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Florence ValencourtFlorence Valencourt, Le vendredi 14 juin 2024
Restaurants

On a testé « Le Parc », restaurant gastronomique du Domaine des Crayères à Reims, par son nouveau chef Christophe Moret

L'arrivée du chef Christophe Moret à la tête des cuisines du Domaine Les Crayères, marque un joli renouveau dans la continuité de la Maison, qui coïncide intelligemment avec le début d’un embellissement d’envergure pour cette institution, membre de Relais & Châteaux. Autrement dit, un bel alignement de planètes dans le ciel rémois. 
  • Restaurant Le Parc au Domaine Les Crayères © Anne Emmanuelle Thion
    Restaurant Le Parc au Domaine Les Crayères © Anne Emmanuelle Thion
  • Le chef Christophe Moret © JB Delerue
    Le chef Christophe Moret © JB Delerue

Note : 17/20. Invitation au déjeuner, juin 2024. 

Le pitch | Le Parc, sublime table auréolée de deux étoiles, gagne encore en sensibilité et en émotion avec l'arrivée du chef Christophe Moret

S'il n'est pas nécessairement évident de prendre la suite d'un chef resté de nombreuses années dans une maison, Christophe Moret relève le gant avec naturel et élégance. C'est simple, s'il est arrivé il y a moins de trois mois aux Crayères, on le sent déjà heureux et chez lui. Signe que le choix des frères Gardinier et du Directeur Arnaud Valary était le bon et que la greffe a bel et bien pris, auprès des équipes comme des clients. 

  • Le chef Christophe Mouret et la chefferie pâtissière Rosalie Boucher © Florence Valencourt
    Le chef Christophe Moret et la chefferie pâtissière Rosalie Boucher © Florence Valencourt

 

Car oui, présider aux destinées gastronomiques d'un navire amiral comme Les Crayères – 160 personnes, bientôt 200 – est un beau challenge, mais il est à la mesure d'un chef expérimenté comme Christophe Moret. En effet, celui qui a fait ses classes auprès des grands Bruno Cirino et Jacques Maximin, a un parcours qui parle pour lui. Il a notamment dirigé les cuisines du restaurant trois étoiles du Plaza Athénée, époque Alain Ducasse et officié chez Lasserre, avant de décrocher deux étoiles au Shangri-La, pour le restaurant L'Abeille.  

  • Domaine Les Crayères © Florence Valencourt
    Domaine Les Crayères © Florence Valencourt

 

Aux Crayères et, plus précisément au Parc, le chef entend poursuivre le chemin d'excellence de l’institution hôtelière rémoise. Proposer une cuisine de répertoire, respectueuse de la tradition française de haute-gastronomie, mais vivante et vibrante. Une cuisine de profondeur, du goût juste, décomplexée et bel et bien ouverte sur le monde.  

Comme il le dit fort justement : « L’histoire nous montre que notre cuisine a toujours été empreinte de métissages, pourquoi être tenté de la figer, de se concentrer sur un excès de technique plutôt que d’aller chercher l’émotion ? ». 

De fait, le déjeuner proposé en cette fin de printemps fût riche en saveurs et en émotions gustatives.

  • Domaine Les Crayères © Florence Valencourt
  • Domaine Les Crayères © Florence Valencourt

 

Dans l'assiette ? « L'abandon du storytelling au profit de la cuisine »

Le premier plat, en deux services, donne le LA : « Araignée de mer, rafraîchie aux parfums de poivre de mer. Les pinces en beignets, sabayon coraillé ». Travail remarquable, sublimé par l'art de la table de Sylvie Coquet, qui le met en majesté dans une coque reconstituée. Fraîcheur, iode, acidité, douceur de la tempura, attention à valoriser le produit de A à Z, assaisonnement au « poivre de mer » (qui n'est autre qu'une variété d'algue rouge utilisée comme condiment et qu'on nomme la dulse poivrée…) Le registre est clairement celui de la haute gastronomie et de l'exemplarité. 

  • Araignée de mer © Florence Valencourt
    Araignée de mer © Florence Valencourt

 

Le chef Moret n'hésite pas non plus à piocher dans ses souvenirs de voyage, le détail qui fera toute la différence. À l'instar de ce second plat « Oursins et caviar en délicate royale, bonite et Kombu fumés », dont la modernité vient tout droit d'Asie, de ses ingrédients et de cette recette de Chawanmushi - soit une classique royale, mais sans beurre ni crème - pour toucher à l'umami tant recherché aujourd'hui. 

Le « Homard sauvage, parmentier de pinces de homard, pommes de terre croustillantes et fondantes » est quant à lui une démonstration magistrale du savoir-faire technique du chef. Soit l'idée d'un homard Thermidor réinterprété 'à sa sauce' avec ce parmentier de queues de homard juste saisies et cette pomme soufflée à la française qui fait toujours son petit effet. Un plat très équilibré qui clôt la séquence 'mer' du menu de la plus belle façon qui soit. 

  • Oursins et caviar en délicate royale
  • Homard © Florence Valencourt

 

Le « Pigeon de Racan rôti, navets sauce Montmorency, cuisse de pigeon confite » s'inscrit lui aussi dans un menu de mémoire, juste twisté par ce navet, original sans être hors de propos. La ligne directrice, on l'aura compris, est celle de la gourmandise, de la justesse et de la surprise discrète. Et c'est fort réussi.  

