Une semaine dans le Dhofar : sur la route de l’encens
Le Dhofar se distingue par des traditions bien vivaces, des plaines fertiles, et un patrimoine particulièrement intéressant : l’Unesco y a retenu pas moins de quatre sites liés à ce qui fit la renommée et la richesse de cette contrée, l’encens. Une région qui se visite à contre-courant du reste du pays, après le khareef, la mousson estivale, lorsque Omanais, Qataris et Saoudiens ont délaissé sa fraîcheur mais que les paysages conservent, pour quelques semaines encore toutes leurs saveurs.
Étape 1 | Salalah, capitale du Dhofar
On atterrit à Salalah, capitale du gouvernorat du Dhofar, à 1 000 km au sud de Mascate. Seconde ville du pays avec ces quelque 400 000 habitants, elle demeure encore une destination des plus discrètes du Sultanat d’Oman. L’aéroport n’est qu’à 7 km. Alors on la traverse pour s’en faire une idée. Des avenues plutôt larges, bardées de petits magasins, des immeubles sans grand charme et un petit air décrépi. Ravalez votre déception, il faut savoir être patient. Empruntez cette route à droite ; vous êtes arrivés à l'Al-Baleed Resort Salalah by Anantara, votre hôtel en front de mer pour les prochaines nuits.
Une longue allée, une cour pavée ornée d’un arbre à encens. Face-à-face deux bâtiments blanchis à la chaux, inspirés des anciennes forteresses omanaises, en témoignent les deux immenses portes en bois sculptés qui s’ouvrent sur le lobby. Du marbre, une belle hauteur sous plafond, trois plantureux bureaux pour un check-in confortable. Le regard glisse vers le salon adjacent aux canapés profonds et au-delà, un premier bassin. Le complexe abrite 40 chambres et 136 villas éparpillées dans un superbe jardin tropical parsemé de jeux d’eaux. Au-delà de la vaste piscine à débordement – 44 mètres de long, on est happé par la plage de sable blanc. 250 mètres sont privés mais elle s’étend bien au-delà de part et d’autre, offrant une apaisante virginité face aux eaux claires de la mer d’Oman. Pour le premier soir, laissez-vous tentez par l’un des trois restaurants de l’hôtel. Al Mina joue avec les produits de la mer, souvent locaux comme cette langouste frétillante que taquinent des saveurs italiennes, espagnoles ou grecques. On s’attarde après dîner pour un digestif ou une chicha sur la terrasse abritée, face à la mer bien sûr.
Anantara/ Al-baleed-Salalah
176 clés, dont 136 villas
PO Box 360, PC 214, Rue Al Mansurah, Al Baleed, Salalah
Site Web
Étape 2 | Un petit air irlandais, un site oublié, un parfum insensé
Pour bien commencer la journée, place au buffet du petit déjeuner du restaurant Sakalan – Terre de l’encens – pantagruélique dans le choix de plats chauds et froids, aux parfums d’Orient et de Moyen-Orient (shashuka, dal omanais…). Les palais plus européens sont tout autant gâtés : gaufres ou fromages, œufs Bénédicte ou viennoiseries.
Ce matin, direction plein ouest vers la frontière yéménite par la route 47. De hautes grues, des conteneurs par milliers et ce chassé-croisé de navires : le port de Salalah est le plus important du pays, tissant toujours ce lien commercial entre l’Europe et l’Asie. On laisse couler un paysage aride. D’un côté la mer, de l’autre une plaine envahie de troupeaux de dromadaires. L’herbe est trop rase ? Qu’à cela ne tienne, un groupe de camélidés traverse nonchalamment la route, jette un œil aussi rond qu’indifférent aux voitures qui klaxonnent d’impatience.
