Le voyage, la musique... et le fromage, vus par les artistes norvégiens Ost & Kjex
À l’occasion de leur passage à Paris le 10 octobre dernier pour une performance live au Badaboum, on a rencontré Petter Haavik et Tore Gjedrem aka Ost & Kjex, duo électro norvégien qui s’apprête à sortir un nouvel album, « Freedom Wig » sur Diynamic Music, le prestigieux label hambourgeois deep house cofondé par Solomun.
C’est dans une pizzeria de quartier du 11ème arrondissement que l’on va échanger, pendant plus d’une heure, avec ce duo aussi atypique que sympathique : l’occasion de parler musique, clubbing, inspirations, fromage [!] et voyage bien sûr !
Yonder : Ce n’est pas la première fois que vous venez à Paris…
Petter : Non, c’est la quatrième fois. La première fois, c’était grâce au label Dialect [NDLR : label parisien indépendant créé en 2002 par Simon Le Roy (alias Simon Says) et Cyril Kasparian (alias Cyril K.)], au Nouveau Casino.
Tore : Cela fait des années déjà… Nous avions aimé le show mais nous n’avions pas l’expérience sur scène que nous avons aujourd’hui alors je ne sais pas si le public a partagé cet avis. [Rires]. Notre musique était plus expérimentale, on utilisait alors des samples live sur scène. La tonalité était plus arty.
Petter : Ma copine avait confectionné un chapeau spécialement pour l’occasion. On avait caché l’intérieur du chapeau une baguette [NDLR : de pain] que que je devais sortir pendant le live. Mais ça n’a pas marché comme on l’aurait voulu [Rires].
Votre nom, Ost & Kjex, signifie "fromage et crackers" en norvégien, votre premier album contenait uniquement des samples de nourriture [NDLR : de pain et de fromage essentiellement], vous êtes maintenant en France, le pays du fromage, et serez à Amsterdam, la semaine prochaine, le second pays du fromage. Êtes-vous heureux d’être ici ?
Tore : [Rires] Oui, tout à fait, on est ravis. Mais nous avons évolué musicalement et abandonné l’idée de faire de la musique avec du fromage !
Mais vous aimez encore le fromage ?
Tore : Oh oui oui, bien sûr. J’ai mangé une salade au brie frit tout à l’heure en arrivant à Paris. On a pas ça en Norvège.
Votre mantra a d’ailleurs été pendant un temps « To brie or not to brie, that is the Queso ».
Petter & Tore : [Rires] C'est vrai, oui.
Quel est votre fromage préféré ?
Tore : C’est impossible à dire, il y en a tellement… Peut-être le comté. Et le brillat-savarin, sûrement le meilleur fromage que j’ai jamais gouté. Les fromages français sont parmi les meilleurs !
Et quels sont les meilleurs fromages à « sampler » ?
Petter : On s’intéressait plutôt aux emballages de fromages qu’aux fromages eux-mêmes, trop mous et trop odorants sur scène [Rires].
Tore : Notre matériel était couvert de miettes après les live ! Mais on a abandonné le concept d’utiliser de la nourriture pour faire de la musique. A l’époque, au début des années 2000, on était inspirés par Matthew Herbert et l’idée de sampler des sons de la vie quotidienne pour produire de la musique électronique. Le groupe américain Matmos qui samplait des bruits d’instruments de chirurgie esthétique nous également influencés. Mais c’était une autre époque...
Comment vous décririez votre musique actuelle, celle de votre nouvel album, « Freedom Wig » ?
Tore : House music, sans aucun doute. Avec des sonorités vocales et instrumentales. Ce n’est pas encore la techno du Berghain [NDLR : le temple de la techno minimale, à Berlin] mais ça sonne définitivement plus électronique et plus club que nos albums précédents. En tout cas pour nous. Pour Marcel Dettmann [NDLR : l’un des DJs emblématiques du Berghain], ce serait probablement de la soul ou du folk ! [Rires]
Et comment s’est faite la rencontre avec Solomun, en 2008, qui vous a signés sur son label, Diynamic Music ?
