Les 50 chefs qui font Paris #12 : rencontre avec Eric Frechon (Epicure au Bristol)
« Dire que si, à l'âge de 14 ans, vous n'aviez pas eu à faire des petits boulots en cuisine pour vous acheter un vélo, nous n'aurions pas la chance de déguster vos plats. » avait lancé Nicolas Sarkozy à Eric Frechon, son quasi-voisin (quelques dizaines de mètres seulement séparent l’Elysée du Bristol où officie Frechon) alors qu’il le décorait des insignes de Chevalier de la Légion d’Honneur en 2008. Il faut dire que l’on prêtait à l’ancien Président un amour immodéré - et très compréhensible - des macaronis farcis à la truffe et au foie gras, l’un des plats signatures du patron des cuisines du très prestigieux palace de la rue du Faubourg Saint-Honoré.
Cette scène résume à elle-seule la carrière fascinante d’Eric Frechon, chef au talent immense et au verbe sincère. Parti de nulle part pour arriver au firmament, il était récompensé ce jour-là pour ses « mérites éminents » rendus à la Nation. Issu, comme beaucoup de grands cuisiniers, d’un milieu modeste, aucun autre univers que celui de la gastronomie n’aurait pu propulser ce jeune garçon Normand dans l’univers feutré des palaces parisiens, monde de luxe fréquenté par les hommes de pouvoir et les grands de ce monde. La rigueur sans faille, le perfectionnisme quasi-obsessionnel, la capacité à travailler sans relâche et évidemment le génie créatif ont permis à ce chef, sûr de lui mais jamais présomptueux, d’atteindre le plus haut niveau. Couronné du titre de Meilleur Ouvrier de France en 1993 pour « venger » son mentor et ami Christian Constant, consacré du Graal par le Michelin, les fameuses trois étoiles en 2009, année pendant laquelle il sera élu « Chef de l’Année » par ses pairs, Eric Frechon a tout gagné et n’a plus rien à prouver. Cela ne l’empêche en rien de vouloir continuer à « se faire plaisir », confessant sans détour une part d’égoïsme dans son métier. Rencontre exceptionnelle avec un chef qui, plus que jamais, carbure au plaisir !
LES DÉBUTS
Yonder : Bonjour Eric Frechon. C’est une question à laquelle vous avez souvent répondu mais nous vous la posons tout de même. Pouvez-vous nous rappeler l’événement qui a déclenché votre carrière en cuisine ?
Je suis arrivé dans le monde de la restauration un peu par hasard puisque c'est à cause d'un vélo. Mon père m'a dit: « Si tu veux un vélo, tu vas travailler pour te le payer ». Je suis donc allé travailler dans un restaurant pour me le payer ! J’ai touché à tout à mes débuts : aux fruits de mer, au service en salle, à la pâtisserie… Quand j’ai vu les femmes qui faisaient la cuisine dans ce restaurant, j’ai su que c’est que je souhaitais faire.
Vous entrez ensuite dans une école hôtelière pour apprendre le métier.
Oui, à quinze ans. J'ai demandé à mon père de partir à Rouen faire un BEP et CAP dans une école hôtelière.
Est-ce qu’à cette époque vous étiez déjà attiré par l'excellence et les grandes maisons ?
C’était un monde totalement inconnu. On était des gens très simples, avec très peu de moyens. On ne connaissait pas du tout les grands restaurants ou le luxe.
À quel moment vous orientez-vous vers la voie de l'excellence gastronomique?
C’est un concours de circonstance. Le directeur des travaux de l'école hôtelière de Rouen avait travaillé sur le France, le célèbre paquebot. Il avait des connexions dans les grandes maisons parisiennes. Il y envoyait systématiquement les meilleurs de chaque promotion.
L’ARRIVÉE À PARIS
C’est par ce biais que vous rejoignez La Grande Cascade, grand restaurant du Bois de Boulogne où vous travaillerez auprès de Jean Sabine.
Exactement.
On imagine que vous étiez déjà doué pour rejoindre une maison prestigieuse comme celle-ci.
Oui, seuls les meilleurs étaient envoyés dans les grands restaurant. Je n’étais pas trop mal... [Rires].
Comment se passe l’arrivée à la Grande Cascade ?
Pour la petite histoire, je suis arrivé à Paris avec mes valises et quelques copains qui devaient débuter à La Grande Cascade en même temps que moi. Ils devaient nous trouver une chambre pour que l'on puisse dormir le premier soir... et finalement, pas de chambre !
