Madagascar, entre beauté des paysages et authentique vie de village
Paris -> Antananarivo -> Marosava Be
Mes deux mois de bénévolat sur l’île auront été saupoudrés de sable, de sel et de terre rouge. Après deux jours à Tana aka Antananarivo, la capitale, il est temps de partir vers le village de Marovasa Be où je vais bosser pendant deux mois pour École du monde, une ONG fondée par M. Charles Gassot il y a 17 ans.
L’arrivée au village fut assez épique. Marovasa Be est un petit village de pêcheurs (700 habitants) situé au nord de la ville de Majunga (200 000 habitants), un sympathique port très hospitalier du nord de l’île.
Seul moyen d’accès depuis la capitale : l’avion, un petit jet, qui atterrit directement sur la piste d’Anjajajy, une oasis de palmiers peuplée de lémuriens au milieu de nulle part. L’autre solution est de prendre un taxi brousse bon marché mais bien plus typique : comptez une journée de traversée le long d’une piste baignée de soleil jusqu’à Majunga, suivie de quelques heures dans le bateau commercial qui relie, une fois par semaine, Majunga et d’autres villages de la baie de Moramba. L’aventure je vous dis, on y reviendra.
C’est dans un minuscule avion que je débarque sur la côte ouest en plein hiver. Il fait frisquet pour les Malgaches, moins de trente degrés à l’ombre. Brrr. La scène est surréaliste : après le survol des Hauts Plateaux ocres à moyenne altitude, c’est dans les nuages d’une piste de terre, entourée de troupeaux de paisibles zébus que l’avion se pose. De loin, j’aperçois le village, puis la « maison » dans laquelle je vais passer ces prochains mois. L’endroit est surréaliste de beauté.
Chemin baigné de soleil entre la villa et le village | Violette Marquis ©
A Marovasa Be, la routine du village
Une routine se crée rapidement au fil des semaines. Tous les jours, je me rends au village pour former l’enseignante de la maternelle du village mais les soirées et le week-end sont libres.
Rapidement, je prends part aux activités des locaux. S’en suivent de belles catastrophes, comme avec l’équipe de foot féminine du village : trois heures de course sous une chaleur de plomb, sans chaussures et en parlant dix mots de malgache.
Je rencontre également un petit réseau d’expatriés français. S. est l’un d’entre eux. Il a refait sa vie à Mada et s’occupe de la gestion d’une maison voisine. Avec lui, je retrouve le plaisir de bonnes conversations en français, mais aussi la joie de jouer à la pétanque, un rhum-café à la main. Nous pêchons quelques poissons dans la mangrove ou faisons de longues virées en brousse, avec sa copine malgache. Il n’y a qu’à l’étranger qu’on rencontre de tels baroudeurs !
Niveau gastronomie, on est très loin des plâtrées de riz auxquelles je m’attendais. La maison dispose heureusement de frigos, ce qui apparaît comme un luxe dans le village et pour la majorité des Malgaches. Camarons – gambas locales – ou homards pêchés du jour dans un curry de coco, glace au citron vert ou à la vanille du verger, canard grillé (une des spécialités de l’île) et filet de zébu au poivre sauvage auront été les plats incontournables de mon séjour. Au village, c’est plus rustique mais pain de manioc, brèdes mafane (herbes comestibles) et poissons frais sont de rigueur, systématiquement accompagnés de riz. Les inspirations sont africaines mais également asiatiques. Bref, la gastronomie malgache vaut le coup d’œil – et de fourchette.
Fêtes du village et festivals cassent cette routine et sont des événements marquants pour le village.
La fête de l’indépendance le 26 juin fut par exemple l’occasion de joyeuses festivités, dont un carnaval emmené par les gamins. La coutume étant de parcourir tout le village et de l’emplir de chants et de danses, puis de rassembler tout le monde autour d’une kermesse artisanale.
Scène de vie au village lors d’un festival en mai | Violette Marquis ©
La Coupe du monde de football déchaîna également les passions. Comme la villa est le seul endroit avec le câble, c’est toute une bande surexcitée qui se retrouve tous les soirs pour commenter les matchs - notamment ceux des Bleus. Somme toute, de très bons moments passés ensemble, malgré les différences.
Pour le reste, imaginez-vous habitant littéralement à deux pas de la mer au milieu d’une forêt de palmiers, cocotiers, de terre cuite et d’akombas agités (« lémurien » en malgache). Pas désagréable.
Échappées aux alentours de l’île
Ce séjour a été l’occasion de petits détours en bateau dans la baie aux alentours. L’un des spectacles les plus saisissants qu’il me fut donné de voir là-bas, ce sont les « îles baobab », sorte des massifs champignonneux surmontés de baobabs, abîmés par le mouvement des vagues et menaçant de s’effondrer à tout moment. Cette partie de l’île est l’une des seules qui accueille ces drôles de champignons.
