Paris : on a testé Café Compagnon, dernière adresse parisienne de Charles Compagnon
Note : 8/10 | Le contexte : le vendredi 28 janvier au déjeuner, deux convives.
Le pitch ? Le restaurateur parisien Charles Compagnon ouvre une troisième adresse à son nom
Jamais deux sans trois ? Charles Compagnon ne fait pas mentir le dicton... Après avoir gagné ses galons de restaurateur émérite au Richer et au 52 (sans oublier L'Office, revendu depuis), il ouvre sa nouvelle adresse dans un nouveau quartier, entre Montorgueil et Sentier, et décide même de lui donner son nom.
Il faut dire que cette nouvelle affaire est celle de la maturité, de l'affirmation d'un patron-restaurateur dans ce que cette acception a de plus noble ; et l'aboutissement d'un projet un peu fou, qui semble pourtant déjà donner raison à celui qui a su prendre le risque. Après des mois de travaux compliqués au faîte d'une période incertaine, cent places assises, quarante-cinq en terrasse, des recrutements dans un secteur sinistré, etc. Le résultat est là. L'adresse pensée comme un lieu de vie en met plein la vue.
Gesa Hansen, designer et compagne de Compagnon (on n'est pas les seuls à avoir succombé à cette facilité), a effectué ici un travail remarquable. Pour répondre au brief d'un endroit « calme et chaleureux qui évolue tout au long de la journée », Gesa a choisi d'utiliser un bois massif clair, le marbre rouge Alicante et les tissus bordeaux et terracotta de Pierre Frey (avec lequel elle collabore par ailleurs). Un décor soigné sans être chargé, autour des palettes du café et de la vigne – chers au couple. La belle idée est aussi d'avoir mis les lieux sous la « protection » du grand-père sculpteur de Charles, Carlos Ferreira de la Torre, dont les pièces réinterprétées ornent les beaux miroirs typiques des codes brasserie.
Quant au chef choisi pour orchestrer la cuisine ouverte aux côtés de Charles en salle, il s'agit du jeune Geoffrey Lengagne, qui a fait ses armes en grande partie à l'étranger (Per Se à New York et Sketch à Londres). Ses voyages, ses influences et son sens de l'époque lui font dessiner une carte originale et gourmande que l'on a plaisir à découvrir.
Dans l'assiette ? Une cuisine bistronomique fluide, sans afféterie
Les intitulés sont descriptifs, lisibles, étonnants dans les associations parfois, appétissants toujours. Trois assiettes à partager, cinq entrées, cinq plats, trois fromages et cinq desserts (sans mentionner les glaces) : c'est simple et carré.
Thaï dans l'inspiration, le « sashimi de truite de Banka, piment, citronnelle, cacahuètes » est très frais dans l'exécution. Parfait pour ouvrir les papilles.
Au rang des entrées, on choisit l'option végétale avec le « mille-feuille de céleri, yaourt curcuma, vinaigrette pomme/jalapeños » et les « ravioles de chou-rave cru, algues confites, ricotta, pommes ». Si le travail du céleri est intéressant sur la première entrée, elle est malgré tout à réserver aux palais avertis, le piment étant très présent. Quant à la seconde, elle est déroutante. Les algues ont un côté terreux auquel on ne s'attend pas, mais le résultat est subtil et bluffant. Pour les plats, la « poitrine de bœuf marinée au satay, topinambours, pleurotes, cacahuètes » s'avère convaincante : qualité de la viande, gourmandise, générosité. En un mot, tout ce qu'on attend de la bistronomie qu'on aime est ici réuni. Ce qui se confirme avec le « chou-fleur rôti, curcuma, amandes fumées ». On évite la pâle copie Ottolenghi, pour déguster une version savoureuse dans laquelle les raisins en pickles font une heureuse différence.