On était arrivés à Paris où on n’avait jamais mis les pieds, avec nos valises et sans un sou en poche et pas d’endroit où dormir [Rires]. Mais finalement on a pu avoir une chambre près de la place des Ternes et on commencé à travailler le lendemain.
Vous arrivez ensuite une première fois comme commis au Bristol en 1982 ?
Oui, j'avais fait un an et demi à La Grande Cascade et j'avais demandé au chef Jean Sabine de m’orienter vers un hôtel. C'est lui qui m'a orienté vers le Bristol. Je voulais apprendre la cuisine d'hôtel, la cuisine de palace.
Est-ce qu’à cette époque de votre vie, encore tout jeune cuisinier, vous aviez déjà des héros ou des chefs qui vous inspiraient ?
Quand je suis rentré dans les maisons parisiennes, j'ai pris le Guide Michelin et je suis allé voir toutes les grandes maisons dans Paris, tous les trois-étoiles. J’étais devant les façades et j'étais ébloui. Je me suis dit à ce moment là: « J'espère qu'un jour je viendrai travailler ici ».
Vous aviez aussi l’occasion de pousser la porte de certains de ces grands restaurants ?
Je n’avais pas encore tout à fait les moyens ! [Rires] Je suis encore en cuisine à cette époque.
LE PARCOURS À PARIS
Vous intégrez ensuite la brigade du Taillevent.
Oui, cela vient compléter une expérience à travers trois maisons très différentes. D’abord très classique à La Grande Cascade où j’apprends les bases de la grande cuisine française, les sauces et les classiques.
Au Bristol, je découvre les contraintes de la cuisine d’hôtel : les sandwiches, le room service, les banquets et évidemment le restaurant gastronomique. J’ai alors travaillé avec Emile Tabourdiau, un chef novateur pour l'époque, qui avait 2 étoiles. Il proposait une cuisine tout à fait différente ce qui se faisait ailleurs, avec des alliances parfois improbables !
Puis j’ai voulu rejoindre les cuisines d’un restaurant trois-étoiles. C'est le rêve de tout cuisinier de travailler dans un trois-étoiles. C’est comme ça que je rejoins Le Taillevent, une maison classique avec une très belle réputation.
Vous partez ensuite en Andalousie pour une expérience à l’étranger, après votre service militaire.
Tout à fait. Un ami dont j'avais fait la connaissance au Bristol partait en Andalousie. Il m'a demandé si je voulais prendre une place de second avec lui.
On imagine que vous découvrez une ambiance très différente des grandes maisons parisiennes.
C’était très différent, effectivement. L’Hôtel Byblos est un hôtel avec un centre de thalassothérapie Louison Bobet. Il Je découvre donc non seulement la cuisine espagnole mais aussi la cuisine diététique.
En tant que Normand, à l’époque, on n’avait jamais entendu parler de la cuisine à l'huile d'olive ! Si on avait donné de l'huile d'olive à ma mère, elle aurait demandé « C’est quoi ça ? » [Rires]
C’est une période d’apprentissage pour vous ?
Oui car je dois aussi m’occuper de la boulangerie, de la pâtisserie (il n’y avait pas de pâtissier au départ), de la viennoiserie… J'ai beaucoup appris pendant ces deux années. Cela a été très difficile physiquement car on dormait très peu, et il n'y avait pas de repos, mais le gain de temps a été énorme. Cela a été très formateur.
Vous décidez ensuite de revenir dans les grands restaurants parisiens ?
Le choix était de rester à l'étranger ou de revenir toute de suite dans les maisons parisiennes. Autrement, je me serais fait oublié et il aurait été beaucoup plus difficile de rentrer à Paris. Le chef pâtissier de du Byblos en Andalousie connaissait très bien Emmanuel Martinez, le chef de la Tour d’Argent. Il a proposé de me prendre comme second.
C’est une période dont vous gardez un bon souvenir ?
Pas plus que ça, car le travail était assez répétitif.
Beaucoup de canards…
Voilà ! [Rires] Les canards, les quenelles, les homards Don Carlos... C’était une très belle maison mais j'ai rapidement voulu voir autre chose. À ce moment là, Christian Constant reprenait les cuisines des Ambassadeurs au Crillon. C’est Emmanuel Martinez qui m'envoie alors auprès de M. Constant pour le seconder.
