Mathieu BelayMathieu Belay, Le vendredi 06 mai 2016
Restaurants

Les 50 meilleurs restaurants de Paris #11 : Pages (chef Ryuji Teshima)

Ouvert depuis à peine deux ans, Pages a su conquérir le cœur des critiques comme du public. Derrière ce succès foudroyant, un talentueux chef d’origine japonaise au potentiel immense, Ryuji Teshima. Découvert de cette table qui n’a pas fini de faire parler d'elle.
  • Asperge verte des Alpilles, mayonnaise oeuf cuit à basse température, tartare de veau de lait © Yonder.fr
    Asperge verte des Alpilles, mayonnaise oeuf cuit à basse température, tartare de veau de lait © Yonder.fr
  • Cabillaud sauvage, sauce ravigote, coquillages © Yonder.fr
    Cabillaud sauvage, sauce ravigote, coquillages © Yonder.fr
  • Agneau de Pré Salé cuit au charbon japonais, courgettes, crème d'ail nouveau © Yonder.fr
    Agneau de Pré Salé cuit au charbon japonais, courgettes, crème d'ail nouveau © Yonder.fr
  • Trilogie de bœuf (Wagyu d’Ozaki maturé 30 jours, Normand maturé 40 jours et Galice maturé 150 jours) © Yonder.fr
    Trilogie de bœuf (Wagyu d’Ozaki maturé 30 jours, Normand maturé 40 jours et Galice maturé 150 jours) © Yonder.fr
  • Fraises de Plougastel, cacao © Yonder.fr
    Fraises de Plougastel, cacao © Yonder.fr
  • Mignardises © Yonder.fr
    Mignardises © Yonder.fr
  • Façade du restaurant © Pages
    Façade du restaurant © Pages
De la France, « Teshi » emprunte les plus beaux produits naviguant brillamment dans le répertoire des terroirs français qu’il connaît du bout des doigts.

Nous avions découvert il y a quelques semaines KEI, le restaurant gastronomique de Kei Kobayashi, chef japonais fou de gastronomie française, ancien du Plaza d’Alain Ducasse (époque Piège) et en quête de perfection. Nous nous intéressons aujourd’hui à Pages, le restaurant du chef Ryuji Teshima, un autre chef japonais plébiscité par la critique comme par le public, récemment auréolé d’une première étoile par le Michelin.

Si l’on retrouve quelques similitudes entre les deux restaurants, « Teshi » n’a certainement pas l’attention d’être simplement considéré comme un chef japonais de plus à Paris. On ne peut que comprendre et approuver sa démarche.
 

Le pitch : la première adresse du très prometteur Ryuji Teshima

Ryuji Teshima, tombé dans le grand bain de la gastronomie française à l’âge de 18 ans pour finalement arriver en France – sans parler un traître mot de notre langue – à l’âge de 26 ans, est l’artisan de talent auquel on doit Pages. Ouvert à l’été 2014, ce restaurant discrètement installé à deux pas de l’Étoile a depuis son ouverture séduit la critique (du Michelin au Fooding en passant par Gilles Pudlowski ou l’inénarrable François Simon) comme le public qui n’a jamais déserté l’adresse malgré un contexte particulièrement difficile pour les restaurants gastronomiques parisiens.

Il faut dire que Ryuji Teshima a su imposer un style personnel, développant une cuisine percutante aussi bien visuellement que gustativement. De son Japon natal, il a gardé un sens de l’épure certain, la délicatesse de la cuisine kaiseki sans oublier la passion de la technique parfaite, une quête perpétuelle pour offrir la meilleure assiette possible en convoquant le minimum de produits et de saveurs. De la France, « Teshi » emprunte les plus beaux produits naviguant brillamment dans le répertoire des terroirs français qu’il connaît du bout des doigts. Car le chef a la particularité d’être souvent sorti de ses cuisines. D'abord chez Hugo Desnoyer où il a effectué un stage au long cours pour parfaire sa connaissance des viandes d’exception. Puis chez Terroirs D'Avenir où il parcourt la France pour dénicher les meilleurs poissons.
 

