Les 50 meilleurs restaurants de Paris #27: Le Grand Restaurant de Jean-François Piège
Après la Maison Rostang, table mythique doublement étoilée du 17ème arrondissement, on s’attèle à une autre table, également doublement étoilée, qui se verrait bien décrocher un troisième macaron sans trop tarder : Le Grand Restaurant de Jean-François Piège.
Le pitch : la genèse d’un Grand Restaurant contemporain par Jean-François Piège
Il faut revenir près de deux ans en arrière pour revenir sur l’ouverture remarquée du Grand Restaurant. On est en septembre 2015. Jean-François Piège, cuisinier dont le visage est familier de millions de Français depuis qu’il a rejoint en 2010 le jury de Top Chef, est finalement chez lui. Dans une toute nouvelle adresse de la rue d’Aguesseau dans le 8ème arrondissement de Paris. « Un rêve de gamin » pour ce natif de Valence, qui avait pour héros Jacques Pic dans les années 1980. Après s’être affirmé comme l’un des meilleurs chefs de palace de l’Hexagone (au Louis XV et au Plaza Athénée avec Alain Ducasse, au Crillon avec Christian Constant puis seul dans un second temps), après avoir enthousiasmé tout ce que Paris compte de foodistas chez Thoumieux, le voici donc seul aux commandes du « projet de sa vie ». Seul, pas tout à fait, puisque le chef peut compter sur le soutien indéfectible de son épouse Elodie qui, si elle n’intervient jamais dans l’élaboration de sa cuisine, est omniprésente pour assurer la gestion de ses multiples projets.
En affichant clairement ses ambitions (décrocher trois étoiles), en faisant le parti d’une indépendance totale, ou en faisant le pari d’un nom sujet aux procès en vanité (Le Grand Restaurant), Jean-François Piège n’a pas choisi d’être consensuel. Il n’en a cure. « Ceux qui ne m’aiment pas, ne m’aimeront toujours pas. Ceux qui doivent comprendre, comprendront » explique-t-il a posteriori, balayant les accusations de provocation ou de présomption. Pour lui, il s’agit avant tout d’assumer. Assumer une certaine vision de la restauration, attachée à un décorum et des codes particuliers. Assumer une cuisine d’auteur, singulière, inscrite dans la tradition française et pourtant bien ancrée dans son époque. Assumer un objectif sans faux-semblant; celui de séduire le Guide Michelin au plus haut niveau, .
Après vingt-et-un mois d’existence, son Grand Restaurant n’a peut-être pas encore décroché le Graal gastronomique tant attendu, le succès critique, comme public, est, lui, bien au rendez-vous.
Découvrez notre interview exclusive de Jean-François Piège, pour en savoir plus sur son parcours et sa vision de la cuisine.
Dans l’assiette
L’expérience culinaire du Grand Restaurant commence avec la prise en main de la carte. Au format XXL, listant des plats aux intitulés aussi précis qu'aguichants, offrant un choix inattendu pour un restaurant de cette dimension (cinq entrées, six plats et autant de desserts sont à choisir pour ceux qui n’opteraient pas pour le menu), la carte rappelle, sur la forme, davantage celle de La Tour d’Argent que des restaurants d'auteur contemporains.
Puis débute la dégustation à proprement parler. Le Caviar Kristal doré servi sur une pomme soufflée craquante, crème foisonnée d'extraits de crustacés en chaud et froid, bouillon toasté semble déjà contenir tous les ingrédients de la haute cuisine imaginée par Jean-François Piège. La noblesse des ingrédients, le haut niveau de technicité de l’exécution, l’équilibre des goûts, l’esthétique ultra soignée (en y incluant les arts de la table), l’incroyable sens du détail. Dans cette introduction plus que séduisante, seul un élément manque à l’appel : la cuisson, particulièrement chère à Jean-François Piège. « L’identité de ma cuisine est la cuisson » rappelle-t-il, quand on le questionne sur sa singularité derrière les fourneaux, mettant en avant son concept de « mijoté moderne », une manière de s’approprier la tradition française en la réinventant avec audace.
