Les 50 meilleurs restaurants de Paris #14 : Guy Savoy à La Monnaie de Paris
On quitte l’univers feutré des palaces parisiens (Epicure au Bristol, Le Gabriel de La Réserve) pour rejoindre les quais de Seine et une adresse également récemment ouverte (2015) : le nouveau restaurant, ô combien prestigieux, de Guy Savoy dans l’enceinte de La Monnaie de Paris. C’est désormais dans ce cadre d’exception, et après avoir passé près de trois décennies dans son fief de la rue Troyon, que le chef régale ses fidèles depuis toujours comme comme les gourmets venus du monde entier.
Le pitch : Guy Savoy, l’« aubergiste » le plus célèbre de France
« La cuisine est l’art de transformer instantanément en joie des produits chargés d’histoire ». C’est par ces mots luminescents écrits sous forme de néons rouges que Guy Savoy accueille ses hôtes dans son nouveau restaurant au cœur de La Monnaie de Paris sur les quais de Seine.
Enfant, il regardait avec émerveillement sa propre mère s’affairer derrière les fourneaux, donnant corps à des créations gourmandes à partir d’ingrédients simples et de produits modestes. Depuis cette période, Guy Savoy n’a cessé de louer la « magie de la transformation ». À force de volonté, il s’est fait un nom. S'est créé un destin. A écrit sa propre légende.
Lui, à qui l’on recommandait de ne pas s’orienter vers un métier manuel, et encore moins vers la restauration, parvient à se faire embaucher par les frères Troisgros en 1970 dans leur mythique maison de Roanne. Guy Savoy n’a alors que 17 ans. Il ne sait pas encore qu’il deviendra l’un des chefs et restaurateurs les plus respectés dans le monde. Ses mentors, Jean et Pierre Troisgros, eux, avaient vite décelé le potentiel de ce jeune cuisinier au talent débordant et à l’ambition dévorante. « On entendra parler de lui dans dix ans. » annoncent-ils prophétiquement à Christian Millau, co-fondateur du guide gastronomique Gault & Millau.
Se doutaient-ils que quatre décennies plus tard, leur jeune disciple serait non seulement un cuisinier respecté mais également considéré comme l’un des meilleurs ambassadeurs de la grande cuisine française ? Comme le symbole de d'une réussite insolente ? Celle d’un restaurateur indépendant qui a su construire un empire sans jamais trahir ses idéaux.
Car oui, le succès de Guy Savoy, un chef à la notoriété indiscutable et pourtant discret médiatiquement, est un cas d’école. En 1980, il ouvre son premier restaurant parisien et glane rapidement ses deux premières étoiles. En 1987, celui qui se définit volontiers comme un « aubergiste » décide d’aller au bout de ses envies. Il s’offre un grand restaurant à deux pas de la place de l’Étoile. Son vaisseau amiral de la rue Troyon le propulsera au firmament de la haute cuisine parisienne. En 2002, le Michelin le fait rentrer dans l’Histoire en lui attribuant une troisième étoile. Son auberge de luxe fait le plein midi et soir. Deux fois soixante couverts chaque jour. Le succès est total.
Et pourtant, Guy Savoy qui a conquis les Parisiens en multipliant les ouvertures d’adresses secondaires (Les Bouquinistes, Le Chiberta, L’Atelier Maître Albert…), se lance dans un nouveau défi de taille. Abandonner son adresse mythique du 17ème arrondissement pour prendre possession d'unf nouveau restaurant gastronomique installé au cœur de La Monnaie de Paris, la plus ancienne manufacture du monde. Aménager un restaurant de luxe dans un bâtiment du patrimoine national ? Le challenge était costaud. L’adversité permanente. Mais depuis le printemps 2015, et après bien des déboires (plus de trois ans de retard sur le planning initial), Guy Savoy est désormais chez lui à La Monnaie de Paris dans ce qui est sans aucun doute l’un des plus beaux restaurants de la planète. Des vues sur la Seine - et ses plus célèbres monuments - belles comme des tableaux, un cadre majestueux, une cuisine inoubliable exaltant les terroirs : plus que jamais, Guy Savoy incarne en 2016 le grand restaurant français dans ce qu’il a de plus noble et de plus séduisant.
Dans l’assiette
Difficile de ne pas tomber dans le panégyrique lorsqu’on en vient à commenter ce qui a fait le succès incommensurable de Guy Savoy : sa cuisine. Tout a très certainement déjà été dit, écrit, imprimé, publié au sujet de cette gastronomie joyeuse et accessible, si harmonieuse qu’elle sonne presque comme une évidence.
Ses assiettes signatures montrent la capacité du chef à créer des plats à la puissance mémorielle indiscutable en évitant tous les écueils de la haute cuisine : l’intellectualisation à outrance, la recherche permanente de la perfection esthétique au détriment du reste, la sophistication vaine. Il y a évidemment la soupe d’artichaut à la truffe noire, accompagnée de sa brioche feuilletée aux champignons et truffes, l’un des classiques immuables du répertoire de Savoy : un hommage prodigieux aux saveurs terriennes une merveille d’onctuosité, une ode au plaisir – si français – de saucer.
Le reste est à l’avenant et démontre la virtuosité du chef à offrir à ses convives des créations atemporelles misant sur la justesse des goûts et des harmonies d’une précision ensorcelante. Cette cuisine de vérité se décline à toutes les sauces, sur terre (formidable pigeon grillé au barbecue avec son jus d’abats puissamment gourmand) comme sur mer : spectaculaire araignée de mer « en situation », hallucinante raie « refroidie » au caviar, sans oublier le saumon « figé » sur glace. Littéralement précuit en salle devant des convives ébahis sur un bloc de glace à -70°C avant d’être servi accompagné d’un consommé brûlant à la citronnelle.