Le panorama change quelque peu, s’arrondit sous le dos de collines. La brume se lève aussi, drapant d’un fantasmagorique manteau l’âpreté du massif d’Al-Qamar, la montagne de la lune. Soudain, une longue plage sauvage, celle de Mughsayl surveillée par des falaises. Des grappes de familles, une poignée de touristes indiens s’échappent des voitures sagement garées. Certains s’arrêtent devant ce stand de glace. D’autres grimpent directement jusqu’à la grotte de Marneef, se précipitent sur le belvédère aménagé au-dessus de la mer. Ils sont bien là, ces trous de souffleurs, cavités dans lesquelles s’engouffrent les vagues avec rage pour mieux cracher bruyamment leur jet. Selon la saison, ils peuvent atteindre 20 mètres de haut ! Certes le ciel, d’un blanc laiteux, n’aide pas à la photo instagrammable. Mais, pour un peu, on se croirait dans un coin perdu d’Irlande, battu par les vents. Improbable, croyait-on, sous ces latitudes.
Pour déjeuner, le choix est vite fait : un seul restaurant installé sur la corniche, face à la mer. L’intérieur est un peu triste, on se rabat sur la terrasse. Et l’on mange, indien et végétarien. A défaut d’être gastronomique, la cuisine est honnête et le service gentil. Le temps s’est dégagé, un pâle soleil nappe la montagne, à vous la Furious Road : 8 virages en épingle à cheveux sur 5 km. On n’est qu’à 400 mètres d’altitude, mais le panorama est splendide.
Vous ne l’avez peut-être pas remarqué, mais hier vous êtes passé devant le joyau de Salalah séparé de votre hôtel par un lagon. La ville abrite en effet l’un des quatre sites de la région retenus au patrimoine mondial de l’Unesco, le parc archéologique d’Al-Balid. De ce port de Z̧afār – son ancien nom – partaient les navires chargés d’encens du VIIIe au XVIe siècle. On visite tout d’abord le musée de la terre de l’encens ( Museum of the Land of Frankincense) qui retrace non seulement l’histoire et le commerce de l’inestimable plante mais aussi celle de la navigation, tout aussi intéressante avec ses maquettes de bateaux et ses astrolabes. La mosquée, quelques fortins, le fort : il faut faire assaut d’imagination pour voir, en ces quelques ruines, la bouillonnante cité antique. Mais combien il est émouvant de s’imaginer que Marco Polo, lui-même l’arpenta au XIIIe siècle ! Le jour décline, posant de délicates teintes orangées sur ce décor oublié.
18h, l’heure idéale pour découvrir le souk Al Husn, lui aussi unique en son genre. Non qu’il soit particulièrement grand mais dédié, presque entièrement, à l’encens. Les locaux viennent en famille ou entre amis faire leurs achats. Deux allées couvertes autour desquelles se blottissent une multitude d’échoppes, brillamment éclairées. Des volutes de fumée, un parfum tour à tour subtil et entêtant. Chaque marchand tente d’attirer le chaland. De la taille et de la couleur de la résine dépend le prix. Grossière, et tirant vers les jaunes et les bruns, elle purifie la maison. Petits cailloux d’un vert pâle presque translucide, c’est un remède ancestral pour renforcer le système immunitaire : certains le mâchent… on vous conseille plutôt de mettre deux pépites dans une bouteille d’eau, de laisser infuser toute la nuit, avant de goûter cette boisson délicatement parfumée. Savons, parfums, onguents : les produits dérivés ne manquent pas. Attention aux tarifs les plus attractifs, souvent synonymes d’encens yéménite, de moindre qualité. À condition de marchander un peu, même le meilleur sera moins cher qu’à Mascate.
Ce soir, le dîner au Souly Lodge est informel, dans cet établissement sans prétention à 20 minutes de votre hôtel. Mais quelle fraîcheur ! Le poisson et les fruits de mer sont pêchés du jour, accommodés simplement mais avec bonheur. Et les jus de fruits tout juste pressés juste exquis.