Si le Homard bleu mijoté en feuilles de cassis sur des carapaces, concentré des baies, foie gras, poivre voantsy perifery offre un premier aperçu prometteur de cette manière innovante d’appréhender la cuisson, c’est bien le Ris de veau mijotés sur des coques de noix qui permet de comprendre de manière, intuitive et gourmande, l’ambitieuse cuisine de Jean-François Piège. Les arômes de noix embaument la chair du ris de veau, d’une tendreté exceptionnelle. La mousseline d’amande, servie en accompagnement, ne fait alors que renforcer l’onctuosité de ce plat hors norme, devenu l’une des signatures de la maison.
La suite du déjeuner n’atteint pas les sommets atteints par le plat principal. Pour autant, l’inventivité du chef n’est jamais démentie comme en témoigne ce très original brie de Meaux servi fondant avec une glace à l’oseille et du sablé. Pas davantage que son sens aigu de la précision (Fraise des bois, glace à l’épicéa, sablé) ou sa capacité à délivrer des assiettes visuellement irréprochables. La dernière séquence sucrée du déjeuner est là pour nous le rappeler avec délicatesse.
Dans la salle
Paradoxe amusant, le Grand Restaurant de Jean-François Piège est en réalité un lieu intimiste, par ses dimensions comme par son atmosphère. Pas évident, de prime abord, de faire de cette salle à manger aveugle un restaurant de grand standing. Et pourtant, le travail par Gulla Jónsdóttir, designer islandaise basée à Los Angeles , fait du Grand Restaurant un écrin propice à la découverte de la cuisine créative du chef. La cuisine, par laquelle arrivent les convives, immédiatement derrière la porte d'entrée, inverse la hiérarchie habituelle de l’aménagement de l’espace. La verrière, aux formes géométriques, apporte lumière et modernité. Les matériaux nobles cohabitent avec le béton. Tout comme sur la table, les grandes maisons traditionnelles françaises (Bernardaud, Baccarat) partagent l’espace avec les créations d’artisans à la renommée confidentielle. Tout est, ici, question d’équilibre et de tension.
Le service
De l’élégance, une certaine dose de formalisme propre au restaurant gastronomique français, un chouïa de show et beaucoup de modernité caractérisent le service. Encore une fois, l’équilibre à trouver, entre l’esprit « grand restaurant » indispensable à la cohérence des lieux, et l’époque contemporaine, impose de marcher sur un fil. Les équipes en salle y parviennent à merveille.
L’addition
Entrées de 68 à 135€ ; plats de 72 à 105€ ; desserts à 30€. Niveau menu, comptez au minimum 85€ au déjeuner (entrée, plat, dessert) et 216 à 266€ pour les prestigieux menus dégustation (en 5 séquences chacun). Les accords mets et vins desdits menus se négocient respectivement à 110 et 130€ tandis que le menu Grand Cru (Dom Pérignon, Château Haut-Brion, Château Margaux, Château Yquem, etc.) nécessite de dépenser exactement 616€ par tête de pipe.
Le mot de la fin
Avec son Grand Restaurant, Jean-François Piège réussit un pari que bien peu ont accompli avec lui : celui d’être à la tête d’une table d’auteur, bénéficiant d’une liberté complète, offrant le confort et l’agrément des plus beaux restaurants de la capitale. « Quel chef à Paris a ouvert un grand restaurant gastronomique ces vingt dernières années, de manière totalement indépendante ? » nous demandait ainsi Jean-François Piège, de manière rhétorique, alors que nous l’interviewions. Vous avez désormais la réponse.
Le Grand Restaurant
7 rue d’Aguesseau
Paris 8ème
Ouvert du lundi au vendredi,
au déjeuner de 12h30 à 13h30 et au dîner de 19h30 à 21h30.
Parking et métros les plus proche : Madeleine ou Concorde. Pas de service voiturier
Tél : + 33 1 53 05 00 00
Informations sur le site Web de Jean-François Piège