Les 50 meilleurs restaurants de Paris #4 : La Table du Lancaster (chef Julien Roucheteau)
On continue notre tour des plus belles tables de la capitale avec une escale dans un restaurant intimiste, presque secret, à l’image du talentueux chef qui y officie, le méconnu Julien Roucheteau. Aujourd’hui, nous vous proposons de découvrir La Table du Lancaster.
Le pitch : une table parisienne confidentielle, raffinée, brillante
Qui dit hôtel de luxe, haute cuisine et 8ème arrondissement dit Plaza Athénée, George V ou Bristol. Pourtant les grands palaces parisiens n’ont pas le monopole en matière de gastronomie, loin s’en faut. Pour s’en convaincre, rendez-vous est pris rue de Berri au cœur de l’Hôtel Lancaster. Une adresse historique, raffinée, discrète fréquentée depuis les années 30 par le gotha mondial. La preuve ? Marlene Dietrich, Clark Gable, Greta Garbo, Robert Capa ou encore Grace Kelly y avaient leurs habitudes. Aujourd’hui encore, le boutique-hôtel 5-étoiles a une réputation solide – membre des prestigieux Leading Hotels of the World, adresse préférée des lecteurs de Condé Nast Traveler – et un restaurant de classe mondiale sobrement nommé la Table du Lancaster.
Doucement mais sûrement la table intimiste de l’hôtel a su gagner le respect des gastronomes. Sous l’impulsion de Michel Troisgros d'abord. Le chef roannis supervisa la carte de 2004 à 2012, apportant dans son sillage son savoir-faire et sa renommée. En 2005, le restaurant gagne sa première étoile. Il faut dire que le sait s’entourer, faisant appel dès 2004 à Julien Roucheteau, un jeune cuisinier qui a fait ses classes à la Présidence du Sénat puis dans un temple de la haute cuisine française, au George V, en compagnie de Philippe Legendre. En 2008, après s'être frotté à diverses expériences, Roucheteau revient au Lancaster en tant que chef à la demande express de Michel Troisgros avec un objectif clair en tête : la conquête de la deuxième étoile Michelin.
En 2015, deux ans après une rénovation de fond en comble du restaurant et le départ de Michel Troisgros, le chef sorti premier de sa promo à l’École Ferrandi voit son rêve s’exaucer : le restaurant qu’il chérit tant obtient la deuxième étoile tant attendue. Une récompense plus que méritée pour ce bosseur invétéré, ce passionné de cuisine, perfectionniste et obsédé par la volonté d'aller toujours plus haut.. Roucheteau a un œil sur tout, scrute le moindre détail sur chaque assiette, se soucie des attentions en salle. Cela ne l’empêche pas d’avoir les pieds sur terre et de se rappeler qu’il ne « fait que de la cuisine » et qu’il est là avant tout « pour faire plaisir à ses hôtes ».
Dans l’assiette
Très confortablement installé dans une banquette moelleuse, nous voici embarqués pour une odyssée gastronomique à la découverte de la cuisine de Julien Roucheteau.
Les hors-d’œuvre arrivent. Une occasion de se familiariser avec la cuisine toute en précision et délicatesse du chef. Le dôme de betterave, exquis, devrait rabibocher tous ceux qui ont gardé un mauvais souvenir du légume couleur vermeil. Même sophistication pour le cornet de guacamole, œuf de caille et chorizo. Des goûts affutés, une technique parfaite pour un résultat qui nous donne envie de vite voir la suite.
Avec l’amuse-bouche suivant – mousse au cresson, gelée de radis – ce grand gaillard qu’est Julien Roucheteau nous prouve qu’il sait faire preuve d’une sensibilité étonnante. Il y a d'abord le dressage floral tout en finesse. Un visuel si beau que l’on a du mal à mettre le premier coup de fourchette. Puis il y a l’expérience en bouche. Un prélude aérien, subtil, léger comme un nuage. Une assiette d’une fraîcheur absolue qui prouve l’habileté du chef à travailler les légumes avec originalité. Voilà qui est de très bon augure pour la suite.