Étape 3 | Du Wadi Dawkah au désert Rub Al-Khali
Le jour se lève à peine. Le chauffeur vous attend pour filer plein nord. 45 minutes de trajet, zigzagant parfois entre les dromadaires, pour arriver au site le plus précieux du gouvernorat, forcément remarqué par l’Unesco. Wadi Dawkah : pas de fort ni de ruines mais une zone entièrement plantée de boswellia sacra, les fameux arbres à encens. Des milliers d’arbustes échevelés, au tronc noueux, aux branches torturées. Si certains ont plus d’un siècle, la réserve a été créée en 2005. Dishdasha immaculée et turban soigneusement noué sur la tête, le gardien n’est pas avare en gestes, le guide en explications. Une entaille, blessure orange vif d’où s’écoulera doucement la sève durant plusieurs semaines. Elle se solidifiera tranquillement avant d’être récoltée.
La route se fait plus dure, la lumière plus dense, la chaleur plus intense et le paysage plus désolé. Voici qu’apparaît l'ancienne cité d'Ubar, troisième lieu estampillé par l’Unesco. De cette grande ville commerciale partaient les caravanes vers l’Arabie et la Syrie, le Yémen et la Jordanie. Là encore, ne restent que de rares vestiges de l’Atlantis des sables évoquée par Lawrence d’Arabie : les fondations de deux tours, un morceau de muraille et cette grotte en partie effondrée. Le musée adjacent comblera vos connaissances et votre imaginaire.
Mais il faut s’aventurer plus loin, au-delà du ruban asphalté. On ne peut repartir sans fouler du pied le Rub Al-Khali : le Quart vide en arabe, le second plus grand désert subtropical du monde, traversé jadis par les caravanes d’encens. Un guide expérimenté est nécessaire même si l’on ne reste que quelques heures parmi ces incroyables dunes orangées. On sort quelques instants, pour éprouver le souffle chaud, ressentir le silence. Le retour est brutal : en deux heures, on dégringole des 46 °C du désert aux 19 °C du plateau, d’un soleil implacable à une bruine bretonnante. Un épais brouillard tombe, dissimulant les vallées verdoyantes. On redescend doucement vers la mer, et une accorte chaleur.
Dernier dîner au Mekong. Le restaurant gastronomique de l’Al Baleed Resort est certainement la meilleure table de Salalah. Avec sa belle hauteur sous plafond, sa décoration soignée dominée par le noir, qui lui confère un certain mystère, ses lumières tamisées, on est déjà séduit par l’atmosphère. La carte se veut une inspiration de plats thaïlandais, vietnamiens et chinois avec des propositions qui sortent des sentiers battus.
Étape 4 | De Taqah à Mirbat en passant par Khor Rori
On quitte l’hôtel ce matin pour aller vers l’est cette fois. Une autoroute presque déserte. Quelques rares panneaux. Sortie Taqah, à peine une demi-heure après votre départ. Ce village côtier qui somnole est dominé par un charmant fort que l’on explore… ou pas. Les rares pièces en sont vides et les jours d’ouverture répondent à des règles mystérieuses. Mais il dévoile une belle vue sur la mer frangée de cocotiers, ce drôle de château crénelé et la mosquée, incongrûment vaste pour une si petite bourgade. En dix minutes, voici, Khor Rori, également appelé Sumhuram du nom de la ville antique érigée au Ier siècle avant notre ère. Portuaire évidemment. Exportant l’encens naturellement. Et classée par l’Unesco immanquablement. En surplomb de la mer, le musée, pas très grand, mais explicite. Et toujours ces ruines, plus conséquentes déjà.
On continue vers Mirbat, port de pêche à l'ancienne, avec ses boutres, son marché aux poissons. C’est ici qu’a eu lieu, en 1972 une terrible bataille, lors de la guerre civile qui opposa, 12 ans durant, les communistes au gouvernement. Des stigmates bien présents dans les ruines silencieuses du vieux centre-ville. On en visite le charmant château fort campé face à la mer. Il déploie un musée très détaillé et didactique sur la vie et les traditions omanaises et l’histoire maritime du pays.
