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David Ukaleq, Le lundi 27 mars 2023
Hôtels du mois

Portrait Milano, chef d'œuvre de la famille Ferragamo à Milan

Après Rome et Florence, le Portrait s'invite à Milan. Nous avons eu la chance de tester cette prestigieuse adresse peu après son inauguration en fin d'année dernière. Abrité dans un ancien séminaire, c'est certainement le projet hôtelier le plus ambitieux de la famille Ferragamo.
  • La splendide réception, signée Michele Bönan comme le reste de la décoration de l'hôtel, avec une oeuvre de Denis Morog sur le mur de droite. © Portrait Milano
    La splendide réception, signée Michele Bönan comme le reste de la décoration de l'hôtel, avec une oeuvre de Denis Morog sur le mur de droite. © Portrait Milano
  • La nouvelle Piazza del Quadrilatero, cour intérieur de l'ancien séminaire, avec sa double loggia et ses double colonnes, doriques et ioniques. © Portrait Milano
    La nouvelle Piazza del Quadrilatero, cour intérieur de l'ancien séminaire, avec sa double loggia et ses double colonnes, doriques et ioniques. © Portrait Milano
  • L'intérieur de la Junior Suite que nous occupions au 3ème étage. La forme ovale des fenêtres est héritée du bâtiment historique. © DB
    L'intérieur de la Junior Suite que nous occupions au 3ème étage. La forme ovale des fenêtres est héritée du bâtiment historique. © DB
  • On retrouve le goût de Michele Bönan pour les masques ou bustes, africains ou antiques. © Portrait Milano
    On retrouve le goût de Michele Bönan pour les masques ou bustes, africains ou antiques. © Portrait Milano
  • Intérieur d'un Studio Deluxe. Avec le rouge cardinal, le vert est une des couleurs dominantes dans les chambres. © Portrait Milano
    Intérieur d'un Studio Deluxe. Avec le rouge cardinal, le vert est une des couleurs dominantes dans les chambres. © Portrait Milano

Le pitch | Un séminaire vieux de plus de 500 ans

En arrivant au 11 Corso Venezia, la rue qui forme le côté sud-est du Quadrilatero della Moda, on hésite quelques instants : cette monumentale arche baroque est-elle bien l’entrée de l’hôtel ? Nous n’avons pas plus tôt vérifié sur la carte que du personnel placé en avant-poste nous accueille et nous déleste de nos bagages.
 
Quelques dizaines de mètres plus loin, après avoir passé une haute porte, nous découvrons alors la nouvelle Piazza del Quadrilatero. Renommée ainsi à l’occasion de l’ouverture de l’hôtel, elle était à l’origine la cour intérieure du séminaire archiépiscopal fondé par Saint-Charles-Borromée en 1565, à l’époque de la Contre-Réforme. La construction de cet imposant bâtiment, à partir d’une abbaye préexistante, nécessita le concours des meilleurs architectes de l’époque, et prit presque 50 ans pour arriver à sa version finale. Si ses lignes sévères contrastent avec la flamboyance de l’entrée, d’ailleurs plus tardive (1635), de Francesco Maria Richini (l’architecte de nombreux palais milanais dont l’actuelle pinacothèque de Brera), l’atmosphère en cette période d’inauguration n’est pas à l’austérité : la piazza est occupée par des centaines de sapins illuminés !
 

L’incroyable histoire du séminaire :

de Saint-Charles-Borromée aux Ferragamo, en passant par la rencontre de... Steve Jobs et Mario Bellini !

 

Une vidéo ludique, qui retrace l’histoire mouvementée du bâtiment depuis sa création à sa reconversion en hôtel. Nous nous contenterons de relater une anecdote : celle de la rencontre dans les années 80 du légendaire architecte et designer Mario Bellini et de ... Steve Jobs. Bellini avait en effet établi son studio dans une des ailes du bâtiment et Jobs était venu lui demander s’il serait intéressé par une collaboration avec Apple. Une demande pas si étonnante si on se rappelle que Bellini a  longtemps travaillé avec Olivetti, pour laquelle il a designé entre autres le P101, premier ordinateur personnel. Demande rejeté par Bellini, qui remarque avec espièglerie que s’il l’avait acceptée, il aurait fini par dessiner des tablettes, des surfaces planes où il n’y "rien à dessiner"...

