Mathieu BelayMathieu Belay, Le dimanche 11 septembre 2016
Restaurants

Les 50 meilleurs restaurants de Paris #15 : Alléno Paris au Pavillon Ledoyen

Depuis l’été 2014, Yannick Alléno a repris les rênes du Pavillon Ledoyen dans les jardins des Champs-Élysées. Le chef triplement étoilé, ancien du Meurice, en a fait l’adresse emblématique de la réinvention du grand restaurant français, sur la forme comme sur le fond. Un travail titanesque.
  • Timbale de langoustines à la nage Duxelles de courgettes violon aux amandes croquantes, salade Nicole © Yonder.fr
    Timbale de langoustines à la nage Duxelles de courgettes violon aux amandes croquantes, salade Nicole © Yonder.fr
  • Touches sucrées : Tarte rhubarbe, gelée navet et miel – Gelée Extraction® dattes, chocolat et coriandre – Fraise en croute de sucre, caramel de dattes © Yonder.fr
    Touches sucrées : Tarte rhubarbe, gelée navet et miel – Gelée Extraction® dattes, chocolat et coriandre – Fraise en croute de sucre, caramel de dattes © Yonder.fr
  • Yannick Alléno a pris possession du très chic Pavillon Ledoyen dans le 8ème arrondissement de Paris © Philippe Vaurès
    Yannick Alléno a pris possession du très chic Pavillon Ledoyen dans le 8ème arrondissement de Paris © Philippe Vaurès
Avec son travail de réhabilitation des sauces, Yannick Alléno est de ceux qui inventent la grammaire gastronomique de demain.

Le pitch : Yannick Alléno, penseur de la cuisine moderne

Plus que jamais, Yannick Alléno semble être partout. Après avoir écrit l’histoire gastronomique d’un palace qui n’en avait pas encore, Le Meurice auquel il a obtenu trois étoiles Michelin, après avoir créé une marque Alléno -  bien qu’il s’en défende - déployée de Paris à Courchevel ou de Marrakech à Dubaï, c’est un grand restaurant français, dans la plus pure tradition gastronomique hexagonale, qu’il s’est offert en faisant l’acquisition du Pavillon Ledoyen, mythique table du quartier des Champs-Elysées.

L’arrivée de l’ancien taulier du Meurice chez Ledoyen, succédant à Christian Le Squer parti en mission commandée au Cinq, ne n’est pourtant pas faite sans accrocs. À trente-six heures du premier service, la cave à vins est vide. Entièrement. S’en suivra une course contre la montre effrénée pour reconstituer fissa un stock de vins capable d’accompagner une cuisine triplement étoilée. Le challenge semble impossible. Yannick Alléno le relévera, comme à son habitude.

Portrait de Yannick Alléno par Geoffroy de Boismenu

 

Cette recherche permanente d’un absolu est l’un des marqueurs de la trajectoire professionnelle du chef. Attaché au cérémonial du grand repas gastronomique français, celui là même qui a été classé par l’UNESCO, il assume le caractère exclusif de sa cuisine. « Je suis contre la démocratisation de la grande cuisine. Elle doit se mériter. Est-ce que tout doit être accessible facilement ,aujourd’hui ? Je ne pense pas. » Ce qui pourrait s’apparenter à une posture correspond en réalité à une vraie démarche. Avec son travail de réhabilitation des sauces, il est de ceux qui inventent la grammaire gastronomique de demain. Sur la forme également, le chef originaire de la région parisienne, fier défenseur du terroir parisien, a décidé de faire bouger les lignes. Soucieux de ne pas prendre « en otage » les clients venus déjeuner, il est le seul trois-étoiles au monde à proposer une formule déjeuner unique en son genre : « Le Principal ». Un plat d’exception, un café et des mignardises, à accompagner, ou non d’un verre de vin, le tout pour seulement 72€ (sans le vin) et servi en 45 minutes top chrono. Une manière maline et innovante de faire face à la situation morose des grands restaurants parisiens à l’heure du déjeuner.

  • Soupe improbable de poissons fins (Lichettes de rouget citronnées sur glace à l’huile d’olive) © Yonder.fr
  • Soupe improbable de poissons fins (Petites ravioles « cappelleti » beurrées) © Yonder.fr

 

Le reste du déjeuner est un tourbillon étourdissant de saveurs et d’une créativité qui semble désormais sans limite.

 

Dans l’assiette

« Une nouvelle gastronomie est née : humble, respectueuse du client… et cinglante » saluait François Simon en mai dernier, donnant son assentiment au « Principal », la formule nouvellement étrennée par Yannick Alléno au Pavillon Ledoyen. Notre expérience au déjeuner nous a permis d’aller au-delà de la nouvelle formule Principal pour mieux appréhender la cuisine du maître des lieux.

Guimauve à la châtaigne, chapelure de griottes et châtaignes ; tuile aux algues et mousse d’anguille citronnée et gratinée des Halles moderne donnent le ton. Maîtrise des goûts, précision, esthétisme, tout est là. En version miniature. Le premier véritable choc viendra dans la foulée. L’avocat « resté 18 mois sur l’arbre » servi en millefeuille de céleri montre l’étendue des talents de Yannick Alléno. Son aptitude à innover sans relâche. Sa capacité à créer des assiettes mémorables sans convoquer la farandole de produits de luxe qui sont – trop souvent - la marque de fabrique des tables estampillées trois-étoiles. Son penchant pour une esthétique moderne tranchée, comme en témoigne le dressage : pictural à souhait sans être cliché. En bouche, c’est l’occasion de mettre une sensation sur le concept de caudalie gastronomique que Yannick Alléno évoque avec passion. De la même manière qu’un grand vin se reconnaît (en partie du moins) à sa longueur en bouche, l’ancien chef du Meurice imagine ses créations culinaires en fonction de cette variable. François Audouze, collectionneur de vins rares, spécialisé dans les vieux millésimes, explique ainsi que « le goût en finale n’est pas le même que le goût à l’attaque de la bouchée ». Et souligne que, comme pour un très grand vin, « le goût ne finit pas ». Voilà qui en dit long sur le niveau que le patron des cuisines de Ledoyen a atteint.