Après les plats, on peut l'affirmer, la cuisine du chef Geoffrey Lengagne est plaisante, avec un joli jeu sur les textures, sans que cela ne soit pour autant un gimmick. Il y a toujours un jus ou une sauce permettant de lier le tout et donnant envie d'y revenir, voire même de saucer (il faut dire que le pain de chez Archibald est très bon) ! C'est fluide, gourmand, cela n'a pas besoin de complication ou de démonstration.
Les desserts — mention spéciale à la tarte au chocolat, dont la variété recherchée (Nicolas Berger) et la pâte feuilletée font toute la — concluent le repas de la plus belle des manières.
Mais aussi ?
Si l'on juge une bonne brasserie à la qualité de son café et plus largement de ses « à côtés », Café Compagnon a vraiment tout bon. En effet, le café est torréfié par le patron, le Beaujolais est vinifié par ses soins et même les glaces à l'italienne sont maison !
Dans la salle ? Bois blond et bonne compagnie
L'atmosphère claire, chaleureuse et malgré tout minimaliste des lieux donne envie d'y passer toute la journée... Surtout quand le soleil traverse les grandes baies vitrées. Tout ce que le quartier compte de foodies ne s'y est pas trompé et a déjà fait du Café Compagnon son nouveau QG. Pour autant — et c'est appréciable — aucun snobisme parisien à déplorer. Les gens se saluent amicalement sans se dévisager et il n'est pas rare que les tables fusionnent à la fin du repas. Autant dire qu'on attend avec impatience de pouvoir profiter de l'immense terrasse piétonne aux beaux jours pour y donner nos rendez-vous !
Le service ?
Uniformes noir et blanc pour une équipe de salle qui porte pourtant haut les couleurs du lieu et la cuisine du chef. Service décontracté, mais sans aucune familiarité. À l'écoute, aimable et de bon conseil. Encore une fois, tout ce qu'on attend de ce genre d'endroit et que l'on ne trouve que trop rarement dans la capitale.
Les plats à goûter ?
Pour être surpris, les ravioles. Pour être définitivement conquis, la tarte au chocolat.
Bon à savoir ?
Service continu, 7 jours sur 7, de 8h à minuit (fermeture des cuisines à 23h). Une vraie aubaine pour tous les gourmets du quartier, aussi exigeants sur le petit noir du matin que sur l'assiette du midi ou le cocktail du soir. À la différence des autres adresses de Charles Compagnon, ici on peut réserver sa table et les groupes peuvent aussi privatiser l'une des deux arrières salles, en format dîner ou cocktail. Précieux.
Les prix ?
- Entrées : entre 12 et 14€ ;
- Plats : entre 23 et 31€ ;
- Desserts : entre 8 et 12€ ;
- Vin au verre : aux alentours de 12€.
Notre avis en un clin d’œil
Et de trois pour Charles Compagnon ! Après Le Richer et Le 52 Faubourg Saint-Denis, le restaurateur au long cours ancre son nouveau vaisseau amiral sur les berges du Sentier. Un splendide lieu de vie, aux accents bistronomiques à l'heure des repas, qui pousse très loin le sens du détail, du sourcing et de l'engagement personnel. Après quelques mois d'ouverture, le succès critique et public est au rendez-vous. Et c'est amplement mérité.
Note de la rédaction : 8/10*
* La note reflète l'intégralité de l'expérience (assiette, cadre, atmosphère, service, rapport qualité-prix...) et est relative au positionnement de l'établissement (un excellent bistrot peut se voir attribuer la note de 10/10). Les tables recueillant des notes égales ou inférieures à 5/10 ne font pas l'objet de chroniques.
À lire également 3 questions au « créateur-restaurateur » Charles Compagnon (publié le 28 février 2022).
Café Compagnon
22-26 rue Léopold Bellan, 75002 Paris
Horaires
Tous les jours de 8h à minuit
Déjeuner : 12h - 14h30. Dîner 19h30 - 23h.
Réservations
En ligne ou par téléphone : +33(0)9 77 09 62 24