 
Pas étonnant, donc, que de nombreux Milanais se pressent pour venir voir cet endroit resté jusque-là fermé au public. Non seulement cette nouvelle place est désormais accessible à tous jusqu’à minuit, mais une seconde entrée en relie le côté opposé à la Via Sant Andrea, formant ainsi une véritable promenade au cœur du quartier de la mode. Il faut ajouter aussi que les périodes d’abandon et d’utilisation à des fins diverses, avaient, au fil des siècles, rendu le bâtiment largement méconnaissable. Pour en restaurer la grandeur originale, tout en l’adaptant à sa nouvelle fonction, il a fallu le talent d’une star de l’architecture et du design, Michele de Lucchi.
Sans surprise, c’est à un autre Michele, dont la collaboration avec la famille Ferragamo remonte à ses premiers projets hôteliers des années 90, qu’a été confiée le design intérieur. On veut parler de Michele Bönan, le « gentleman of style », pour reprendre le titre de la monographie qui lui a été consacrée par Assouline, et dont on ne peut rater les exemplaires disséminés çà et là dans l’hôtel. Son style est immédiatement reconnaissable dans la splendide réception de l’hôtel, avec ses motifs géométriques récurrents qui traversent l’espace, des tapis au mobilier, en passant par l’œuvre murale en béton du plasticien français Denis Morog. Au centre, une longue table n’a d’autres vocations que d’accueillir une multitude de livres d’art mais sa taille n’est, somme toute, qu’en rapport avec celle de la pièce, qui compte également sofa surdimensionné et nombreux fauteuils. Un chef d’œuvre d’architecture intérieure.
 
Après un café pris pendant le check-in, nous partons à la découverte de notre Junior Suite. Si nous sommes invités à prendre l’ascenseur pour rejoindre la loggia du 2ème étage, cette commodité est presque un affront à l’architecture. Car l’escalier à deux volées est d’une suprême élégance. Le beau volume qu’il occupe culmine en une voûte en arc-de-cloître et est dénué de toute fantaisie qui aurait pu distraire les pieuses pensées des séminaristes. Véritablement hors du temps, il semble nous rappeler que nous ne sommes que les derniers d’une très longue liste : au fil des siècles, prisonniers de guerre, blessés, écoliers ou fonctionnaires... ont tour à tour occupé le bâtiment (voir encadré).
 
Mais à la différence des visiteurs des cinq siècles précédents, l’hôte du Portrait qui aura gravi ces marches de granite se retrouve nez à nez avec une immense paroi de verre. A-t-on poussé notre exploration trop loin ? Qu’à cela ne tienne, il s’agit d’une porte coulissante qui finira par s’ébranler si l’on y applique la force de ses deux bras. La loggia a été convertie en un espace semi-intérieur et tout son pourtour est vitré, ce qu’on remarque pourtant à peine depuis la cour. À la belle saison, ces panneaux de verre coulissent eux aussi pour s’ouvrir sur la piazza et y faire entrer la brise. Même en hiver, plantes et fauteuils en osier évoquent des latitudes plus équatoriales et semblent nous inviter à nous attarder. Il nous faut pourtant poursuivre notre chemin et prendre un deuxième ascenseur qui nous amène au 3ème étage, où nous attend notre suite.
  • La loggie supérieure avec ses larges baies vitrées et fauteuils en osier. © DB
  • Le superbe escalier à des volées par lequel on accède à la loggia supérieure. © DB

 

Comment sont les chambres?

Si par abus de langage de nombreux hôtels ont pris l’habitude d’appeler suites des chambres qui, pour être spacieuses, ne consistent guère qu’en une seule pièce, le Portrait est resté fidèle à l’usage original du mot. Se succèdent une entrée qui fait office de mini-bar, un salon hyper-cosy, puis, d’un côté, la chambre à coucher, de l’autre un dressing conduisant à la salle de bain, des toilettes séparées terminant cet enchaînement. Un vrai petit appartement dont chaque pièce dévoile un peu plus de luxe, de savoir-faire artisanal, de matériaux précieux. Si le parquet en mélèze, rare élément rustique, évoque l’Europe du Nord, il est peu visible car recouvert en grande partie par un tapis rouge cardinal, hommage à Borromée.
 