Avocats restés sur l’arbre 18 mois en millefeuille de céleri ; Extraction coco aux « éclats » de chia © MB | YONDER.fr

 


Le reste du déjeuner est un tourbillon étourdissant de saveurs et d’une créativité qui semble désormais sans limite. La soupe improbable de poissons fins fascine tant par la complexité de sa construction (lichettes de rouget citronnées sur glace à l’huile d’olive ou petites ravioles « cappelleti » beurrées) que par la pureté hors du commun de ses saveurs. Avec ce « lait de sole » absolument délicieux, obtenu par la cuisson sous vide d'un morceau de sole dont l’exsudat sera récupéré et mixé, Alléno imprime sa signature avec maestria.

Même maîtrise sur les viandes (exceptionnel Wagyu grade 4, véritable bœuf japonais, avec son assaisonnement iodé éclatant) et sur les desserts jusqu’à cette merveilleuse tarte à la bière qui vient conclure avec brio un déjeuner en tout point sensationnel.

Découvrez notre entretien complet avec Yannick Alléno pour en savoir plus sur son parcours, ses inspirations et sa vision.

  • Bœuf Wagyu Gunma « grade 4 » à l’unilatéral © Yonder.fr
  • Timbale de langoustines à la nage ; Duxelles de courgettes violon aux amandes croquantes, salade Nicole © Yonder.fr

 

Plusieurs millions d’euros devraient être investis pour moderniser le lieu et lui donner les standards d’un luxe plus… contemporain.

 

Dans la salle

Construit en 1848 sous le règne de Louis-Philippe, le Pavillon Ledoyen déploie son style néoclassique sur plus de 1 600 mètres carrés et quatre niveaux. La salle au premier étage est classée Monument Historique et offre une vue sans équivalent sur les Champs-Elysées. Ce qui fait dire au chef que son nouveau chez lui (depuis l’été 2014 tout de même) n’est qu’une « maison de bord de nationale », reprenant à son compte les mots ironiques de sa propre mère. Cette modestie surjouée avec humour masque mal l’impatience du chef de voir les grands travaux de rénovation du Pavillon aboutir. Plusieurs millions d’euros devraient être investis pour moderniser le lieu et lui donner les standards d’un luxe plus… contemporain. La Cuisine Moderne, successeur de la Nouvelle Cuisine, évoquée par le chroniqueur gastronomique Claude Lebey et incarnée par Yannick Alléno, passera aussi par la réhabilitation d’un Pavillon au charme un brin daté. Mais que cela ne vous empêche pas pour autant de réserver une table dès maintenant. Le niveau de confort y est actuellement, et sans aucun, l’un des plus élevés que l’on puisse imaginer dans la capitale.

La salle à manger au premier étage du Pavillon Ledoyen. Elle doit être prochainement rénovée de fond en comble © Philippe Vaurès

 

« La modernité n’exclut pas le passé, elle le transcende » explique Yannick Alléno.

 

Le service

Service millimétréorchestré par une équipe en salle enthousiaste. Pour ceux qui n’ont jamais franchi le seuil d’une table triplement étoilée, sachez que l’on est là dans le registre de la perfection. Mais une perfection distillée avec tant de discrétion et de grâce qu’on ne la remarque à peine. Du grand art.

 

L’addition

« Le Principal » permet d’aller déjeuner dans le grand restaurant de Yannick Alléno sans se ruiner, ce qui est pour le moins une formidable nouvelle pour tous les gastronomes de France et de Navarre ! Comptez ainsi 72 € pour le « plat, café et mignardises » et 89 € pour « plat, café, mignardises et verre de vin sélectionné par le chef sommelier ».

Toujours au déjeuner, une formule en quatre services est proposée dès 135€. Pour avoir une idée plus exhaustive des talents de Yannick Alléno, il faudra compter 290€ (menu en huit services) ou même 380€ pour le menu « Trois Étoiles ». Tous ces prix, et cela va sans dire, s’entendant sans les vins.
 

Le mot de la fin

« La modernité n’exclut pas le passé, elle le transcende » explique Yannick Alléno, revendiquant l’héritage culinaire français dans toute sa splendeur et ne reniant jamais la particularité gastronomique qui est celle de ce pays depuis des siècles. Mais, et il y a un grand mais, si Yannick Alléno s’inscrit dans une filiation historique, il est aussi l’un de ces cuisiniers dont la maturité et le talent lui permettent d’écrire une nouvelle page de l’histoire de la cuisine française. Le niveau d’excellence vertigineux qu’il a déjà atteint, ses recherches avant-gardistes sur les sauces comme sa vision modernisée de la haute gastronomie nous font dire que Yannick Alléno serait un excellent candidat à la quatrième étoile Michelin, si elle venait un jour à être décernée !
 

À lire également, notre interview exclusive de Yannick Alléno

 

PRATIQUE

Alléno Paris au Pavillon Ledoyen

Carré des Champs-Elysées
8 rue Dutuit 75008 Paris

Ouvert du lundi au samedi soir (sauf samedi midi). Fermé les samedis midi et dimanche

Tél. : +33 (0) 1 53 05 10 01
E-mail : ledoyen@yannick-alleno.com 
Informations et réservations sur le site Web de Yannick Alléno.

Note : le déjeuner ayant permis l’écriture de cet article a eu lieu le lundi 16 mai 2016.