin, dont il ne cherchait pas l’approbation, lui a attribué sa première étoile en février 2016, signe que sa cuisine « rupturiste » est désormais reconnue. Quant au Clown Bar, ouvert à l’été 2014 à côté du Cirque d’Hiver, il lui permet d’asseoir son emprise dans l’Est parisien tout en s’affranchissant des codes du menu carte blanche (format quasi-obligatoire des jeunes chefs) de son établissement phare.

À n’en pas douter, Saturne démarre désormais une seconde vie. Après l’enthousiasme, les expérimentations, et parfois les erreurs, des débuts, place à la maturité et à l’aboutissement.

  • Décor minimaliste chez Saturne © Jérôme Galland
  • Il est possible de s'installer au bar pour déjeuner / dîner et ainsi profiter de la vue sur la cuisine © Yonder.fr

 

Près de six ans après l’ouverture du restaurant, c’est bel et bien une cuisine aboutie que propose le jeune chef aux convives de Saturne.

 

Dans l’assiette

Malgré le succès public – Saturne a toujours fait le plein depuis son ouverture en 2010 – la critique n’a pas toujours été tendre avec Sven Chartier n’hésitant pas à lui reprocher de pas cuisiner ou de simplement « juxtaposer » les produits bios qu’il porte au pinacle.

Pourtant en ce printemps 2016, près de six ans après l’ouverture du restaurant, c’est bel et bien une cuisine aboutie que propose le jeune chef aux convives de Saturne. Il y a certes ça et là deux ou trois tics générationnels (le dressage asymétrique, les herbes et fleurs omniprésentes) et quelques questions (est-ce que l’utilisation de l’azote dans une cuisine revendiquant la naturalité est légitime ?) mais il y a surtout de belles assiettes, inventives, personnelles, gourmandes, s’enchaînant autour d’une ligne directrice solide. On retrouve, cela va sans dire, de beaux produits de saison, mais contrairement à ce que l’on a pu reprocher au patron des lieux à ses débuts, il y a également un vrai travail de cuisinier sur la composition des assiettes, les cuissons, les assaisonnements, les harmonies comme les contrastes.

  • Truite de Banka, granité de cresson, oxalis vert, velouté de petits pois © Yonder.fr
  • Tartare de boeuf, feuilles de capucines, filet d'anchois, fleurs d'ail © Yonder.fr
  • Filet de lieu jaune, coques, morilles, pomme de terre fumée, oseille © Yonder.fr
  • Pigeon, origan, asperge verte © Yonder.fr
En bouche, ce plat révèle toute la fraîcheur et la spontanéité de la saison printanière.

 

Quel plaisir de redécouvrir la délicieuse asperge blanche, l’une des toutes premières de la saison, joyeusement boostée par les agrumes (bergamote, cédrat et kumquat) et délicatement peaufinée par l’apport de plantes (oxalis, rhubarbe) et fleurs (huile essentielle de géranium). Sur le papier, le plat pourrait paraît confus. En bouche, il révèle toute la fraîcheur et la spontanéité de la saison printanière. La fraîcheur est d’ailleurs l’un des fils conducteurs de ce déjeuner chez Saturne. La truite de Banka ? Accompagnée d’un très percutant granité de cresson refroidi à l’azote. La fraise travaillée dans touts ses états pour le dessert (fraîche, séchée, en sorbet) ? Également une merveille de rafraichissement.

Sur le chaud, Sven Chartier fait preuve d’une même aisance. Le poisson du jour, un lieu jaune, servi avec ses morilles fraîches sur un lit d’oseille fonctionne à merveille, tout comme le pigeon, travaillé dans un grand plat herbal fleurant bon l’origan et superbement gourmand avec son jus réduit.

Il n’y a finalement que le tartare de bœuf, soigneusement dissimulé sous des feuilles de capucines, qui laisse d’abord perplexe. La viande, presque fade, nous fait perdre nos repères. Avant que l’on comprenne mieux la composition. Le salé de l’anchois, l’onctuosité de la mayonnaise, le goût légèrement poivré de la capucine permettent de réinventer l'assaisonnement. La démarche est originale, le plaisir moins évident.