  • Ici une autre Junior Suite. Michele Bönan a rendu hommage à plusieurs icones du design, ici avec une photo du sofa Marshmallow signé George Nelson. © Portrait Milano
    Ici une Junior Suite. Michele Bönan a rendu hommage à plusieurs icones du design, ici avec une photo du sofa Marshmallow signé George Nelson. © Portrait Milano
 
Les murs s’habillent de boiseries en noyer, les portes de panneaux en rotin qui côtoient des poignées torsadées comme des dents de narval, et gainées du meilleur cuir par des artisans florentins. La salle de bain, tout en marbre blanc de Cararre, nous renvoie aux années 20 et 30 du siècle passé, avec sa magnifique robinetterie d’inspiration cubiste, massive et sculpturale. C’est peut-être le dressing qui nous surprend le plus, avec son bois verni et ses miroirs aux appliques en métal, faisant écho à l’intérieur des ascenseurs. On n’a vraiment lésiné sur rien. L’attention au détail est portée à des niveaux extraordinaires. Les luminaires, sont commandés par de petits interrupteurs en laiton regroupés sur des panneaux faits sur mesure, en version murale classique ou en petits boitiers autonomes : un vrai travail d’orfèvre qui fait partie intégrante de la décoration.
 
  • Salle de bain en marbre blanc de Carrare. © Portrait Milano
    Salle de bain en marbre blanc de Carrare. © Portrait Milano
 
Si Michele Bönan avait privilégié les tons neutres et une relative sobriété dans les chambres du Portrait Firenze, l’ouverture précédente de la marque, la décoration se fait ici exubérante, s’inspirant des salons milanais des années ’50. En réalité, on y décèle aussi d’autres influences, asiatiques notamment, le tout formant un mélange indéfinissable et unique, juxtaposition d’éléments qui s’harmonisent miraculeusement sous la baguette de Michele Bünan mais vireraient probablement à la cacophonie avec un chef d’orchestre moins talentueux. Certain(e)s préféreront peut-être une décoration plus dépouillée mais il faut reconnaître que si le minimalisme a aujourd’hui autant de succès, c’est aussi parce qu’il peut s’accommoder d’une certaine médiocrité ; quand la complexité requiert au contraire la virtuosité sans faille d’un décorateur de la trempe de Bönan.
 
  • La chambre à coucher de notre Junior Suite © DB
    La chambre à coucher de notre Junior Suite © DB

Qu’en est-il des autres chambres et suites ? L’hôtel ne compte pas moins de 10 catégories, les chambres étant appelées studios, sans doute pour souligner qu’elles restent très spacieuses, celles de la catégorie la plus économique s’échelonnant entre 32 et 44 m². Elles se répartissent sur 4 étages, le 1er étant situé en dessous de la loggia supérieure, qui correspond au 2ème étage, et bien sûr au-dessus du rez-de-chaussée situé au niveau de la piazza. Le 2ème étage est donc comme on peut s’en douter le plus haut de plafond et les amateurs de volumes généreux pourront par exemple y louer une des magnifiques Suites si leur budget le permet (comptez environ 2 200 € hors promotions). Celles-ci s’ouvrent directement sur la loggia et leurs hautes portes sont si impressionnantes qu’elles évoquent l’entrée d’appartements princiers. Leur intérieur reprend pour l’essentiel le plan de la Junior Suite que nous occupions, mais tout y est plus grand, avec des espaces supplémentaires aussi. La grande salle de bain a une fenêtre qui donne directement... sur la loggia (dotée d’un double système de rideaux pour en protéger l’intimité).

  • Salon d’une Suite. On retrouve les mêmes étagères illuminées que dans le salon attenant au restaurant 10_11. @ DB
    Salon d’une Suite. On retrouve les mêmes étagères illuminées que dans le salon attenant au restaurant 10_11. @ DB

 

Mais ce qu’il est important de comprendre, c’est que la plupart des catégories sont présentes à tous les étages, et que chaque catégorie comprend en fait une assez large variété de studios ou suites.  La nature historique du bâtiment a obligé les architectes a s’adapter en permanence, de sorte que presque chaque suite ou studio est unique. La seule catégorie des Junior Suites a une superficie qui varie entre 48 et 74 m2, ce qui laisse en imaginer la diversité. Cela réserve donc un degré de surprise mais si vous avez des préférences marquées, en termes de taille, de hauteur, d’orientation, etc. il est donc conseillé de prendre contact avec l’hôtel.

 

Et le reste de l’hôtel ?

