On a testé Rech, le restaurant de la mer d’Alain Ducasse à Paris
RESTAURANT DÉFINITIVEMENT FERMÉ
Le contexte
Déjeuner le 18 mai 2016, 2 convives.
Le pitch
Trois dates pour résumer l’histoire de Rech en un clin d’œil. 1925 d’abord, année à laquelle Adrien Rech crée ce café-restaurant dédié aux produits de la mer. À l'époque, les Alsaciens multipliaient les ouvertures de restaurants de poissons. Une manière astucieuse de vendre leurs Riesling ! Rapidement le 62 avenue des Ternes, au cœur du très policé 17ème arrondissement, devient un lieu de rendez-vous favori des mondains parisiens.
En 2007, l’institution marine tombe dans l’escarcelle du pape de la gastronomie Riviera et chantre de la « cuisine de l’essentiel », Alain Ducasse. Comme il l’a fait pour d’autres grands bistrots parisiens (Benoît, Allard...), le chef multi-étoilé met tout en œuvre pour redonner au lieu son éclat d’antan. Le restaurant fait peau neuve, se dote d’une nouvelle salle éblouissante à l’étage, renouvelle ses arts de la table et revoit sa copie culinairement parlant tout en conservant les plats signatures qui ont fait la réputation de Rech.
2015 enfin. Le jeune trentenaire Damien Leroux, « Ducasse boy », bosseur, brillant, curieux, rejoint le navire. Après avoir été initié aux plaisirs de la cuisine méditerranéenne par le grand Bruno Cirino, il est biberonné à la cuisine Ducasse. Plongé dans le grand bain ducassien dès le plus jeune âge – il rallie le Louis XV, vaisseau amiral triplement étoilé de Ducasse à Monaco à 18 ans seulement –, il fera toute sa carrière, ou presque, dans le giron du grand chef. À Monaco, à Londres (Dorchester, Rivea à l’hôtel Bulgari) et à la Bastide de Moutiers avec une seule infidélité durant ce parcoursremarquable : un passage de six mois dans les cuisines londoniennes du flamboyant Gordon Ramsay. Ajoutez à cela deux voyages initiatiques, au Japon au légendaire restaurant Kikunoi à Kyoto (3*) et en Italie où il côtoiera, entre autres, deux génies de la cuisine transalpine : Gennaro Esposito (2* à la Torre del Saracino dans la baie de Naples) et Massimo Bottura (3*) et vous comprendrez pourquoi Alain Ducasse lui a confié les rênes de la prestigieuse maison de l’avenue des Ternes.
Dans l’assiette
Damien Leroux avoue faire une confiance aveugle au mareyeur breton Gilles Jégo pour son approvisionnement, calibré en fonction des saisons. « C’est lui qui fait tout le travail » explique ainsi le jeune chef au sujet du producteur. Excès de modestie car si le bon produit est la condition sine qua none pour réaliser un beau plat, la talent en cuisine est bel et bien celui du jeune chef, parfaitement en phase avec l’école Ducasse qui l’a amené au plus haut niveau au cours de ces douze dernières années.
Au cours d’un déjeuner printanier séduisant, on a l’occasion d’entrevoir tout le potentiel du jeune chef. Fraîcheur irrésistible pour débuter le déjeuner à travers un tartare de mulet enthousiasmant sous forme d'amuse-bouche et un formidable carpaccio de langoustine qui annonce la couleur. Justesse des saveurs, précision des composition, esthétique des créations, tout est là.
On enchaînera ensuite avec les plats du menu « Méditerranée », seconde escale du périple gourmand « De côte en côte » (détails dans l’encadré). Salade niçoise, bouillabaisse, filet de rouget poêlé, sur le papier, la séquence ne prend guère de risques, revisitant les grands classiques de la cuisine méditerranéenne. Dans l’exécution, en revanche, le plaisir est instantané. Visuellement d’abord, quel bonheur de découvrir des assiettes d’une rare élégance. La salade niçoise ? Réimaginée avec chic. Les goûts sont éclatants.