Et c’est finalement sur une jolie note sucrée que l’on achèvera notre découverte de la cuisine de Sven Chartier : un dessert – signature -  aérien au chocolat relevé par les saveurs du sarrasin, de la noisette et du foin. Si le visuel est simple, presque sommaire, les goûts sont eux au rendez-vous. Et l'hommage à la nature et aux saisons toujours bien vivace.
                                                                               

Découvrez notre entretien complet avec Sven Chartier pour en savoir plus sur son parcours, ses inspirations et sa vision.

  • Fraises (fraîches, séchées au four, en sorbet), amandes, huile de géranium © Yonder.fr
  • Chocolat, noisettes, sarrasin, foin © Yonder.fr

 

Parfois décrit comme « spartiate », le décor de Saturne a, semble-t-il, lui aussi déconcerté les vieux routiers de la gastronomie.

 

Dans la salle

Parfois décrit comme « spartiate », le décor de Saturne a, semble-t-il, lui aussi déconcerté les vieux routiers de la gastronomie. Étrange car la salle à manger de Saturne, s’il elle s’affranchit sans surprise des codes du restaurant gastronomique, n’a rien de rigoriste. À vrai dire, elle se révèle même confortable et reposante pour l’esprit avec ses teintes claires (bois blond, murs blancs) et ses éclairages travaillés.

À l’heure du déjeuner, une partie de la salle est même baignée de lumière naturelle grâce à un éclairage naturel bienvenu. Le décor de Saturne ? Sobre et minimaliste, sans hésiter. Élégant, oui très certainement. Spartiate ? Clairement non ! Le seul bémol : une densité de table élevée qui peut conduire à l’élévation des décibels lorsque le restaurant fait le plein. La rançon du succès.

  • Design clair et minimaliste à l'intérieur du restaurant © Jérôme Galland
  • Le restaurant bénéficie d'un éclairage zénithal baignant de lumière la partie principale de la salle à manger © Jérôme Galland

 

Saturne s’impose comme l’une des rares tables parisiennes à proposer une cuisine d’auteur, délicate, réfléchie et réellement aboutie dans un cadre informel et contemporain.

 

Le service

Service jeune et efficace conforme à l’esprit de la cuisine et du patron des lieux. Sven Chartier, soucieux de rendre sa cuisine accessible à tous sur la forme que sur le fond, mise donc sur une approche du service en salle lorgnant davantage vers le bistrot soigné que vers la table étoilée Michelin.
 

L’addition

Au déjeuner comme au dîner, le menu carte blanche en six plats se négocie à 75€ sans les vins, 140€ avec l’accord des vins nature sélectionnés par Ewen Le Moigne. Le midi, une formule simplifiée permet de venir s’attabler sans casser sa tirelire : entrée, plat et dessert à 45€. Mais ce format traditionnel semble peu adapté à la découverte de la cuisine de Sven Chartier qui ne se dévoile réellement que dans la longueur. Dans tous les cas, le rapport qualité-prix est à la hauteur.
 

Le mot de la fin

Au-delà des débats sur sa supposée radicalité (finalement très exagérée), Saturne s’impose comme l’une des rares tables parisiennes à proposer une cuisine d’auteur, délicate, réfléchie et réellement aboutie dans un cadre informel et contemporain. L'endroit est idéal pour s’offrir un vrai beau moment de partage gastronomique tout en profitant d'une ambiance conviviale, à mille lieux de l'atmosphère compassée de certaines grandes tables, et le tout sans y laisser sa chemise !

Tous les gastronomes et amateurs de bonne chère devraient s’en réjouir ! Car oui, on peut tout autant apprécier la cuisine dépouillée de cet ancien Passardien devenu l’un des hérauts discrets de la jeune cuisine chère au Fooding et à Omnivore que les grandes tables traditionnelles parisiennes et la cuisine de palace. À condition de faire preuve d’un minimum d’ouverture d’esprit.
 

À lire également, notre interview exclusive de Sven Chartier


 

PRATIQUE

Saturne

17, rue Notre-Dame des Victoires
Paris 2ème
 

Du lundi au vendredi, au déjeuner et au dîner.

Formule déjeuner : Entrée/plat/dessert - 45€
Menu Carte blanche 6 plats - 75€ (+ accord vin - 140€)

Tél. : + 33 1.42.60.31.90
E-mail : saturnetablecave@gmail.com
Informations sur le site Web de Saturne.

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