À chaque fois, vous avez été recommandé pour aller d’une maison étoilée à une autre ?
Notre éthique était que quand on souhaitait quitter un restaurant, on le faisait en bonne intelligence avec le chef et généralement il nous aidait à trouver une poste dans une autre brigade. Ces maisons étaient très prisées. Sans un coup de pouce, on pouvait attendre deux ans.
Il y avait moins de places à cette époque…
Oui et ça a bien changé ! [Rires] Maintenant, c'est nous qui attendons deux ans pour avoir un sous-chef !
Vous êtes alors le sous-chef de Christian Constant pendant sept ans.
Oui, c’est une très belle histoire humaine et culinaire. Avec Christian Constant et Yves Camdeborde, on était tous les trois soudés comme les doigts de la main. De vrais guerriers ! [Rires]
C’est aussi durant cette période de votre vie que vous remportez le concours de Meilleur Ouvrier de France (MOF) en 1993. C’était quelque chose auquel vous songiez depuis longtemps ?
M. Constant s'était présenté deux fois et était passé à côté deux fois en finale. Quand il a décidé d'arrêter, j'ai voulu prendre le relais pour le venger [Rires].
C’est une grande satisfaction pour vous quand vous êtes récompensé ?
Oui. Quand on est seul à cuisiner devant 700 personnes, remporter le concours devenir Meilleur Ouvrir de France est une grande satisfaction personnelle.
Vous ouvrez ensuite votre propre restaurant aux Buttes-Chaumont. C'est un changement radical d'ambiance !
C’est l’époque des débuts de la bistronomie. Yves Camdeborde s'était installé depuis déjà 2 ans à La Régalade. J’ai voulu faire la même chose.
Ça se passe bien?
Très, très bien !
LE RETOUR AU BRISTOL & EPICURE
Malgré tout, en 1999 vous revenez au Bristol, en évoquant « une proposition qui ne se refuse pas ».
Je voulais déménager pour revenir dans une catégorie plus gastronomique. Le quartier des Buttes-Chaumont n’était pas propice à ce changement. Par un concours de circonstances, le Bristol m'appelle et me demande si je suis intéressé par la place de chef.
Vous revenez donc au Bristol en tant que chef dix-sept ans après y être entré comme commis.
Je m’étais toujours dit que s'il y avait un jour une place de chef à prendre, ce serait au Bristol. Je m’y suis toujours senti bien. Il y a quelque chose de familial – ce sont toujours les mêmes propriétaires d’ailleurs - et de sain qui se dégage de la maison. J’aime beaucoup le Bristol, c’est vraiment ma maison de cœur.
Les moyens plus importants vous ont également motivé ?
Effectivement. J'étais frustré dans mon bistrot. Avec seulement quatre cuisiniers, j'étais créativement limité. Je ne pouvais pas non plus acheter tous les produits. Par exemple, je n'achetais pas de truffe car c'était trop cher. Ça ne rentrait pas dans mon menu-carte à 180 francs !
Le Bristol n'avait plus qu'une étoile en 1999. Vous aviez l'ambition alors l’ambition d'aller en chercher une seconde ?
Oui mais ça s'est fait naturellement. Je n'ai jamais été chercher les étoiles contractuellement. Ce qui est important, c'est de me sentir bien dans une maison. À partir de du moment où tout va bien, où l’on s'épanouit dans son métier et avec les personnes avec lesquelles on travaille, le reste suit. La preuve, c’est que ça a marché ici !
Mais l’idée première, plus que les étoiles, était de se faire plaisir et de faire plaisir aux clients. Cela a toujours été comme ça et cela reste vrai aujourd'hui.
La notion de plaisir est primordiale pour vous ?
Le client, c'est lui le guide Michelin tous les jours ! Je me fais plaisir car je crée et je tente des choses nouvelles mais finalement, c'est le client qui décide si c'est bon ou non. Ce sont les clients qui font que l’on est – ou pas - complets tous les midis et tous les soirs comme c’est le cas maintenant, et ce dans une conjoncture particulièrement dure.
En revenant au Bristol, vous développez votre propre cuisine avec davantage de moyens que dans votre bistrot ?
