Chenapan, le nouveau gastro de poche du 9e aux ambitions XXL
Note : 7/10. Contexte : dîner pour deux, juin 2023.
Le pitch ?
Cette petite rue de la Tour d'Auvergne a décidément plus d'un tour dans son sac... Et des étoiles et autres distinctions à distribuer. Ce qui n'a pas échappé au Michelin et consorts qui ont déjà distingué Aspic tout à côté (une étoile Michelin) et feu l'Innocence (une étoile aussi) que nos chenapans ont repris. C'est d'ailleurs sans doute ce qui a dû décider le chef Bruno Laporte et son directeur de salle/sommelier associé Florentin Fraillon, en choisissant de s'y installer, à la fin du printemps. Les deux jeunes hommes, habitués des belles maisons, se sont rencontrés chez William Ledeuil (Ze Kitchen Galerie), où ils ont travaillé ensemble pendant sept ans. De quoi peaufiner leur art, éprouver leur complicité et affiner leur projet. Chenapan est leur première affaire. Et l'envie de bien faire, à tous niveaux, est palpable.
Dans l'assiette ?
Depuis notre table avec vue directe sur les cuisines - et plus précisément sur le passe - on observe le dressage des amuse-bouches. La jeune fille qui opère est concentrée comme au bloc opératoire et manie la pince à épiler comme si sa vie en dépendait... Bien lui en prend, car, s'il n'est pas question de faire tomber un couperet quelconque dès la première bouchée, celle-ci s'avère décisive. En effet, la « tarte croustillante Angus, marmelade nori-wasabi » est un modèle du genre. Visuel réussi, concentration des saveurs, équilibre. Tout y est. Les deux autres sont à l'avenant : « pied de cochon soufflé, anguille laquée » et « petit pois, fraise-piment, olive, feta ». Ces amuse-bouche ne font pas qu'amuser le gourmand, justement. Ils donnent le La de tout un repas.
Si l'on passe allègrement sur la pré-entrée qu'on aurait préférée en pré-dessert, on s'arrête avec joie sur « la betterave, katsuoboshi et cacahuètes » qui, non seulement est particulièrement bien dressée, mais se révèle très aboutie dans les textures comme dans les goûts. Suite plus classique, mais bien exécutée, avec des légumes de printemps élégants, un poisson un peu trop automnal dans l'accompagnement et une viande parfaite. On aurait aimé un peu plus d'audace, peut-être ? Pour le dessert, même ambivalence entre un dessert autour du blé très intéressant sur le papier, mais un poil trop régressif au palais. Et une nage de fraises au sureau rafraîchissante, mais pas révolutionnaire. En un mot, on sent que le chef en a sous le pied, mais qu'il hésite encore à lâcher les chevaux de sa créativité (ou du plaisir, pour les amateurs de Bashung).
Mais aussi ?
Florentin Fraillon maîtrise parfaitement les accords. Un vrai atout pour l'ensemble de ce restaurant parisien. Que l'on choisisse les vins pour tout le menu ou l'accord sans alcool, c'est à la fois surprenant et juste. Il suffit de se laisser guider.
Dans la salle ?
Joli vert aux murs, banquettes en cuir, assises confortables, vue imprenable sur le dressage et la cuisine tout entière, donc... Si l'on ne vient pas ici pour une négociation business (vu l'étroitesse des lieux, la discrétion n'est pas assurée), on aura plaisir à partager ses impressions de dégustation avec les tables voisines. C'est peut-être ça le côté turbulent ? En tout cas, c'est sympa si tout le monde joue le jeu.
Le service ?
Dans une salle aussi petite – 18 couverts, pas un de plus – Pas évident de créer une atmosphère. Florentin Fraillon, avec son large sourire et son sens de l'humain, y arrive pourtant parfaitement. Il explique les plats avec passion, s'adapte à son interlocuteur et propose des accords qui font mouche. Bravo à lui. Seul bémol : la playlist hip-hop, qui ne couvre pas le bruit des conversations, mais qui parasite un peu le reste.
Les plats à goûter ?
Difficile de répondre à cette question, car le menu carte blanche change très souvent, fonction des micro-saisons, des arrivages et de l'humeur du chef Bruno Laporte. En l'espèce, ce soir-là, on a particulièrement apprécié la betterave katsuoboshi.
Les prix ?
Deux menus proposés :
- Entrée, plat au choix, dessert : 59 €
- 2 entrées, 2 plats, dessert : 79 €
- Accord alcoolisé ou non, sur-mesure.
Notre avis en un clin d’œil
Belle découverte que ce petit Chenapan qui a tous les atouts pour jouer dans la cour des grands. On aimerait juste qu'en attendant, il en profite pour oser et faire un peu plus de bêtises... On compte sur lui pour se dévergonder dès la rentrée.
Chenapan
28 rue de la Tour d’Auvergne, 75009 Paris
Au dîner, du mardi au samedi à partir de 19h
Au déjeuner, les vendredi et samedi à partir de 12h