Hors d’oeuvres © Yonder.fr

 

Dans son antre minimaliste du très sage 16ème arrondissement, Ryuji Teshima associe le meilleur des deux mondes. Il travaille avec aisance ce que l’agriculture française a de plus beau à offrir, sublime les goûts grâce aux techniques nippones et fait toujours preuve d’une grande sensibilité. C’est d’ailleurs probablement ce qui frappe chez Pages : la cuisine de « Teshi » est déjà très aboutie pour un restaurant n’ayant pas encore fête son deuxième anniversaire. Et quand on entend le chef expliquer qu’il est «  impératif de continuer à faire des progrès et de s’améliorer sans cesse », on ne peut qu’être confiant pour la suite des aventures parisiennes de cet ancien élève d’Alain Senderens ou de Kobe Desramaults, inspiré, comme beaucoup de jeunes chefs de sa génération, par la cuisine poétique de Michel Bras.

  • Chips à base de pommes de terre de Noirmoutier à grignoter © Yonder.fr
  • Décoration florale dans le restaurant © Yonder.fr

 

Un coup d’œil en cuisine permet de voir la minutie extrême avec laquelle Ryuji Teshima et ses équipes achèvent leurs créations avant de les servir.

 

Dans l’assiette

Il y a dans la cuisine de Ryuji Teshima quelque chose qui séduit immédiatement. Une forme de délicatesse rare qui échappe le plus souvent aux chefs issus du sérail gastronomique français. Le dressage des assiettes, belles comme des tableaux, y est évidemment pour beaucoup. On pourrait y voir une forme de standardisation liée à la mode (vaiselle dépareillée, dressages asymétriques, utilisation fréquente de fleurs ou de poudres) mais force est de reconnaître que « Teshi » exécute cela avec une telle précision que l’on ne peut être que touchés par autant de maîtrise dans la confection des plats. Un coup d’œil en cuisine – ouverte sur la salle -  permet de voir la minutie extrême avec laquelle Ryuji Teshima et ses équipes achèvent leurs créations avant de les servir dans la foulée en salle, allant même jusqu’à utiliser la pince à épiler pour atteindre une quasi-perfection.

  • Asperge verte des Alpilles, mayonnaise oeuf cuit à basse température, tartare de veau de lait © Yonder.fr
  • Cabillaud sauvage, sauce ravigote, coquillages © Yonder.fr

 

L’asperge verte des Alpilles [...] est le meilleur symbole de cette cuisine belle à pleurer, bonne à se damner.

 

Et puis il y a les goûts, les saveurs, les sensations. Savoir fabriquer de belles assiettes est une chose. Élaborer de bonnes assiettes, cohérentes et porteuses d’émotions en est une autre. Il se trouve que Ryuji Teshima excelle dans les deux domaines.

Côté mer, le turbot sauvage façon ceviche convainc en guise de hors d’œuvre grâce à une fraîcheur irréprochable, habilement rehaussée par la coriandre et les oignons. Toujours dans le registre marin, le cabillaud sauvage – cuit à la perfection, presque translucide – fait mouche avec sa sauce ravigote et ses coques.

Mais c’est en s’enfonçant dans les terres que Ryuji Teshima parvient à nous ensorceler. L’asperge verte des Alpilles avec sa très onctueuse mayonnaise à base d’œufs cuits à basse température et subtilement accompagnée tartare de veau de lait est le meilleur symbole de cette cuisine belle à pleurer, bonne à se damner. Le must de notre déjeuner restant incontestablement l’agneau de Pré Salé, cuit avec une maestria certaine au bincho, le grill traditionnel japonais et simplement souligné de courgettes et d’une crème d’ail nouveau. On est là au cœur de la cuisine de Ryuji Teshima. Ce mélange de minimalisme dans la composition et de perfection dans la technique est la marque de fabrique des plus grands chefs. Ceux capables de donner naissance à de grands plats, ceux dont on se rappellera encore des semaines, des mois ou des années après les avoir dégustés.

  • Agneau de Pré Salé cuit au charbon japonais, courgettes, crème d'ail nouveau © Yonder.fr
  • Trilogie de bœuf (Wagyu d’Ozaki maturé 30 jours, Normand maturé 40 jours et Galice maturé 150 jours) © Yonder.fr

 

Ce mélange de minimalisme dans la composition et de perfection dans la technique est la marque de fabrique des plus grands chefs.

 

La trilogie de bœuf (Wagyu d’Ozaki maturé 30 jours, Normand maturé 40 jours et Galice maturé 150 jours) enfonce le clou en la matière avec des viandes à tomber par terre magnifiées par des cuissons toujours aussi pointues.