La suite arrive justement. Une mosaïque de langoustines et de shiso délicatement recouverte d’une gelée – un consommé de langoustine – et accompagnée d’une pincée de caviar et d’une noisette de crème fouettée. Une assiette sensationnelle tant elle synthétise la philosophie du chef. Le culte du beau produit (la langoustine, parfaitement cuite, presque fondante), le jeu sur les textures et les températures, la technicité (le réassemblage de la langoustine avec le shiso, la gelée de consommé), les contrastes malins (l’onctuosité de la crème venant adoucir un plat iodé comme il faut). De la très belle ouvrage.
On reste dans le registre de la mer avec cette sole revisitée. Le poisson, généralement servi sous sa forme aplatie a été ici reconstruit : les deux filets sont assemblés pour former un morceau de poisson massif à la cuisson divine. À côté, un rouleau façon maki – céleri, tétragone, bigorneaux – apporte fraîcheur et acidité à l’ensemble. Fidèle à sa vision, Julien Roucheteau propose une composition tout à la fois sophistiquée et gourmande, technique mais n’oubliant jamais la notion de plaisir.
On finit enfin par cette jolie pirogue de mirabelles, légère, craquante et forcément acidulée. Une saveur qui vient que l’on retrouve comme en fil rouge. Une saveur que l’on retrouve en pointillé tout au long de ce formidable déjeuner.
Dans la salle
Entièrement rénovée en 2013, la Table du Lancaster se veut être un havre de paix dans un quartier – celui des Champs-Élysées – connu pour son grouillement incessant et son agitation permanente. Et le moins que l’on puisse dire est que le challenge est réussi. Dans cette salle intimiste – une trentaine de couverts seulement – et feutrée, toute en élégance intemporelle, on se sent comme dans un cocon. Julien Roucheteau a le désir de « faire déconnecter ses hôtes » pour leur offrir un moment unique. Il a ici le cadre idéal pour y parvenir.
Le bonus : la salle s’ouvre aux beaux jours sur une terrasse de poche. Une caractéristique suffisamment rare pour un étoilé pour ne pas être oubliée.
Le service
S’il y a bien un avantage à déjeuner seul dans un restaurant, c’est celui de pouvoir observer le jeu de salle, le ballet des serveurs, le théâtre du restaurant. Et force est de constater qu’il y a un supplément d’âme dans le service de la Table du Lancaster. Est-ce parce que le personnel semble particulièrement attentif à chaque convive ? Est-ce une forme de modestie dans la manière de s'adresser à toutes et à tous ? Est-ce parce que la salle est suffisamment intime pour consacrer à chacun plus de temps ? Sûrement un peu de tout cela à la fois.
On reproche parfois au service des restaurants gastronomiques d’être intimidant ou de manquer d’humanité. Il se passe ici tout le contraire. On ne peut que s’en réjouir.
L’addition
Menus à 175 et 205€ respectivement en six et neuf séquences. Comptez 160€ à la carte (entrée, plat, dessert).
Au déjeuner, la formule entrée, plate, dessert à 62 € bénéficie d’un rapport qualité-prix exceptionnel pour le quartier (75€ avec 1 verre de vin, 1/2 bouteille d'eau, 1 café). Idéal pour découvrir la très belle cuisine de Julien Roucheteau sans casser sa tirelire.
Le mot de la fin
Vous ne pourrez plus dire que vous ne saviez pas. La Table du Lancaster, multi-récompensée (2 étoiles Michelin depuis 2015, 215ème meilleure table du monde de La Liste), plébiscitée par ses habitués s’affirme bel et bien comme l’une des plus grandes tables parisiennes avec discrétion et sobriété. Loin du nouveau star-system des chefs rois d’Instagram, Julien Roucheteau peaufine une cuisine d’excellence qui ravira tous ceux à la recherche d’une jolie parenthèse gastronomique.
Pratique
La Table du Lancaster
7 Rue de Berri, 75008 Paris
Du lundi au vendredi, au déjeuner et au dîner.
Menus de 62 à 205€ (sans les vins).
Réservations par formulaire Web ou au téléphone (+33 1 40 76 40 18).