Je maîtrisais déjà l'hôtel grâce à mon expérience au Crillon. J'ai rapidement mis en place la partie concernant l’hôtel (le room service, le bar, les banquets). Ce qui a été plus difficile a été de me remettre à une cuisine plus raffinée, moins bistrotière... plus étoilée ! Cela a tout de même été rapide : en 2001, on obtenait la seconde étoile.
Comment se déroule ensuite la montée en puissance, jusqu’à obtenir en 2009 les trois étoiles ?
Ça s'est fait en deux temps. J'ai eu l'impression de changer de maison au Bristol quand on a fermé plusieurs mois pour rénovations en 2008. Pendant cette période, je suis allé entraîner une jeune femme de ma brigade qui travaillait chez moi, pour le concours du Meilleur Ouvrier de France, chez Christian Le Squer au Pavillon Ledoyen.
Cela m'a beaucoup ouvert l'esprit d'aller voir ailleurs. Quand je suis revenu au Bristol, je n'étais pas du tout dans le même état d'esprit que quand je l'avais laissé. J'ai compris qu'il fallait sortir de sa cuisine pour la faire grandir.
Cela a constitué une prise de recul nécessaire ?
Exactement, j'ai pris le recul qu’il fallait pour mieux régler toutes les petites choses de manière à toujours nous améliorer. On est plus exigeants avec les autres qu'avec soi-même.
Comment définiriez-vous votre cuisine aujourd'hui, y-a-t'il une « patte Frechon » ?
Ma cuisine est basée sur le produit, comme elle l'a été depuis toujours. Pour faire parallèle avec la mode où l’on habille de très jolis mannequins avec des créations de grands couturiers. On fait la même chose en cuisine. On a de très beaux produits et on fait en sorte de les mettre en valeur le mieux possible.
Est-ce que vous diriez de votre cuisine qu’elle est classique ?
Ma cuisine repose sur des bases classiques mais est contemporaine. On travaille des produits français même si on ne s’interdit pas quelques touches exotiques ou l’utilisation d’épices notamment. Les épices sont d’ailleurs utilisées dans la cuisine française depuis très longtemps.
Vous avez également été consultant pour le Mini Palais, il y a eu la brasserie Lazare en 2013 et il y aura bientôt la brasserie du Publicis Drugstore début 2017 dont vous signerez la carte. Est-ce que ces projets qui permettent de toucher un public plus large, qui n'a pas forcément les moyens de venir au Bristol ?
Quelque soit la catégorie de cuisine, on essaie toujours de donner le meilleur au meilleur prix. Au Bristol, les convives ont des plats très travaillés et des produits de luxe. Si on fait du bœuf à Lazare, cela sera plus simple mais il sera magnifié par notre savoir-faire. Quant au Drugstore, on verra...
Vous ne vous interdisez pas pour autant de travailler des produits plus simples ici, à Epicure ?
C'est un peu mon « estampille » en effet. Travailler le maquereau ou le merlan par exemple, des produits inattendus dans ce type de cuisine de luxe. C'est bien de faire des pieds de nez aux palaces. Il est plus difficile de sublimer un maquereau qu'un bar ou un turbot.
INSPIRATIONS & INFLUENCES
Quelques questions sur vos inspirations. Vous êtes Normand. Est-ce que le terroir de votre enfance a influencé votre cuisine ?
Il ne m'a jamais vraiment influencé. En revanche, je pense que ce que la Normandie m'a donné, c'est ce côté terre-et-mer que j'aime beaucoup dans la cuisine.
Et la cuisine au beurre ?
Je fais une cuisine que j'aime manger. La cuisine au beurre est réservée à l'hiver. L’été, on travaille de manière plus légère et on cuisine plus volontiers à l’huile d’olive.
On a évoqué Paul Bocuse et bien sûr Christian Constant, est-ce qu'il y a d'autres chefs qui ont eu une influence sur votre carrière ?
Tous les chefs avec lesquels j'ai travaillé ont eu une influence, en particulier M. Constant avec qui je suis resté 7 ans. Il m'a apporté autre chose que de la cuisine, il m'a apporté un esprit de cuisine.
C’est lui qui a, par exemple, été le premier à incorporer des produits non nobles dans la cuisine de palace comme les têtes de cochon. Je me rappelle qu’un jour on a servi à Jean Didier [un chroniqueur gastronomique, NDLR] une tête de cochon aux truffes. Il a appelé immédiatement sa rédaction en leur disant de mettre la note maximum à Christian Constant. Il avait été émerveillé par une tête de cochon ! C'était ça la cuisine de Constant. C’est quelqu'un de convivial, qui a une cuisine de partage.
