Difficile de savoir où donner de la tête en ce moment, tant les cérémonies et galas en tout genre se bousculent pour récompenser les meilleurs chefs et établissements de l'année. Si le Gault&Millau est sans conteste le plus important aux yeux des gourmets et le plus attendu par la profession, les prix du Fooding et le Petit Pudlo des Bistrots (parisiens) permettent aussi de dégager quelques tendances plus générales sur le paysage culinaire.
Le Gault&Millau voit toujours plus grand
Cette année, c'est Frédéric Anton (restaurant gastronomique Le Pré Catelan, 5 toques, 19/20) qui décroche la distinction suprême et la reçoit, non sans humour, par ces mots : « J'ai 60 ans, je pensais que j'allais passer directement « académicien » et que, depuis vingt ans que j'avais été « grand de demain », je ne serai jamais « cuisinier de l'année », donc merci Gault&Millau » !
Frédéric Anton © Hugo Clair pour Gault&Millau
Un prix qui conclut une très belle soirée de gala au Trianon et à l’Élysée Montmartre, qui avait commencé par un hommage émouvant des chefs Marc Veyrat et Michel Trama à leur ami et maître Michel Guérard, disparu cet été.
Entre les deux, le Guide Jaune a accueilli trois nouveaux académiciens : Patrick Henriroux, Bernard Pacaud et Gilles Tournardre, mais aussi un nouveau 5 Toques : Glenn Viel (L'Oustau de Beaumanière, qui passe donc à 5 Toques et 19/20). Le pâtissier de l'année n'est autre que Sébastien Nabaile (La Table de Pavie, 4 toques et 17,5/20), qui officie à Saint-Émilion depuis douze ans et se voit ainsi récompensé pour sa constance et son talent.
Quant aux jeunes, « Grand de Demain » et « Jeune Talent », c'est Clément Guillemot (Choko Ona, 3 Toques, 15/20) à Espelette ainsi que le couple Brice Goeuriot et Margaux Le Baillif (Nuance, 2 Toques, 14/20) à Bayonne, qui remportent la mise, inscrivant encore un peu plus le Pays Basque sur la carte gastronomique.
Avec un nouveau site internet, des hors-série 109, le lancement d'une app gratuite et une internationalisation encore plus marquée l'an prochain, le Gault&Millau semble vouloir gagner le cœur d'une cible plus jeune et plus voyageuse. À suivre.
- Pour l'ensemble du palmarès, c'est ici : gaultmillau.com
Nuance - Brice Goeuriot & Margaux Le Bailllif © Caroliner photographies
Le Petit Pudlo et le Fooding, fidèles à leur ADN
La jeune cuisine « qui se couche tard » - selon le carton d'invitation de cette année - délaissait les frigos de ses débuts pour le très chic Georges au Centre Pompidou. Signe qu'on peut se prétendre encore jeune et ne pas refuser de s'embourgeoiser pour autant...
Le palmarès de cette année offre un Fooding d'honneur à Iñaki Aizpitarte, figure mythique du Chateaubriand, qui s'est replié l'an dernier chez lui au Pays Basque pour faire revivre un spot de Saint-Jean-de-Luz, avec sa femme.
- Tous les autres primés (toujours par des noms fleuris 100 % Fooding) sont à retrouver là : lefooding.com/la-creme-de-la-creme
Mais, comme souvent, au Fooding, on retiendra surtout l'ambiance délurée et le casting de copains aux différents buffets : Le Cheval d’Or, Datil, Buttes, Palégrié Chez l'Henri, Ripaille, Kissproof, Choral, Razzia, Atelier Renata, Mắm From Hanoï, Manat et Mamiche.
Côté Pudlo, pas de jeunisme, mais des fondamentaux : la défense du bon bistrot, aidé dans sa tâche par un sacré gang de ripailleurs et par un homme investi d'une mission, Alain Fontaine, Président de l'Association Bistrots & Cafés de France, qui entend faire inscrire le bistrot français au patrimoine mondial de l'UNESCO !
Parmi les lauréats de cette année, réunis à la Grille Montorgueil (Bistrot de l'année), on saluera particulièrement Victoria Boller, cheffe de l'année, qu'on aime beaucoup aux Lyonnais, Quedubon, pour le meilleur Bistrot Canaille, et le Chantefable, repris en toute convivialité par le jeune Tom Le Fèvre, qu'on a connu en cuisine à l'Arôme de Thomas Boullault.
- L'ensemble du palmarès : gillespudlowski.com
Un trend : du terroir et du territoire
Trois guides qui semblent aux antipodes les uns des autres de prime abord et qui défendent pourtant chacun une vision assez similaire de la cuisine française de qualité. En un mot, une cuisine identitaire, de caractère et bien ancrée dans son territoire. A cet égard, on notera d'ailleurs un retour en force des produits de terroir à la carte, même des abats et des produits tripiers un temps délaissés, ainsi qu'une vraie affirmation des cuisines de l'Ouest.
En effet, la cuisine de toute la côte se voit distinguée par les trois guides, à commencer par le Pays Basque, mais aussi Douarnenez, Pont-Croix Quiberon ou Lège-Cap-Ferret, qui qui accueillent une nouvelle génération de chefs de tempérament et de talent. Bon vent à eux !