Rencontre avec Alain Montigny, chef étoilé et Meilleur Ouvrier de France à Théoule-sur-Mer
Il aura suffi de quelques mois à Alain Montigny pour offrir sa première étoile à l’Or Bleu, le restaurant gastronomique de l’hôtel Tiara Yaktsa, l’un des plus beaux hôtels de charme de la Côte d’Azur. Ce cuisinier discret n’en est pas à son coup d’essai puisqu’il gagne une étoile dans tous les restaurants qu’il prend en main depuis le milieu des années 2000. Que pousse ce chef, qui fut Meilleur Ouvrier de France dès 2004, avant même avant d’être étoilé, à se dépasser chaque fois un peu plus ? Réponses ici.
YONDER : Bonjour Alain Montigny, pouvez-nous dire comment a commencé votre carrière ?
Alain Montigny : J’ai démarré à 14 ans, à l’école hôtelière de Reims. J’y ai passé trois ans, puis une fois mon CAP en poche, je suis directement entré au Crillon à Paris. À l’époque, le chef était Christian Constant, et son second, Eric Frechon. Il y avait aussi Yves Camdeborde, Gilles Marchal, Christophe Felder en pâtisserie… Ce sont des années où je me suis beaucoup investi, j’ai grandi très vite.
Quels souvenirs gardez-vous de cette époque ?
Nous étions vraiment une belle équipe. La preuve, c’est qu’il n’y en a pas un qui n’ait pas réussi ! Constant m’appelait le « petit Montigny » parce que j’avais 17 ans, j’étais petit et pas très épais. Moi j’adorais être aux côtés d’Eric Frechon, pour sa rigueur et sa qualité de travail. Tous les jours étaient une source d’inspiration.
En quoi ces chefs ont-ils influencé votre cuisine ?
Ils m’ont transmis la rigueur et l’essentiel du goût. Christian Constant disait toujours : « il faut que ce soit bon, c’est ça la cuisine ». Et Eric Frechon avait comme mantra « simple, mais bon ». Je fais depuis une cuisine très épurée, je vais à l’essentiel.
Vous avez été Meilleur Ouvrier de France (MOF) avant d’être étoilé, c’est assez inhabituel…
Oui, j’ai été chef pour la première fois au Dolce Chantilly, en 2000, où j’étais entré comme second trois ans plus tôt. Je me suis d’abord présenté au concours MOF avant de viser l’étoile. J’ai obtenu ce titre en 2004, puis l’étoile est arrivée en 2008. J’ai un peu fait l’inverse du parcours habituel !
Comment décririez-vous votre cuisine ?
C’est une cuisine à la fois classique et innovante. Je ne suis pas du tout dans les tendances type cuisine moléculaire, ou ce genre de choses. Après il y a sûrement des choses à prendre de ce côté-là, mais en ce qui me concerne j’aime travailler les produits de la façon la plus pure possible. L’essentiel c’est le produit, la qualité de la cuisson, de l’assaisonnement, des garnitures, des sauces, la cohérence du tout... Je ne cherche pas à faire compliqué, c’est juste de la cuisine.
Y a-t-il des produits que vous aimez particulièrement travailler ?
Non, je travaille vraiment les produits en fonction de la saisonnalité. C’est la qualité d’un produit qui va me donner envie de le travailler. Ici par exemple, j’ai un poissonnier que j’apprécie beaucoup parce qu’il va me chercher des produits un peu atypiques, que personne ne travaille. Des petits poissons locaux, comme le dorin, des petites dorades aux gros yeux… J’aime faire découvrir tous ces poissons côtiers que l’on n’a pas l’habitude de goûter. Bien sûr il y a aussi les sars, les pageots…Il faut permettre aux gens de s’ouvrir à la cuisine.
Dans ce sens, il est aussi intéressant d’aller chercher des produits qui sortent de la région. Par exemple, on propose des ormeaux avec un beurre d’algues, que l’on sert tout juste snackés, accompagnés d’agrumes. Il est important de faire voyager nos clients, de ne pas se laisser enfermer par le local à tout prix. Globalement je fais très peu de viande car ça n’a pas vraiment de sens avec un restaurant ouvert à 180° sur la mer. L’hôtel Tiara Yaktsa et son voisin le Tiara Miramar figurent parmi les plus beaux hôtels de bord de mer français alors finalement la viande… personne ne m’en réclame !
Comment avez-vous imaginé votre carte ?
Cela fait quelques années que j’avais envie de faire un menu « surprise » selon les arrivages du marché. Je me suis dit que c’était le moment ou jamais. J’ai donc imaginé un menu en 4 ou 6 plats, qui change à chaque fois, selon la pêche du jour et les produits de saison. Quand le client arrive, on lui demande juste s’il a des allergènes ou des produits qu’il n’aime pas, et après, c’est la découverte. Cela permet aussi aux clients qui reviennent plusieurs fois de varier, de ne jamais manger la même chose.
Vous avez décroché l’étoile en début d’année, comment faites-vous pour maintenir le niveau ?
En cuisine nous sommes quatre, l’équipe est réduite donc tout doit être millimétré. C’est vrai que nous avons mis la barre haute. Mais Michelin dit toujours « Faites ce que vous maîtrisez ». Dans tous les cas, in fine, la priorité, c’est le client. Si lorsque je fais mon tour de salle je sens qu’un client n’a pas bien mangé, ça me rend malade. Le tour de salle, c’est stressant, parfois il y a des gens qui ont des goûts tellement particuliers… Mais toutes les assiettes passent devant mes yeux, donc s’il y a le moindre défaut, je le vois !