La poêlée de moules et mousserons, jus terre et mer, symbolise le trait d’union entre deux univers dans lesquels Guy Savoy navigue avec autant d’aisance. Le chef originaire d’Isère évoque au sujet de ce plat réalisé avec « des produits des cueillette, que l’on trouve à l’état sauvage », la quintessence de l’idée qu’il se fait de la cuisine. La noblesse dans la simplicité. Et inversement.
Quant aux desserts, ils s’inscrivent dans la lignée de ce qui a précédé. Là où certains grands chefs n’hésitent pas à casser la dynamique insufflée pendant le repas en adoptant une approche pâtissière décalée, Guy Savoy fait lui le choix de poursuivre sur la voie de l’authenticité et de la lisibilité. Que cela soit la « Fraise » (fraises fraiches, coulis de fraises et croustillants de fraises) ou le « Noir » (Biscuit au chocolat à base de pâte d’amande, imbibé au jus de citron vert, avec une ganache de chocolat parfumée à la cardamome et au poivre noir, accompagné d’un sorbet au chocolat noir), les deux créations sucrées mettent la technique – et le gigantesque travail en coulisses - au service de compositions simples au plaisir encore une fois… évident. Que c'est bien joué.
Dans la salle
Ou devrait-on dire dans les salons ? Car le nouveau « chez-lui » de Guy Savoy à La Monnaie de Paris est constitué de six salons en enfilade offrant des vues quintessentiellement parisiennes sur la Seine, le Louvre, le Pont Neuf, l’Institut de France, la Samaritaine… ou les bouquinistes, si chers au patron des lieux.
Derrière la transformation de ce lieu exceptionnel en un grand restaurant se cache le travail de l’architecte et ami de Guy Savoy, Jean-Michel Wilmotte, avec lequel il collabore depuis plus de vingt ans « Ce sont les tables et les vues sur l’extérieur qui sont les vrais tableaux. Le reste n’est que l’écrin » explique Wilmotte humblement. Et s’il a effectivement choisi une approche sobre en assombrissant les pièces en une harmonie de tons gris, le résultat est stupéfiant d’élégance et de raffinement. Célébrant tout à la fois le Paris éternel – celui des quais et des cartes postales - et la modernité d’un lieu fermement ancré dans son époque, comme en témoigne la présence d’œuvres d’art contemporaines (essentiellement issues de la collection de François Pinault), le nouveau flagship parisien de Guy Savoy peut s’enorgueillir sans fausse modestie d’offrir à ses convives l’une des plus belles salles à manger dans l’une des plus belles villes du monde. Tout simplement.
Le service
Précis, fluide, amical sans jamais être familier, le service mené par une équipe largement fidèle à Guy Savoy fait dans le très haut niveau sans jamais le démontrer. Cette absence d’ostentation – à l’inverse de certains restaurants de palaces – associée à la présence du patron de la maison qui, en bon « aubergiste », prend le temps de venir saluer les convives, contribue indubitablement au succès du restaurant, avant rue Troyon, maintenant à La Monnaie, semaine après semaine, mois après mois, année après année, décennie après décennie.
L’addition
Menus dégustation de 390 à 490€ (hors boissons). Comptez 200 à 250€, toujours sans les boissons, pour un déjeuner ou un dîner à la carte.
Si ces tarifs peuvent sembler élevés, nous ne nous lasserons jamais de répéter qu’ils reflètent la qualité des produits et la quantité de travail fournie en cuisine pour aboutir à une certaine forme de perfection. Sans même parler de la beauté des lieux, unique à Paris. Pas d'entourloupe donc, simplement le prix de l'excellence. Il est à noter enfin que Guy Savoy, propose aux clients réservant sur le site Web du restaurant, un menu comprenant une entrée, un plat et un dessert pour 110€ ainsi que des verres de vin dès 10€. Une initiative qu'on ne peut que saluer !
Le mot de la fin
Cuisine de vérité, recettes intemporelles, célébration de la diversité des terroirs français, joie d’une gastronomie extraordinaire sans jamais être prétentieuse, décor prodigieux sur les quais de Seine, le vaisseau amiral de Guy Savoy à La Monnaie de Paris couronne la réussite de toute une vie d’un restaurateur d’exception. Plus qu'une réussite personne, ce restaurant incarne ce que la France a de meilleur. Ce qui explique que Paris soit encore et toujours la ville la plus visitée dans le monde. La critique est unanime au sujet de Guy Savoy. Le succès public ne se dément pas. Non, ce n’est définitivement pas un hasard si Le Restaurant Guy Savoy à La Monnaie de Paris figure en quatrième position (première place en France) du classement La Liste des mille meilleures tables du monde.
Au même titre qu’il faut avoir, au moins une fois dans sa vie, mangé chez Bocuse, Troisgros, Ducasse, Guérard, Robuchon, Gagnaire ou Passard, réserver une table chez Guy Savoy est à ajouter sur sa bucket list quand on est un amoureux de la gastronomie. Fin de la discussion.
PRATIQUE
Restaurant Guy Savoy
À La Monnaie de Paris
11 quai de Conti
Paris 6ème - France
Fermé samedi midi, dimanche et lundi.
Tél. : +33 01 43 80 40 61
E-mail : reserv@guysavoy.com
Informations et réservations sur le site Web de Guy Savoy.