Petter : On s’est rencontrés sur Myspace, à l’époque où Myspace était the place to be pour la musique. On a découvert la page de Diynamic et décidé de le contacter car on aimait ce qu’il faisait. Exactement au même moment, on avait un message de Solomun dans notre inbox nous demandant de lui envoyer des morceaux. On a ensuite collaboré ensemble et notamment sur Federgewicht [NDLR : un EP de Ost & Kjex vs Solomun contenant trois titres, sorti en 2008 sur Diynamic].
Tore : On était les premiers artistes étrangers à signer sur le label. Diynamic était tout petit à l’époque avec seulement une poignée d’EPs sortis et quelques artistes. Solomun, Adriano [NDLR : le co-fondateur du label] et Stimming, c’était tout à l’époque. Stimming a sorti quelques EPs qui ont bien fonctionné, puis David August et bien d’autres encore sont arrivés et le label a grandi.
Cela a-t-il eu de influence sur votre musique ?
Tore : Absolument. En particulier pour notre dernier album, qui a un son plus dansant, plus clubby et plus adapté aux attentes actuelles du public. Ce qu'on faisait avant était plus arty, il fallait que nous nous adaptions.
Petter : Oui et c’est aussi comme ça que le label fonctionne. Diynamic, c’est une histoire de famille. Chacun donne son avis sur les tracks des autres et contribue. Par exemple, Stimming est venu nous donner un coup de main à Oslo pour finaliser notre album et travailler sur les arrangements. Tout le monde au sein du label a une expérience similaire.
Au-delà de Matthew Herbert, quels sont les artistes qui vous inspirent aujourd’hui ?
Tore : On a toujours été attiré par l’esprit arty et expérimental de la musique. DJ Koze fait partie des producteurs qui nous inspirent. Comme Stimming [NDLR : l’un des artistes phares du label Diynamic] qui a une vision très musicale de la production.
Petter : les premiers EPs de Kompakt [NDLR : l’un des plus célèbres labels techno allemand, basé à Cologne] nous ont également marqués.
Tore : les labels Monotone, Rush Hour, le label du disquaire à Amsterdam ou Clone font aussi partie de nos influences, avec leurs sons techno analogiques revisités. Mais on écoute beaucoup d’autres styles musicaux. De la musique africaine, du blues, de la soul, du folk, de la disco, du vieux hip-hop… beaucoup de choses en fait !
Petter : J’écoute de tout, pas uniquement des musiques électroniques… Edith Piaf par exemple !
Tore : Le producteur français Nôze fait également partie de nos influences à l’époque où l’on écoutait Matthew Herbert. Il arrivait avec des idées, une nouvelle manière d’aborder le live dans la musique électronique.
Maintenant l’inspiration est partout. La musique est partout, on écoute de tout, n'import où, n'importe quand. Ce n’est pas si facile de savoir ce qui nous influence.
Petter : Et la musique électronique est arrivée à maturité. De nouvelles choses intéressantes continuent à sortir mais les genres sont plus établis, la musique circule plus facilement.
Tore : Il y a dix ans, il fallait aller à Berlin pour écouter le son de Berlin. Maintenant on trouve des lieux inspirés du Panorama Bar [NDLR : le bar emblématique du Berghain] dans toutes les grandes villes du monde. Mais à l’époque, ce qui se passait à Berlin nous a beaucoup marqués.
Parlons voyage maintenant. Quelle est votre destination préférée ? Le lieu qui vous a le plus marqué ?
Tore : Le Brésil. Sans aucun doute possible. Pour les gens. Et l’atmosphère unique. Et toi Petter, tu dirais Minsk ? [Rires]
Petter : [Rires] Non plutôt Istanbul. J’adore le côté cosmopolite de cette ville influencée par l’Orient et l’Occident. On y mange bien, les gens sont adorables…
Tore : Et Paris aussi ! Mais Paris ressemble plus à ce qu’on connaît déjà.
La destination où vous pourriez vivre ?