C’est à l’extérieur de Mirbat, dans une zone isolée, un environnement totalement préservé que se niche votre hôtel, l'Alila Hinu Bay. Une architecture dépouillée pour un luxe qui ne l’est pas moins. Et pourtant la chaleur est bien là, dans l’accueil comme dans la décoration de votre magnifique suite avec piscine privée. Ce soir, on dîne donc au restaurant Seasalt : le poisson y est cuit à la perfection, les parfums s’asiatisent et la douceur maritime de la terrasse contribue à la sérénité de l’instant.
Alila Hinu Bay
112 clés dont 16 villas
P.O. Box 546, Wilayat of Mirbat – Gouvernorat du Dhofar
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Étape 5 | Prenez de la hauteur, profitez de la fraîcheur
Pas besoin de guide pour rejoindre le Wadi Darbat, entre collines et plateaux verdoyants. La saison du khraeef est passée par là, les touristes se sont envolés — et avec eux les interminables files d’attente pour se garer — les lieux ont retrouvé leur quiétude. Les cascades chantonnent toujours mais les loueurs de pédalo peinent à trouver chaland. On se promène près du lac, on admire les bassins vert topaze. Si la présence de bilharziose interdit la baignade, l’ambiance, presque onirique, vaut la balade.
On redescend un peu… pour mieux remonter vers le Jebel Samhan. Il n’est guère très élevé, ce massif montagneux qui culmine à 2 100 mètres d’altitude. La route serpente entre prairies et forêts avant de s’achever sur ce plateau ou paissent une poignée de dromadaires : la plaine en contrebas, la mer d’Arabie au loin, le panorama est majestueux. Le site est classé réserve naturelle et l’on peut y faire des randonnées à condition d’être guidé. Il abrite une espèce en voie d’extinction, le léopard d’Arabie. Mais ne pensez pas l’apercevoir : l’animal, craintif et solitaire est plus malin que vous.
Pour terminer le séjour en beauté, il serait dommage de ne pas profiter des installations de l’hôtel : un rituel Signature à base d’encens au spa, un peu de yoga sur la plage. Avec un peu de chance, vous verrez même des dauphins en fin d’après-midi. Ce soir, le dîner promet un voyage culinaire sur la route de l’encens, juste exquis.
Étape 6 | Retour à Mascate
On pourrait rentrer directement en France. Les connections d’Oman Air depuis Salalah permettent d’enchaîner aisément les vols, via Mascate. Mais pourquoi pas ne pas faire une brève escale dans la capitale ? Ne serait-ce que pour clore cette route de l’encens en visitant l’usine de parfum Amouage. À moins d’un quart d’heure de l’aéroport, comme égaré dans une vaste zone commerciale, faites confiance à votre GPS pour trouver le siège social. Cette maison fondée en 1983 s’approvisionne dans les confins du Dhofar, faisant appel à une ou deux familles qui gardent jalousement secret leur site de production de hojari (l’encens le plus pur) à plusieurs jours de marche du premier village. La visite guidée est passionnante, la boutique un véritable écrin. Une qualité vraiment exceptionnelle qui fait des parfums Amouage les plus chers au monde.
Où dormir ? Dans le récent et paisible quartier d’Al Mouj, se dresse le Kempinski Hotel Mascate. Un lobby saisissant, cathédrale hérissée de colonnes, des chambres qui épousent un agréable design contemporain. Pas moins de 4 restaurants, entre plantureux buffets thématiques, spécialités du nord de l’Inde, saveurs thaïlandaises et cuisine fusion sur fond de DJ maison. Une belle adresse à 10 minutes à peine de l’aéroport et en bord de plage.
Kempinski Hotel Mascate
310 clés dont 40 suites.
335 Street 6, Muscat 138, Oman
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