Les fraises de Plougastel préparées de trois manières, accompagnées d’une pointe amère de cacao et d’un très rafraîchissant sorbet à l’oseille et aux petits pois, achèvent le repas avec élégance et sans remettre en cause la grande cohérence de tout ce qui a précédé.                                                                               

Découvrez notre entretien complet avec Ryuji Teshima pour en savoir plus sur son parcours, ses inspirations et sa vision.

  • Frais de Plougastel, cacao et sorbet à l'oseille © Yonder.fr
  • Infusion de vanille pour "arroser" le dessert © Yonder.fr

 

« Teshi » explique que son idée n’est pas tant d’ouvrir la cuisine vers la salle que « d’inviter les convives dans sa cuisine » ! 

 

Dans la salle

C’est à l'architecte d'intérieur japonaise Shinku Noda (déjà responsable du décor d’Aida, du Gyoza Bar, ou d’Es) que l’on doit le cadre d'une grande sobriété de Pages (décor blanc et noir, tables nappées, arts de la table tout en délicatesse). La particularité de la salle réside dans sa cuisine largement ouverte se prolongeant naturellement en salle grâce à un impressionnant passe en inox. À ce propos, « Teshi » explique d’ailleurs que son idée n’est pas tant d’ouvrir la cuisine vers la salle que « d’inviter les convives dans sa cuisine » !  Une idée audacieuse qu’il promet de pousser encore plus loin dans les mois à venir.

  • Décor sobre et cuisine ouverte dans la salle à manger © Pages
  • Bienvenue chez Pages © Pages
  • L'art de la table a également fait l'objet d'un soin tout particulier © Yonder.fr
  • Détails et délicatesse, deux maîtres-mots de la philosophie de Pages © Yonder.fr
Tout au long de son menu carte blanche, il livre une cuisine personnelle réfléchie, équilibrée et à haute teneur émotionnelle.

 

Le service

Alors que nombre de chefs de sa génération optent pour un service informel de type bistrot, Ryuji Teshima a choisi de conserver une approche assez traditionnelle du service. On appréciera la douceur et l’écoute de l’équipe en salle, emmenée par la compagne du chef et propriétaire des lieux Noako Oishi.
Seul regret : l’absence de version écrite du menu « carte blanche ». Difficile de se rappeler de tout à moins de prendre des notes.
 

L’addition

Elle est étonnamment abordable ! Menus à 40 et 65€ au déjeuner, à 80€ le soir, dans chaque cas pour des menus « carte blanche » imaginés par le chef. Compte tenu de la qualité de l’assiette, de la noblesse de certains produits, du cadre soigné, du service minutieux et du quartier (habituellement, l’un des plus chers de Paris), on ne peut que s’enthousiasmer au sujet du rapport qualité-prix.
On ne s’étonnera pas, en revanche, de voir Ryuji Teshima augmenter ses prix petit à petit compte tenu de sa volonté de monter encore en gamme sa cuisine.
 

Café et mignardises © Yonder.fr


 

Le mot de la fin

Dans son restaurant Pages, Ryuji Teshima fait preuve d’une étonnante maturité pour un restaurant ouvert il y a moins de deux ans. S’il nous promet qu’il lui est nécessaire que sa cuisine évolue pour «  être de plus en plus aboutie », « Teshi » propose d’ores et déjà à ses hôtes une expérience gastronomique de haute volée. Tout au long de son menu carte blanche, il livre une cuisine personnelle réfléchie, équilibrée et à haute teneur émotionnelle, s’inscrivant dans les tendances actuelles pour mieux les assimiler à son style très personnel.

À n’en pas douter, Ryuji Teshima est promis à un grand avenir s’il poursuit son bonhomme de chemin avec autant d’ardeur et de passion.

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À lire également, notre interview exclusive de Ryuji Teshima

 

 

PRATIQUE

Pages

4 Rue Auguste Vacquerie, Paris 16ème  

Du mardi au samedi, au déjeuner et au dîner.
Menus déjeuner : 40€ et 65€ / Dîner  80€.

Tél. : + +33(0)1 47 20 74 94
E-mail : reservations@restaurantpages.fr
Attention, le restaurant n’a pas de Site Web mais est en revanche présent grâce à une page Facebook.