Constat similaire avec la bouillabaisse, le plat marseillais, habituellement rustique et ici revu et corrigé avec grâce (bouillon servi avec beaucoup de délicatesse devant le convive, à la manière d’une sauce noble dans un grand restaurant). Quant au rouget, il incarne à lui seul la cuisine de l’essentiel si chère à Ducasse et ses poulains. Le poisson brut, simplement « souligné » – magnifié ? - par la courgette et la tomate, personnifie cette cuisine simple, rigoureuse, nette et sans bavure.
Pour finir, une spécialité de la maison : le banon, fromage de chèvre, délicieusement affiné dans des feuilles de châtaigniers, pratique séculaire des bergers, avant d’enchaîner sur le sucré : « cookpot » d’abricot et glace au thym pour poursuivre dans le registre méditerranéen ou éclair XXL, l’un des marqueurs de la maison depuis des décennies. Peut-être les seules faiblesses, toutes relatives, d’un déjeuner de haute tenue.
Dans la salle
Deux étages, deux salles, deux ambiances. Au rez-de-chaussée, le sol en mosaïque-ciment, les appliques chromées ou le comptoir d’origine en zinc donnent à l’ensemble un air de bistrot rétro-chic réussi. Mais le vrai joyau de Rech est sa salle à l’étage : vaste, lumineuse, sobre sans être minimaliste. Parquet clair, fauteuils en chêne aux lignes ondulantes, persiennes en bois laqué blanc, lampions en laiton et quelques rares accrochages aux murs – le plus généralement monochromes – forment le décor. Les arts de la tables, signés par le designer et céramiste belge Pieter Stockmans, parsèment la salle de quelques touches bleues, rappellant bien sûr l’univers marin. Tout cela est parfaitement maîtrisé et nous rappelle qu’Alain Ducasse, au-delà d’être un chef visionnaire, est aussi un homme de goût.
Aux beaux jours, une terrasse de poche avec son en sol teck accueille les hôtes souhaitant profiter du grand air.
Le service
Emmené par le délicieusement truculent Éric Mercier, directeur de salle expérimenté (il a fait ses classes chez Gaston Lenôtre, Alain Passard et Joël Robuchon, rien que ça), le service parvient à trouver le juste équilibre entre le style traditionnel de la maison et une forme de décontraction nécessaire pour éviter une vision anachronique de la restauration.
L’addition
Menu déjeuner entrée, plat, dessert à 44€. Menu dîner entrée, plat, fromage et dessert à 54€. À la carte, entrées de 30 à 38€, plats et poissons entiers de 38 à 70€ par personne, desserts de 12 à 14€.
Plateaux et assiettes de fruits de mer autour de 40€ par personne. Quant au menu événement, en ce moment dédié à la Méditerranée, il se négocie à 80€ pour une entrée, deux plats, fromage et desserts.
Notre verdict
Belle réussite que ce Rech, véritable institution marine parisienne habilement reprise par Alain Ducasse qui y a ajouté sa patte, toute en élégance et simplicité. Pas de choc ni de véritable surprise mais un très beau moment épicurien autour d’une cuisine de la mer mise en musique avec grâce et inspiration par le jeune Damien Leroux, ducassien pur jus dont on n’a certainement pas fini entendre de parler. Voilà un restaurant qui mérite indéniablement de retrouver son étoile !
Rech
RESTAURANT DÉFINITIVEMENT FERMÉ
62 avenue des Ternes
Paris 17ème - M° Ternes
Horaires
Ouvert du mardi au samedi, fermé le dimanche et lundi.
De 12h à 14h et de 19h30 à 22h
Fermetures annuelles
31 juillet au 29 août, réouverture le mardi 30 août au déjeuner.
Informations et réservations : +33 1 45 72 29 47
4 escales (Normandie, Bretagne, Atlantique, Normandie) – 4 menus à découvrir au rythme des saisons et des côtes. Tout au long de l’année, Damien Leroux, le chef de Rech, propose un périple gourmand pour illustrer la richesse des côtes hexagonales et suivre au mieux les saisons marines.
DE MARS A AVRIL : LA NORMANDIE
DE MAI A JUIN : LA MÉDITERRANÉE
DE SEPTEMBRE A OCTOBRE : L'ATLANTIQUE
DE NOVEMBRE A DÉCEMBRE : LA BRETAGNE