Tore : Paris peut-être. J’ai une amie qui habite ici, j’ai vécu à Paris pour quelque temps. J’adore revenir à Paris, c’est à chaque fois différent, à chaque fois une découverte. [S’adressant à Petter]. Minsk encore pour toi Petter ? [Rires]
Petter : Pour le reste de ma vie ? Peut-être pas Minsk alors [Rires]. Je dirais Berlin. Je me sentirais presque à la maison.
Votre souvenir de voyage le plus mémorable ?
Petter : Mourmansk, certainement.
Tore: oui, Mourmansk. On y est allés il y a dix ans pour un live. Dans un bowling ! Tout était si différent de la Norvège. L’aéroport ne ressemblait à rien que l’on ait déjà vu. Le public était si chaleureux et accueillant mais tout était si différent. Un vrai choc.
Nos concerts en Chine, il y a cinq ou six ans, étaient également extraordinaires.
L’objet que vous avez toujours dans votre valise ?
Petter : Mon passeport ! Et toi Tore, ta tenue de cuir ? [Rires]
Tore : [Rires] Ma tenue de cuir oui ! Ma casquette de cuir jaune. [NDLR : Tore tend un photo de sa casquette sur son téléphone]. Je l’ai achetée à Lucerne en Suisse, je l’ai toujours avec moi, pour chaque live.
Votre moyen de transport favori ?
Petter et Tore, en chœur : le vélo !
Torre : on habite en dehors de la ville à Oslo, un peu dans la nature. On aime profiter de balades en vélo.
Votre secret pour battre le jetlag ?
Petter : pas de secrets, je suis toujours mort après un long vol.
Tore : rester éveillé en arrivant à destination pour prendre le rythme ?
Petter : voyager en première ? Prendre un somnifère ? Ça peut aussi aider... Mais on a pas vraiment de secrets ! [Rires]
Le voyage que vous n’avez pas encore pu faire ?
Tore : le Japon. On doit y aller depuis longtemps mais on a pas eu l’opportunité de faire ce voyage pour le moment.
La chose que vous n’aimez pas quand vous ^?
Petter : beaucoup de choses en fait !
Tore : on est tous les deux pères. Laisser nos familles à Oslo n’est jamais agréable. Et les vols avec correspondance depuis la Norvège… les voyages sont souvent longs. L’aéroport d’Oslo est très loin de chez nous, les vols sont tôt.
Mais rien de catastrophique pour autant, on ne peut pas trop se plaindre.
Votre pire souvenir de voyage ?
Tore : [NDLR : revenant à la question précédente] Et quelque chose que l’on aime pas non plus quand on voyage : on déteste les hôtels design et trop modernes !
Petter : [Rires] Quand c’est difficile de prendre une douche sans se brûler ou impossible de dormir tranquillement.
Tore : [Rires] On préfère les choses simples, pas besoin de luxe.
Et le pire, un souvenir de tournée peut-être ?
Tore : on ne s’est pas réveillés pour un soundcheck au Panorama Bar ! [Rires]. Michael, le propriétaire, nous a appelés pour nous demander où on était. On avait trop fait la fête la veille. Mais on a pu faire le soundcheck à temps, heureusement.
Pour terminer, des conseils à partager sur votre pays, la Norvège ?
Petter : amenez votre propre fromage ! [Rires]
Tore : si vous êtes Français, amenez votre fromage c’est vrai. [Rires]. Oslo est une ville charmante, à découvrir pendant l’été. Ce n’est peut-être pas une destination de vacances évidente, mais c’est très agréable, au bord de la mer, la nature est omniprésente.
Mais pour la vraie expérience norvégienne, il faut filer à l’ouest du pays, du côté de Bergen ou Stavanger, c’est très beau. Pour ceux qui aiment la nature et les paysages spectaculaires, c’est parfait.
En savoir plus
Le nouvel album d'Ost & Kjex, Freedom Wig, sera disponible à la vente début novembre. En attendant, on peut retrouver le duo partout à travers l'Europe à l'occasion de son Freedom Wig Release Tour.
En attendant, on peut écouter leur musique sur Soundcloud :