Est-ce que les voyages ont été une source d’influence pour votre cuisine ?
Quand on est plus jeunes, on est assez influencé par les premiers voyages qu'on fait. On est dans la découverte, on aime s'approprier les choses quitte à les reproduire.
Mais au fil du temps, on trouve une vraie signature culinaire. Maintenant je ne me laisse plus influencer. Avant je regardais beaucoup les magazines, maintenant la création se fait exclusivement dans ma tête !
Sans que ce soit une source d'inspiration, est-ce qu'il y a des repas ou des chefs qui vous ont particulièrement marqués ?
Alain Ducasse au Louis XV à Monaco, Joël Robuchon à Las Vegas, impressionnant ! Mathieu Viannay à Lyon [à La Mère Brazier, un restaurant lyonnais légendaire, NDLR] qui est une très, belle table, j'aime beaucoup l'ambiance. Et Paul Bocuse dans un autre registre.
Parmi les chefs qui trustent les classements internationaux comme René Redzepi chez Noma ou les frères Roca à Gérone, y-a-t ‘il des expériences qui vous ont touchées ?
Je ne suis pas allé goûter leur cuisine. Depuis quelques années, je ne me fais plus distraire par d'autres cuisiniers, je reste dans mon univers.
Et est-ce qu’il y a- malgré tout des restaurants où vous n’êtes encore jamais allé mais que vous aimeriez tester, ou auriez aimé aller s'ils n'existent plus aujourd’hui ?
À La Mère Brazier, à Lyon. C'est quelque chose que j'aurais aimé faire. J’aimerais également aller chez Michel Guérard [le chef 3-étoiles des Prés d'Eugénie à Eugénie-les-Bains, NDLR], une grande figure dont je ne connais pas du tout la cuisine.
Il est encore temps !
Je regrette beaucoup de ne jamais être allé chez Alain Chapel [une autre figure légendaire du courant de la Nouvelle Cuisine avec Paul Bocuse, les frères Troisgros, Jacques Pic ou Michel Guérard, disparu prématurément en 1990, NDLR], un très grand cuisinier.
Y a-t-il des ingrédients en particulier que vos aimez travailler tout particulièrement ?
J'aime la maîtrise des épices mais ca n'est pas mon cheval de bataille. Je ne m'interdis pas non plus quelques produits exotiques comme des saveurs asiatiques mais vraiment dans une logique d’appropriation au sein ma cuisine. Jamais pour reproduire.
AUJOURD’HUI
Vous avez tout gagné : les étoiles, les classements, le MOF, les titres les plus prestigieux… Qu'est ce qui vous motive aujourd’hui?
Ma source de motivation n'a jamais été ce que j'ai gagné. Cela a toujours été de me faire plaisir et de le partager avec les clients. C'est un peu égoïste car on se fait d'abord plaisir et ensuite on partage.
Il y a donc une notion de plaisir personnel ?
Oui, avant tout ! On donne un plat qu'on aime soi-même manger et qu'on a aimé créer. Ensuite vient le moment du partage.
Vous avez beaucoup de fans sur Facebook, de followers sur Twitter ou Instagram. Est-ce important pour vous d'être un chef qui communique sur les réseaux sociaux ?
C'est aussi le moyen de toucher un public qui n'a pas forcément les moyens de faire l'expérience de la haute gastronomie. L’idée est de faire découvrir ce monde de la cuisine, un peu mystérieux pour montrer que ce n’est que du bonheur ! On est vraiment dans le partage. C’est quelque chose dans lequel je m’implique beaucoup personnellement.
Le mot de la fin ?
Tout le monde parle de produit depuis quelques années, et cela peut sembler répétitif mais pour nous le produit a toujours été notre ADN. C'est le produit que l'on met en valeur dans les assiettes, le plus épuré possible, que l'on cherche à magnifier. Si je mange un turbot, j'ai envie qu'il ait le goût de turbot, pas que l'accompagnement prenne le dessus. Ça, ça me fait c…. !
Vous cherchez en permanence une forme de simplicité…
J’essaie de me donner un cahier des charges personnel pour créer des plats vraiment marquants, dont on se rappellera longtemps. Si un client vous dit dans dix, quinze ou vingt ans « J’ai mangé un poireau chez vous et c'était extraordinaire », vous avez tout gagné !