Nous avons déjà évoqué la splendide réception. Juste de l’autre côté, dans l’aile nord du bâtiment, un merveilleux salon, dont les étagères illuminées mettent en valeur livres et photos encadrées - un superbe design repris notamment dans certaines suites - donne accès au 10_11, le restaurant casual dining de l’hôtel. Ses tables se déploient autour du bar dans la même atmosphère élégante et feutrée que les autres parties communes de l’hôtel, mais en laissant de côté une partie des éléments décoratifs, comme pour mieux laisser les convives se concentrer sur la cuisine. Quand les températures sont clémentes, on peut aussi s’installer en terrasse, derrière les colonnes de la loggia. Ou, tout au long de l’année, côté jardin, dans le même espace qui accueille le matin le petit-déjeuner. Changement de décor de ce côté-ci avec une ambiance plus "country club". Le plafond peint à la main donne l’illusion que s’y prolongent les tentures extérieures tandis que les larges baies vitrées en font une vraie-fausse véranda.
 
  • L’intérieur du restaurant 10_11, qui s’ouvre aussi sur la piazza dont on apercoit les colonnes à travers la baie vitrée. © DB
    L’intérieur du restaurant 10_11, qui s’ouvre aussi sur la piazza dont on aperçoit les colonnes à travers la baie vitrée. © DB
 
10_11 a été confié au jeune chef Alberto Quadrillo. Après avoir fait ses classes avec les plus grands noms de la gastronomie internationale, en Europe et en Asie notamment, ce dernier a su trouver son propre style, spontané mais rigoureux, qu’il exprime maintenant dans la cuisine italienne servie au sein du Portrait. Il est épaulé par le chef-pâtissier Cesare Murzilli.
 
Une alternative au 10_11 est le Beef Bar, qui vient d’ouvrir le mois dernier (février 2023). L’enseigne, prisée des amateurs de viande, n’est plus à présenter. Beef Bar compte plus de 30 restaurants, installés dans les lieux les plus prestigieux comme, à Paris, dans l’atrium art nouveau de l’ancienne Fermette Marbeuf. L’atmosphère est ici celle d’un bar milanais des années ’60 ou ’70 mais attention, pas question d’oublier pour autant que nous sommes dans le séminaire. Beef Bar en occupe l’ancienne chapelle, et le plafond, quoique modifié pour en améliorer l’isolation phonique, en reproduit l’aspect original, avec ses élégantes voûtes.

La présence d’enseignes gérées indépendamment de l’hôtel, à l’instar de Beef Bar, traduit la vocation de la piazza de s’intégrer dans le tissu urbain milanais, plutôt que d’être un espace exclusivement privé ; elle est aussi, de manière plus pragmatique, une manière de diversifier les risques d’un projet aussi ambitieux. Outre les restaurants, le rez-de-chaussée de la piazza compte ainsi plusieurs magasins de mode, comme on peut naturellement s’y attendre en plein coeur du Quadrilatero. L’un d’eux reste toutefois dans le giron familial : il s’agit de SO-LE studio, marque de bijoux créée par Maria Sole Ferragamo. On y trouve, dans un espace au design futuriste et organique, des bijoux créés à partir de matériaux en surplus et, ce qui ne gâche rien, à des prix abordables !

  • Le Beef Bar, situé au rez-de-chaussée de l’hôtel. © Marion Butet Studio
    Le Beef Bar, situé au rez-de-chaussée de l’hôtel. © Marion Butet Studio

 

D’autres ouvertures à venir

Un complexe hôtelier aussi luxueux ne serait pas complet sans un espace spa et wellness. Qu’on se rassure, si on ne l’a pas mentionné plus tôt, c’est que son ouverture a été retardée à l’automne (2023) mais il s’annonce superbe. Gérée par The Longevity Suite, enseigne internationale en pleine expansion, il sera installé en sous-sol et comptera notamment, en plus du fitness et du spa, une superbe piscine. En attendant, l’hôtel propose à ses clients sportifs ou nageurs l’accès, sans frais supplémentaires, à un club de sport voisin appartenant à la marque Virgin Active.

Un restaurant gastronomique doit aussi ouvrir ses portes, il sera dirigé par le même chef Alberto Quadrillo que le 10_11.

Pratique

Portrait Milano

73 clés à partir de 1000 € la nuit, hors promotion.

Via Sant'Andrea, 10,  Milano MI

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