Île champignon et baobabs épars dans la baie de Moramba | Violette Marquis ©
La vie du coin est également rythmée par les marchés qui ont lieu tous les dimanches, mais qui sont uniquement accessibles en pirogue. C’est la grande place de « business » et l’occasion pour les villageois d’échanger, de vendre leurs poissons, légumes ou fruits locaux mais également des vêtements, des produits du quotidien ou des plats cuisinés. Intéressant mélange, mais force est de constater que les gamins sont également de la partie. Je me souviens avoir croisé une de mes élèves de six ans, absente depuis deux semaines qui donnait un coup de main à ses grands-parents. Et ne pas pouvoir y faire grand chose.
L’écosystème malgache est également plein d’équilibres fragiles. La mangrove qui entoure la baie en est un bel exemple. On m’y a emmenée plusieurs fois, et j’y suis retournée à plusieurs reprises avec la même excitation de gamine, prête à voir apparaître des tréfonds des racines de palétuviers, non pas les petits crabes bleus qui y pullulent, mais une gueule béante de crocodile. Ce qui ne fut – heureusement – jamais le cas.
Petit précis, la mangrove est une zone tampon entre les terres et la mer, située dans près de côtes relativement basses appelées estran. Elle se remplit d’eau suivant le rythme des marées.
La vie de village : îlot de tradition dans un monde moderne
Ces deux mois ont été ponctués de rencontres passionnantes. Au village, m’occuper des enfants a été une excuse pour me rapprocher de la population locale et tenter, – malgré la barrière de la langue, – de m’intégrer autant que possible. D’où des discussions dépaysantes sur la vie du village et les coutumes locales. Pour la petite anecdote, des Malgaches du village m’ont expliqué au cours d’une conversation qu’au lieu d’enterrer les cadavres, les villageois les placent dans un linceul blanc, dans une grotte, au bord de la mer en amont. La communauté est majoritairement chrétienne mais, en pratique les traditions locales s’y mélangent – ces dernières varient grandement selon les ethnies et donc selon les régions du pays.
Il m’est difficile de ne pas dire un mot sur les petits dont je me suis occupée. Les grands yeux souriants de ces braves gamins, leur énergie, leurs progrès et leur application sont mes plus beaux souvenirs. Il m’est difficile de les imaginer d’ici dix ans, pères ou mères de famille déjà, pêcheurs ou commerçantes, avec des envies de grand air dans les yeux et les poches vides. Voir certains porter les mêmes vêtements troués quinze jours de suite ou être forcés de travailler au lieu d’aller en cours m’a révoltée plus d’une fois mais que faire ? D’ailleurs la solidarité villageoise veille au grain pour assurer que tous, même les orphelins, vivent décemment.
Scène de vie à l’école | Violette Marquis ©
Il est extrêmement difficile de porter un regard critique sur les habitudes qui perdurent au village. Un jour à l’école, une petite est venue avec un pied enflé en boitillant. A force de questions, elle m’a finalement expliqué qu’elle ne pouvait plus marcher normalement depuis trois semaines et effectivement, s’étant sans doute enfoncée une écharde dans le pied (je rappelle que le port des chaussures est plus que rare), il s’est infecté. Les parents ont préféré ne rien faire malgré la présence d’une infirmerie au village. Pourquoi ? Souvent par méfiance pour la médecine et par méconnaissance de la procédure à suivre. C’est donc sur place avec une épine de rose locale, du citron et un briquet que j’ai procédé à l’extraction, avant de faire don à la petite fille d’une paire de chaussettes pour faciliter la cicatrisation. Dure vie, et le vasa (traduction de « blanc ») n’a pas forcément son mot à dire.
Madagascar n’échappe malheureusement pas à certains fléaux des pays en voie de développement que sont en vrac l’alcoolisme, les MST en pagaille, et l’absence de prévention, les épidémies et la pauvreté en général, malgré le boulot fantastique des associations malgaches ou étrangères sur place. Il faut donc, malgré le plaisir que peut offrir une bonne bière tiédasse partagée à 10h du matin ou le sourire d’un Malgache, auquel vous offrez une Winston, procéder avec prudence. S’attirer la sympathie de tous en tant que vasa n’est pas chose difficile, d’autant plus quand vous vous impliquez pour le développement local. Mettre des barrières est infiniment plus complexe.
Le séjour s’achève sur une fête sympathique, dont je vous épargne les détails. Après des adieux déchirants, il est temps de repartir vers les eaux de Majunga !