Quand le chef californien triplement étoilé David Kinch s’invite au Taillevent
David Kinch au Taillevent pour un dîner « 5 étoiles »
Los Gatos, Californie. Si la cité californienne est connue pour abriter le siège de Netflix, c’est aussi là que l’on retrouve l’une des meilleures tables américaines. Depuis l’édition 2016 du Guide Michelin USA, Manresa a en effet atteint le Graal gastronomique. Trois étoiles venant récompenser le restaurant que David Kinch a ouvert en 2002, dans un pays qui, à ce jour, ne compte que quatorze autres maisons du même rang. C’est dire si le chef, considéré comme l’une des têtes pensantes de la cuisine californienne contemporaine, jouit en son pays d’une réputation solide.
À l’occasion du quinzième anniversaire de son restaurant californien, David Kinch s’offre une tournée en France dans trois illustres maisons : Le Taillevent à Paris, l’Oustau de Baumanière en Provence et Le Petit Nice de Gérald Passédat à Marseille, toutes membres de la prestigieuse famille des Relais & Châteaux, à laquelle appartient également Manresa.
Pour le chef, héritier du mouvement locavore lancé en Californie à la fin des années 1970, ce grand voyage en France (il est non seulement accompagné de son chef-sommelier Jim Rollston mais aussi de toute sa brigade) est une forme de retour aux sources. « Tout jeune cuisinier, j’étais déjà attiré par la France pour sa culture et sa gastronomie, son art de vivre et l’importance des plaisirs de la table. J’ai une énorme admiration pour cet art de vivre à la française » témoigne ainsi le chef, bien décidé à célébrer son succès californien dans l’Hexagone, à commencer par une série de repas au Taillevent, l’une des plus fameuses institutions gastronomiques de la capitale.
Pour en savoir plus, retrouvez notre article complet sur cette adresse mythique qu’est Le Taillevent dans le cadre de notre série sur les 50 meilleurs restaurants de Paris. À (re)lire également, notre grande interview d’Alain Solivérès, son chef doublement étoilé.
Dans l’assiette, la modernité californienne et la tradition française
Ce jeudi 28 septembre, David Kinch et Alain Solivérès faisaient salle comble au Taillevent, accueillant une foule d’hôtes connaisseurs, chics et curieux. Parmi les invités de marque venus assister au récital des deux chefs cumulant à eux deux 5-étoiles, Michael Ellis, le patron franco-américain des guides Michelin.
Dans l’assiette, le dîner commence sur les chapeaux de roue avec l’épeautre du pays de Sault cuisiné comme un risotto, avec ses cèpes de saison et ormeaux. Le plat est bien connu des habitués du restaurant de la rue Lamennais, se posant en symbole de la modernité qu’a su apporter Alain Solivérès à cette maison gastronomique. David Kinch répond à cette entrée en matière par un plat pensé comme un hommage à la France et pourtant vitrine de son savoir-faire tout californien : une bouillabaisse « en gelée », magnifiant le homard bleu et les saveurs méditerranéennes, extrêmement contemporaine sur la forme comme sur le fond.
L’étape suivante, le « plat de résistance » du dîner, change la donne. Les deux chefs optent pour un ingrédient commun – la canette des Dombes – mais une approche antagoniste de la cuisine. Le temps, l’espace, le style, tout oppose ces deux versions d’un même plat, présenté en deux services. Au minimalisme léché de l’assiette de David Kinch, Alain Solivérès réplique avec une autre assiette emblématique du Taillevent : la tourte feuilletée de canard et sa sauce rouennaise. La Californie contre la France. Les années 2010 VS les influences du début du XXème siècle. La contemporanéité des grands chefs 3-étoiles de l’époque face à la tradition issue des recettes d’Auguste Escoffier. Un contraste radical qui permet autant de comprendre l’évolution de la grande cuisine, que de souligner les qualités intrinsèques de chaque plat.
Les dernières notes du dîner – sucrées, forcément – attestent de cette complémentarité de style qui aura été la marque de fabrique de ce dîner à quatre mains. Au dessert de chef, alliant saveurs subtiles et originales (figues rôties, yaourt, granola, oseille), Alain Solivérès et Gilles Marchal ripostent avec une création autour du chocolat Guanaja et du café du Brésil. La quintessence du savoir-faire pâtissier français. Une séquence impeccablement maitrisée venant mettre un point final enthousiasmant à un dîner qui ne l'était pas moins !
Vins français et californiens, le meilleur des deux mondes
Jim Rollston, le chef-sommelier de Manresa en Californie, avait fait lui aussi le déplacement. Dans un Français impeccable, visiblement plus que ravi d’exercer son métier dans ce temple de l’art de vivre à la française qu’est le Taillevent, le patron des caves de Manresa se déplaçait de table en table avec discrétion, expliquant avec gourmandise les spécifités et subtilités de l’accord mets-vins qu’il avait concocté pour l’occasion.
Aux côtés de grandes bouteilles hexagonales issues de la prestigieuse cave du restaurant [avec plus de 3,000 références et des dizaines de milliers de bouteilles, la cave du Taillevent est réputée pour être l’une des plus belles de la capitale, NDLR], un Puligny Montrachet 2010 (Domaine Leflaive) ou un Cornas, les Chailles 2010, (Domaine Voge) pour accompagner le canard, Jim Rollston avait également emmené dans ses valises quelques bouteilles remarquables venues du Nouveau Monde : Au Bon Climat 2015, un élégant Chardonnay tout droit venu de Santa Barbara ou encore Le Cigare Volant 2008 (Bonny Doon), un rouge soyeux aux subtiles notes de fruits rouges et d’épices, en provenance des collines de Santa Cruz.
Mais la vedette de la soirée était sans aucun doute ce singulier vin californien, servi pour sublimer le dessert de David Kinch. Le Sine Qua Non Mr K The Nobleman 2002, à la robe dorée éclatante, dévoilait alors une complexité aromatique phénoménale, sans aucun doute digne des meilleurs liquoreux du monde. Un moment de dégustation grandiose. Pas besoin d'en dire plus pour comprendre l’intérêt de faire dialoguer les cultures gastronomiques, un tranquille soir d’automne à Paris...
PRATIQUE
Le Taillevent
15 rue Lamennais, Paris 8ème
Ouvert du lundi au vendredi, au déjeuner et au dîner.
Site Web du restaurant Le Taillevent
Réservations au téléphone : +33 (0)1 44 95 15 01 ou via le formulaire en ligne.
Contact par e-mail : letaillevent@taillevent.com