Chariot de fromages affinés, exclusivement aux laits crus. De bon aloi. Sans oublier la star locale, un Langres fermier, joliment travaillé et rehaussé de la « chlorophylle du potager ». Place alors au dernier acte de ce formidable déjeuner, dans lequel la cheffe pâtissière Rosalie Boucher prend le relais du chef Christophe Moret avec grâce et créativité. 

  • Le chariot de fromages © Florence Valencourt
    Le chariot de fromages © Florence Valencourt

 

La trentenaire, formée auprès de Pierre Hermé, Cédric Grolet et Claire Damon, a pris le meilleur de ses mentors pour s'émanciper aujourd'hui et affirmer son identité. Soit celle d'une pâtisserie délicate, audacieuse, saisonnière, responsable et ancrée dans son territoire. Pour preuve, ce pré-dessert acidulé autour de la rhubarbe : « Gel de champagne rosé, sorbet rhubarbe, lamelles de rhubarbe confites dans le jus de rhubarbe et à la fleur de sureau ». Et cette incroyable « Laitue de mer en cristalline, sorbet et meringue, mousse de fromage blanc des Ardennes, citron et huile d'olive » qui convaincra sans mal à la dégustation les plus classiques d'entre nous qui étaient un peu sceptiques à la lecture de l'intitulé. Folle modernité, sans aucune esbroufe ou tic d'époque. 

  • Laitue de mer en cristalline
    Laitue de mer en cristalline

 

Mais aussi ? 

On ne saurait relater un déjeuner dans le restaurant de Reims sans évoquer la sommellerie. Les caves de la Maison font leur fierté et c'est tout naturel avec plus de 70 000 bouteilles, 3 500 références, dont 1 200 de champagnes ! Soit la plus belle cave de champagnes du monde. Petite originalité : 40 000 bouteilles de cette collection sont en vieillissement dans un authentique bunker, au fond du jardin de 7 hectares clos de mur. 

Déjà rompu aux codes maison en tant que second, Nicolas Grelier vient tout juste d'être nommé chef sommelier et dirige à présent les douze membres de son équipe. Les accords qu'il nous a proposés ce jour-là étaient tous d'une grande justesse. Coup de cœur personnel pour celui autour du fromage et de cet exceptionnel Tarlant, Cuvée Louis.

  • La cave du Domaine Les Crayères © H. Guillet
    La cave du Domaine Les Crayères © H. Guillet

Dans la salle ? 

La décoration, signée de l’un des plus grands noms du style classique, Pierre-Yves Rochon, rend hommage aux belles étoffes (Pierre Frey), au mobilier d’antiquaire et à ce je-ne-sais-quoi de si français. La plus belle table de cette salle à manger ? Celle placée sous la rotonde, tout simplement majestueuse. Ce d'autant qu'elle donne sur le parc et sa terrasse tout juste rénovée, revêtue de dalles en pierre de Bourgogne et entourée des nouveaux jardins à la française, refaits à l'identique grâce aux carnets retrouvés d’Édouard André, paysagiste du baron Haussmann. 

Le service ? 

Prévenant, professionnel, souriant. Tout ce qu'on attend d'une Maison de ce standing et qu'on est heureux d'y trouver. 

  • Restaurant Le Parc © Anne Emmanuelle Thion
    Restaurant Le Parc © Anne Emmanuelle Thion

 

Les plats à goûter ? 

Sincèrement, impossible de trancher sans faire un Jugement de Salomon... Car, si la mer est clairement au centre de la cuisine du chef, ce pigeon de Racan sauce Montmorency restera longtemps dans la mémoire des gourmets.

Bon à savoir ? 

Le Domaine des Crayères est donc en plein embellissement. Au programme des travaux engagés à horizon 2027 : un jardin d'hiver en miroir de celui de l'aile droite, un agrandissement du Bar La Rotonde, l'ouverture de sept nouvelles chambres et suites. Sans oublier la reconstitution d'un lac de 1804, mis au jour grâce aux archives, ainsi que la construction d'un spa de 800 m2 ! Si l'institution rémoise était déjà le fleuron de la région, de la collection Gardinier et de Relais & Châteaux, il va sans dire qu'elle devrait encore affirmer son statut dans les prochaines années et l'inscrire dans une discrète modernité. 

  • Le Parc salle
  • Domaine Les Crayères © Florence Valencourt

 

Les prix ? 

Inspiration (menu déjeuner exclusivement) : 120 €. Plaisir de table : 180 €. Menu Signature : 270 €. Accords mets et vins sur demande. 

Notre avis en un clin d’œil

« A match made in heaven » comme diraient les Anglais. En effet, si le chef Christophe Moret vient tout juste d'arriver au Domaine Les Crayères, on a l'impression qu'il a toujours été là, tant il semble y nager comme un poisson dans l'eau. Il s'est coulé dans les codes maison avec aisance - soit ceux d'un luxe dénué de toute ostentation et d'une exigence dans le moindre détail - car ce sont aussi les siens depuis toujours. Une belle continuité, donc, pour cette table gastronomique contemporaine, qui vogue de plus belle vers les étoiles.

Pratique

Domaine Les Crayères – Le Parc 

Déjeuner : du mercredi au dimanche de 12h15 à 13h30
Dîner : du mercredi au dimanche de 19h15 à 21h 

64 boulevard Henry Vasnier, 51100 Reims

+33 (0)3 26 24 90 00
lescrayeres.com